Le Pinot noir, un grand voyageur

Les bouteilles de bourgogne élaborées à base de Pinot noir s’exportent de fort belle manière à travers le monde depuis longtemps. Mais ce cépage aussi, qui sait, comme aucun autre, retranscrire la subtilité de nos terroirs et de nos climats, sait voyager… Et ce, depuis encore plus longtemps !

En guise de mise en bouche de cet article sur le Pinot noir, nous vous proposons une formule de Voltaire durant le siècle des Lumières qui participa à sortir de l’ombre le Corton. Lisez plutôt ce qu’il écrivit à l’un de ses fournisseurs de bourgogne : « Je crois qu’il y a vin et vin comme il y a fagot et fagot. Je vous supplie de m’envoyer quatre tonneaux de Corton toutes les années tant qu’il plaira à la nature de me permettre de boire ! »
Les fins connaisseurs trouveront, à n’en pas douter, légèrement paradoxal de débuter cette présentation du Pinot noir par le Corton car, il ne faut pas l’oublier, tous les grands crus de bourgogne rouge, produits exclusivement, comme il se doit, à base de ce cépage sont situés en Côte de Nuits sauf le vin préféré du philosophe du XVIIIe provenant de la Côte de Beaune… Mais le Corton – et Voltaire aussi – le méritait bien ! Pour la petite histoire, le vin d’Aloxe dont il fut l’un des plus grands thuriféraires était issu des climats Les Perrières et Les Bressandes…

Une chose est sûre, le Pinot noir a largement contribué à la renommée de la région dans le monde entier. Comme les spécialistes s’accordent à le dire, il représente « un interprète du terroir par excellence, capable de restituer avec brio toutes ses nuances ». Et comme il semble être originaire de Bourgogne, nous pouvons écrire qu’il n’a fait que sublimer sa patrie de naissance. Et ce, depuis des siècles, puisque ce cépage est l’un des plus anciens. Avant même que les Romains ne conquièrent la Gaule, celui-ci y aurait été déjà cultivé, puisque, si l’on en croit la description faite par Columelle, l’agronome romain qui a exercé ses talents sous les empereurs Tibère et Caligula, son origine daterait du 1er siècle avant notre ère. Si bien que ses descendants sont légion (pas seulement romaine) : le Chardonnay, le Gamay, l’Aligoté…

Même en Tasmanie

C’est en Bourgogne qu’il a trouvé sa terre de prédilection (rappelons aussi que les 45 appellations Villages de la région sont entièrement élaborées à partir de Pinot Noir) mais il a su s’imposer au-delà de nos frontières régionales : en Champagne, il est par exemple cultivé sur une superficie de plus de 13 000 hectares (principalement sur la Côte des Bars et sur la Montagne de Reims). Et il faut savoir que l’Alsace, même si elle est principalement connue pour ses blancs, n’autorise que ce cépage. Nous le retrouvons également dont la Vallée de la Loire, le Languedoc ou encore le Jura.

Ses pérégrinations ont également dépassé le territoire hexagonal. Ainsi les moines cisterciens l’ont-ils exporté en Allemagne au Moyen-Âge, nos voisins d’outre-Rhin étant aujourd’hui les troisièmes plus gros producteurs de ce cépage, qui occupent 11,6 % de leur vignoble. Il est surtout planté dans la région de Baden, mais aussi de Württemberg, de Pfalz ou de Rheinhessen. Mais il a aussi conquis la Suisse, détrônant même le Chasselas et devenant le cépage le plus important du pays.

Il n’a pas laissé non plus ni la Moldavie ni l’Italie indifférentes et il est même allé beaucoup plus loin. Il fait le bonheur de la Nouvelle-Zélande, dans les régions d’Auckland, de Hawke’s Bay ou de Marlborough, ou encore de l’Australie (en Tasmanie, dans la Vallée de Yarra et la Péninsule de Mornington). Et, bien évidemment, les Américains ont, eux aussi, su en tirer sa substantifique moelle (notamment dans l’État de Washington, la Californie et l’Oregon). Nous pourrions poursuivre avec l’Argentine et le Chili… Mais que de chemin parcouru par le Pinot noir, pardon « Notre » Pinot noir de Bourgogne !