C’était il y a 101 ans : Merci Tonton…

Sans sa Foire, Dijon ne serait pas tout à fait Dijon. Et sans Gaston Gérard, la Foire de Dijon ne serait pas ! Le maire de Dijon, connu bien au-delà des frontières de l’Hexagone pour la recette de poulet éponyme, est à l’origine de la première Foire qui s’est déroulée du 7 au 13 novembre 1921. Pour créer cet événement devenu majeur (et international) au fil du temps, il a dû dépasser les oppositions politiques (notamment dans son propre camp) et s’appuyer sur le tissu d’entrepreneurs locaux de l’agroalimentaire. Retour sur la première édition…

Il était une fois… une chanson. Lisez plutôt ces paroles : « Dijon c’est la p’tite capitale, dont sont fiers les Bourguignons. Tonton. Tonton. Tontaine ! Ville artistique sans égale, pour sa finesse et son bon ton. Tonton. Tontaine et Tonton ! A la Foire gastronomique, qu’est son enfant de prédilection. Tonton…. Avec un zèle apostolique, il invite toutes les Nations. Tonton… »
Tonton n’est ici pas celui de la Nièvre qui, par deux fois à la fin du XXe siècle, poussa victorieusement les portes de l’Élysée. Dans cette composition du Cercle Rameau, intitulée « Viv’le maire de Dijon » – eh oui, à l’époque, il n’était pas rare que l’on chante les louanges des élus ! –, Tonton n’est autre que Gaston Gérard, premier magistrat de la cité des Ducs de 1919 à 1935. Table de Lucullus oblige, le général romain resté célèbre pour son coup de fourchette et non pour ses coups sur les terrains de bataille, cette ritournelle nous permet de rendre à César ce qui lui appartient.
Le souvenir de Gaston Gérard ne se perpétue pas seulement à travers la célèbre recette de poulet. Une recette que l’on doit, au demeurant, à sa première femme (de son nom de jeune fille, Reine Geneviève Bourgogne, cela ne s’invente pas !) et popularisée par le chroniqueur culinaire, Curnonsky, qualifié comme « le prince des gastronomes » entre les deux guerres, qu’il avait convié à dîner à son domicile très fréquenté, rue du Petit-Potet. Non, celui qui fut le premier membre d’un gouvernement français à être en charge du tourisme promit à ses électeurs de « réveiller la belle endormie sur ses lauriers de ville bourgeoise et bien élevée » .

La sainte Trinité locale

Mais revenons à la France de l’après-guerre, qui, après le pire épisode meurtrier de son histoire, veut à nouveau déguster à pleines dents la vie et, surtout, renouer avec l’expansion. Le maire de Dijon a alors l’idée de s’appuyer sur la sainte Trinité locale – le pain d’épices, la moutarde et le Cassis – et bâtir les fondations pour faire de Dijon une véritable cathédrale fréquentée par un nombre de plus en plus important de pèlerins au fil du temps. Autrement dit : amener à Dijon, par le biais d’une Foire annuelle (la première à l’échelle nationale spécialisée dans l’industrie alimentaire), nombre de clients étrangers pour les industriels et les commerces locaux afin de leur ouvrir de nouveaux débouchés dans une période marquée, entre autres, par les barrières douanières, les contrefaçons ainsi que, il ne faut pas l’oublier, la prohibition…

Ce sont les chefs d’entreprise de l’agroalimentaire qui sont ses principaux soutiens et à l’origine de l’événement. Tout comme ils le seront, des années plus tard, pour la genèse de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin, les deux manifestations bourguignonnes qui réussiront à franchir l’épreuve du temps.

La liesse populaire

La première édition s’est tenue au sein des trois cours intérieures du palais des Ducs, salle de Flore, salle des États, salon Apollon (pour la Table de Lucullus) mais aussi à la bourse du commerce (ancienne église Saint-Etienne) où furent exposés les vins, liqueurs et vinaigres. Les rues Rameau, Buffon et la place Saint-Michel accueillirent des machines agricoles. Le musée des Beaux-Arts fut réquisitionné pour une rétrospective sur le mobilier de salle à manger et les accessoires de la table.

Quant au banquet de l’inauguration proprement dit, il s’est tenu le 12 novembre à l’hôtel de ville, en présence du sous-secrétaire d’Etat à l’Intérieur, Maurice Colrat de Montrozier. Après avoir traversé la ville depuis la gare dans la liesse populaire, celui-ci put se régaler par le menu préparé par le Pré aux Clercs tout proche. C’était il y a 101 ans et la Foire internationale et Gastronomique de Dijon écrivait la première page de son histoire. Une chose est sûre, nous pouvons être reconnaissants à Gaston Gérard. Merci Tonton !

Camille Gablo

Si vous voulez remonter l’histoire de la Foire de Dijon, lisez l’excellent ouvrage de Charles Marquez qu’a publié Dijon Congrexpo à l’occasion de la 80e édition