Leslie David : L’humain au cœur de l’architecture

Sistem Architecture a tourné une page de sa jeune histoire. L'agence a quitté la rue de la Toison d’Or pour intégrer l'ancienne agence bancaire du CIC au 98 de l'avenue Victor Hugo, à Dijon. 90 m² de locaux, une cour de 40 m² une décoration sobre mais de très bon goût... Leslie David revient sur ce rêve devenu (belle) réalité.

« Madame David, il faudra choisir : vous ne pourrez pas être pompier et architecte »... C'est sur cette injonction que Leslie David a entamé sa première année d'école d'architecture à Marne-la-Vallée. On pouvait rêver meilleur accueil. Mais il en faut plus pour impressionner la jeune femme née à Dijon, qui a grandi à Sainte-Marie-sur-Ouche et qui habite aujourd'hui à Fleurey-sur-Ouche. En 2011, elle décroche son diplôme avec les félicitations du jury et une habilitation à la maîtrise d'œuvre. « Je me suis battue pour suivre mes études à Paris grâce à un grand frère qui brillait dans ses études, mes parents qui m’ont accompagnée dans mes choix et soutenue dans mes projets, et mes grands-parents, qui m’ont apporté le petit pécule financier pour démarrer dans la vie active » se souvient cette femme de 34 ans qui aime se présenter dans l’ordre de ses priorités : « Je suis maman de deux enfants de 9 et 2 ans, j’attaque ma 18e année de pompier volontaire, et je suis architecte maître d’œuvre depuis 11 ans. Merci au soutien de mon mari sans qui tout cela ne serait possible. ».

Sa dernière année de professionnalisation, elle l'effectue au sein du cabinet BAU, à Talant, au moment où son dirigeant, Paulin Bernard rachète les ateliers de son confrère Jean-François Robbe, grande figure architecturale à Dijon. Il lui demande d'assurer la co-gérance et, progressivement, elle prend des parts pour arriver à 50 %. 2016 marque le décès de Jean-François Robbe. L'architecte a souhaité que ce soit elle qui reprenne intégralement la société. Les dernières volontés sont respectées et Leslie David devient propriétaire à 100 % du cabinet d'architecture, rue de la Toison d'Or, à Dijon.

Les années passent. La croissance est au rendez-vous. A titre d'exemple, en 2021, le chiffre d'affaires a progressé de 83 %. Une croissance qu'elle souhaite cadrer afin de garantir une qualité des projets et une rigueur de construction. Elle tient à préserver cette bonne ambiance humaine et familiale qui règne au sein de son cabinet. « Je suis architecte avant d'être manager d'entreprise ». 95 % de l'activité sont consacrés à la réhabilitation et les donneurs d'ordre se répartissent équitablement entre publics et privés.

Le bien-être au travail

Grâce à la transformation du domaine Mugneret Gibourg en table d’hôtes et suites d’hôtes qui s’est achevé cette année à Vosne-Romanée, elle décide d'investir dans de nouveaux locaux. Une opportunité se présente et elle jette son dévolu sur les bureaux qu'occupait l'agence bancaire du CIC, avenue Victor Hugo, là où sont les comptes de son entreprise. Elle prend le risque de voir son loyer augmenté mais elle dispose d'une position géographique privilégiée. L'emplacement est une réelle vitrine. Et c'est avec beaucoup de fierté que Leslie David présente son cadre de travail qui correspond pleinement à sa conception et sa vision des choses, basé sur le concept de bien-être au travail des pays nordiques dont elle s'inspire beaucoup. Toutes les pièces sont éclairées naturellement. L’armoire à papiers a été transformée en douche pour permettre la pratique d’activités sportives pour le personnel sur le temps des pauses méridiennes. Le tri des déchets se met en place. Un médecine-ball est disponible pour travailler les lombaires en position assise au bureau. La zone archives deviendra progressivement la matériauthèque et l’atelier maquettes, lié au processus de dématérialisation administrative. Quant à la cour « aux herbes folles », elle a été aménagée pour permettre de recevoir des clients et de déjeuner. Et c'est avec la même fierté que Leslie David présente ses quatre collaborateurs « sans qui l'agence ne tournerait pas » : Alice Miller, assistante de gestion, Benjamin Roussel, le conducteur de travaux qui est ingénieur Arts et Métiers, Sophie Fraisse, dessinatrice avec une formation de plasticienne et de paysagiste, et Benjamin de Sousa, dessinateur modeleur 3D et coordinateur BIM.

Ouvrier de charpente pour payer ses études

Leslie David ne souhaite pas intervenir professionnellement à plus d'une heure en voiture depuis Dijon : « C'est un choix pour mes enfants, ma famille mais aussi pour la qualité du suivi des chantiers ». Respectueuse de chaque ouvrier dont elle s'applique à connaître le prénom et qu'elle salue avant le démarrage des réunions de chantier, elle prend ensuite sa casquette d’architecte pour évoquer les sujets ensemble, plutôt dans une relation de médiation et d’apprentissage respectif que dans un rapport de hiérarchie. Car Leslie David n'a pas oublié qu'elle a été ouvrier de charpente chez les Charpentiers de l’Ouche pour payer ses études. « C’est cette approche technique et humaine, au cœur du monde ouvrier, qui m'a permis de faire petit à petit ma place dans le milieu. Je n'oublie pas que l'approche humaine est très importante. La place que j'occupe aujourd'hui, je la dois aussi aux entreprises et aux ouvriers que j'ai rencontrés » précise-t-elle avec une émotion non feinte avant de poursuivre : « C'est à partir de leur expérience que j'ai pu me nourrir pour grandir et m’améliorer quotidiennement dans mon travail ». L'humilité sied à merveille à cette femme qui donne l'impression de ne jamais arrêter.

Car malgré un agenda bien rempli, elle est aussi pompier volontaire depuis 18 ans à Fleurey-sur-Ouche. Au minimum une garde mensuelle sans oublier les exercices de manœuvre les premiers dimanches du mois. Du temps, elle en trouve encore pour écrire. Témoin l'ouvrage qui va prochainement sortir : « Casernes de pompiers / L'architecture au service des soldats du feu » écrit avec Julien Rousset. En attendant « L’architecture à visage humain » : un recueil de portraits, d’hommes et de femmes, de toute classe sociale confondue, qu'elle a rencontrés. « Et qui font la personne que je suis aujourd’hui » s'empresse-t-elle d'ajouter.

Jean-Louis Pierre

Sistem Architecture

98 avenue Victor Hugo. 21 000 Dijon.