Elle est arrivée sans prévenir et s’est frayée un joli chemin dans le landerneau artistique. Armelle de Dieuleveult a repris la galerie YellowKorner, rue Piron, à Dijon, en septembre 2020, en s’associant à la propriétaire Hélène Desaga. Il faut dire que depuis 2007 les journées s’étiraient comme le gruyère dans une assiette de pâtes et, un jour, elle a décidé de quitter la grande distribution pour se lancer dans d’autres espaces et répondre ainsi à un nouveau défis. Qu’elle ne regrette surtout pas.
« La notion d’engagement, elle coule dans mes veines avec tout le capital d’aventures qui l’accompagne » confie la jeune femme au regard vif et intense avec des yeux qui se plissent quand le sourire s’élargit. Effectivement, elle fait partie de ces assoiffés d’aventures qui, faute de terres inconnues à explorer, refont le chemin que d’autres ont déjà parcouru en mettant la barre toujours plus haut. Qui n’a pas rêvé de faire comme elle, explorer de nouveaux territoires, sortir de la routine des lundis matin ? Son choix nous rappelle qu’en ces temps aseptisés, il y a encore de belles façons de s’évader, d’opter pour les (grands) chemins de traverse.
Voyageuse, Armelle de Dieuleveult l’est par mission mais surtout par conviction. Comme l’était son charismatique cousin Philippe de Dieuleveult, journaliste reporter d’images disparu mystérieusement au Zaïre, en 1985. « La photo, c’est un produit qui parle à mon cœur, profondément. J’avais envie d’une expérience plus indépendante. L’opportunité YellowKorner s’est présentée » explique-t-elle. Photographe dans l’âme, la boutique devient en quelque sorte son laboratoire. Elle est à l’écoute de toutes les influences, de toutes les aspérités, de tous les grains. A l’opposé d’une certaine photographie contemporaine avide de sensationnel.
Elle observe, écoute, relaie les vibrations artistiques qui a pour seule limite sa ligne d’horizon. C’est dire si ses paysages sont vastes. L’ici y côtoie l’ailleurs. L’ultra-local cohabite avec l’évasion lointaine. L’intériorité invite la convivialité. L’ancrage régional associe le nomadisme. Le durable respire l’innovation. Le talent unique accompagne une culture plurielle. C’est dire si les regards convergent.
Un catalogue de plus de 350 photographes
Née à Poitiers, avec 13 déménagements avant ses 18 ans, on comprend mieux pourquoi Armelle vit sans frontière, l’œil à trois cent soixante degrés, toujours ouverte aux rencontres, prête à la découverte. Femme de passion, femme d’engagement, Armelle s’attache à raconter des histoires humaines pour extraire du tourbillon d’images ce qui a à ses yeux valeur exemplaire. Il est toujours plus facile de photographier l’inconnu ou le lointain. La vraie difficulté est de chercher l’image dans un quotidien que l’on connaît par cœur. Armelle de Dieuleveult a toujours pensé que l’on n’avait pas besoin de partir en quête de sens aux antipodes, mais qu’on pouvait en trouver chez ses voisins de palier. Et de souligner son engagement en direction du monde artistique avec un large catalogue d’un peu plus de 350 photographes : « Il est de mon devoir d’avoir un lien avec les artistes locaux. J’organise très régulièrement avec eux, au moins une fois par mois, des événements pour les mettre en valeur, leur permettre de vivre une expérience qui est celle de se montrer au monde. Les 10 et 11 mars prochain, j’ai choisi de réunir 5 artistes : une photographe, trois dessinateurs et une artiste peintre qui vont occuper l’espace tout le week-end pour montrer leurs travaux, leur engagement sur les sujets qui touchent à la femme (1) ».
Engagée, Armelle affirme l’être aussi au jour le jour. Dans sa boutique : « Ca commence au plus proche de ce que je fais quotidiennement avec l’exigence d’une qualité commerciale, faire du mieux possible en montrant l’exemple aux personnes qui travaillent à mes côtés, avec le souci de m’inscrire dans une progression permanente au vu de ce que j’ai déjà réalisé ». Pour mesurer le propos, pénétrez dans la galerie qui permet à l’image fixe de déployer ses multiples facettes, propose des images exceptionnelles et d’une rare beauté plastique. A se demander s’il reste encore des terres vierges et des sentiers non battus.
Finalement, Armelle, à sa façon, est une aventurière. Par l’authenticité et l’envergure de ses démarches artistiques, de la qualité des photographies exposées, elle s’inscrit dans la droite ligne de ces grands explorateurs qui ont marqué nos imaginaires. Nul doute que son cousin Philippe aurait apprécié…
Jean-Louis Pierre
(1) Nicolas de Linage, Samuel Mougey, Rosa-Franca, Olga Gay et Klem
YellowKorner
25 rue Piron. Dijon
Photo : Christophe Remondière