François Sauvadet : « Un plan Marshall pour les communes »

Lors de la réception des maires et présidents des collectivités au conseil départemental, qui a pu se tenir à nouveau après deux saisons blanches inhérentes au Covid, le président François Sauvadet a une fait une annonce d’envergure : la mise en place d’un plan de 150 M€ au profit des communes sur la période 2023-2027. L’ancien ministre nous détaille cette mesure sans précédent qu’il a qualifiée de « Plan Marshall… »

Dijon l’Hebdo : Le dernier grand rassemblement des maires et présidents des intercommunalités que vous organisez chaque année n’est pas passé inaperçu. Il faut dire que vous avez fait, lors de ce rendez-vous, une annonce de taille : un plan Marshall pour la Côte-d’Or de 150 M € de 2023 à 2027 au profit des communes…

François Sauvadet : « Oui, après deux années difficiles marquées par la crise sanitaire, je me réjouis d’avoir pu réunir les maires de nouveau, d’autant que 37 % d’entre eux exercent leur premier mandat depuis les élections municipales de 2020. C’est un moment d’échanges et de dialogues par excellence, qui a permis avant tout de redire l’importance du couple Département – Commune, qui est une chance pour la France. A cette occasion, j’ai en effet annoncé la mise en place d’un Plan Marshall pour la Côte-d’Or, un plan inédit et historique de 150 millions d’euros sur 5 ans pour les territoires ruraux et périphériques. Dans ce contexte incertain si ce n’est troublé, cette annonce a été accueillie avec soulagement par les maires qui ont conscience de l’effort consenti par le Département, et qui en sont très reconnaissants ».

DLH : Ce nouveau plan d’envergure intervient après différents dispositifs que vous aviez déjà mis en place. Je pense, entre autres, aux Contrats Cap 100% Côte-d’Or (15 M € de subventions pour les communes) mais aussi au dernier Plan Solidarité Côte-d’Or (35 M €) durant le Covid…

F. S : « Le Département a toujours été et restera le premier partenaire des communes, quoi qu’il advienne. J’ai été maire, je connais la difficulté de la tâche et je sais combien le soutien du Département est capital pour mener à bien des projets. Je pense notamment aux petites communes, aux ressources faibles, qui ont besoin d’un partenariat solide avec le Département pour réaliser les investissements nécessaires pour maintenir la vitalité de leur territoire et renforcer leur attractivité. Et ils ont besoin de visibilité également pour planifier leur projet dans le temps.

C’est pourquoi j’ai toujours tenu à donner un cadre clair à l’action départementale. Avec les Contrats Cap 100 % Côte-d’Or, pour lesquels nous avons mobilisé entre 10 et 15 M € par an depuis 2019 pour les collectivités locales, le dispositif Ambitions Côte-d’Or avec 22 M € investis au profit des communes et intercommunalités depuis 2009 ou encore le Plan de soutien Solidarités avec 35 M € d’aides exceptionnelles pour limiter autant que possible les conséquences de la crise sanitaire.

C’est bon aussi pour l’économie locale car il ne faut pas oublier que le Département est le premier financeur de la commande publique en Côte-d’Or et participe très fortement à l’activité des entreprises. 70 % des entreprises bénéficiaires de nos marchés publics sont des entreprises de Côte-d’Or. Sans oublier l’effet levier de nos subventions aux collectivités locales pour les projets des territoires : chaque euro investi par le Département génère 3 euros de travaux ! »

DLH : Si vous avez décidé d’accompagner de façon accentuée les projets communaux, en sus des dispositifs existants, n’est-ce pas parce que vous avez constaté qu’il y avait urgence ?

F. S : « Il y a urgence pour les territoires ruraux et périphériques notamment ! Cette conviction, je l’ai réaffirmé dès le résultat de l’élection présidentielle. Et je le redis au lendemain des résultats du 1er tour des législatives. Il y a une colère sourde qui s’exprime dans les urnes, venue de millions de Français qui se sentent oubliés de la République. Le malaise est profond dans notre pays avec des fractures qui continuent de se creuser. Alors oui, nous devons répondre à cette urgence et le Plan Marshall pour la Côte-d’Or est, en ce sens, un signal fort envoyé à toutes les communes des territoires ruraux et périphériques.

Car nous amplifions considérablement notre soutien et nous renforçons la solidarité territoriale pour que les maires puissent poursuivre les investissements visant à améliorer le cadre de vie des Côte-d’Oriens et à conforter l’attractivité de nos communes. Et nous simplifions aussi nos dispositifs pour une meilleure lisibilité de nos actions et pour faciliter le portage de projets ! »


DLH : Dijon et Beaune seront à part dans ce dispositif. Pouvez-vous nous expliquer ?

F. S : « Ce sont deux villes centres d’agglomération, avec des spécificités bien particulières. Dans ces deux villes, le Département a toujours accompagné des projets que l’on ne peut transposer dans d’autres communes. Je pense par exemple au soutien apporté pour la construction du tramway à Dijon ou le contournement routier à Beaune. Ce sont des aménagements qui n’ont pas vocation à exister hormis dans ces deux grandes villes. D’où un traitement différencié pour Dijon et Beaune ».


DLH : Était-ce le seul moyen pour favoriser le rééquilibrage ville-campagne pour lequel vous vous battez depuis tant d’années ?

F. S. : « Depuis le début de mon engagement, j’ai toujours défendu l’échelon communal car, pour moi, chaque commune compte ! Parce que chaque habitant doit pouvoir se voir un avenir là où il a décidé de vivre. Je n’ai pas bougé de ligne. C’est pourquoi je continuerai à me battre pour un aménagement équilibré de nos territoires.

Avec le Plan Marshall pour la Côte-d’Or, chaque commune de Côte-d’Or, à l’exception de Dijon et Beaune qui feront donc l’objet d’un contrat particulier, pourra contractualiser avec le Département sur un projet par an dans le cadre d’un plan « Contrat grand projet Côte-d’Or ». Pour les communes de moins de 200 habitants (on en compte 216 en Côte-d’Or) avec des ressources faibles, les aides pourront aller jusqu’à 60% du montant de l’investissement dans le cadre d’un nouveau programme « Plan Solidarité Communes Côte-d’Or » (si l’État, la Région… ne financent pas les projets). Ces dispositifs vont incontestablement concourir à rééquilibrer les équipements sur le territoire ».

DLH : L’inauguration de la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin a auguré d’un nouveau bras de fer entre vous et le maire de Dijon. Pourquoi, in fine, le Département ne s’est-il pas associé à ce qui s’apparente comme le fer de lance de l’attractivité de la Cité des Ducs, qui devrait bénéficier à l’ensemble du territoire côte-d’orien ?

F. S : « C’est vrai que le maire de Dijon n’a cessé de répéter que le Département n’a pas financé la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin, nouvel outil d’attractivité de notre beau département à qui je souhaite plein de succès. Il oublie toutefois d’en donner la raison ! Et pour cause, c’est parce qu’il n’a pas voulu coopérer avec le Département.

A plusieurs reprises, je lui ai tendu la main pour développer un partenariat autour de la marque « Savoir-Faire 100% Côte-d’Or », devenue incontournable en deux ans seulement, valorisant et réunissant, avec les chambres consulaires, les producteurs et les restaurateurs locaux, avec près de 250 agréés déjà. J’ai toujours plaidé en effet pour que les femmes et les hommes qui subliment nos terroirs dans nos assiettes et nos verres puissent disposer d’un espace pour exposer leurs savoir-faire. Car la gastronomie ne peut exister sans nos producteurs et le vin sans nos viticulteurs.

D’ailleurs, j’ai lu un article très intéressant dans Libération où l’historienne Julia Csergo regrettait elle aussi que la Cité de la Gastronomie et du Vin ne fasse pas la part belle à tous les acteurs du secteur, notamment les petits producteurs. Son analyse est d’autant plus pertinente qu’elle a largement contribué à l’inscription du « repas gastronomique des Français » au Patrimoine mondial de l’Unesco et qu’elle sait par conséquent que valoriser la source de notre gastronomie, c’est-à-dire les producteurs, est essentiel pour faire sens dans un tel projet et rendre la gastronomie populaire ».

DLH : Vous avez dû vous faire remplacer lors de cette soirée des maires pour un entretien avec la nouvelle Première ministre Élisabeth Borne au titre de la présidence de l’ADF. Quels messages lui avez-vous fait passer pour « la défense des territoires » ?

F. S. : « Je lui ai d’abord rappelé que les Départements de France, que je préside depuis juillet 2021, ne sont pas une force d’opposition mais bien une force de proposition. Nous souhaitons la réussite de la France, dans une écoute et un respect réciproques qui favorisent la recherche du meilleur niveau pour agir concrètement au service des Français. Elle sait mon attachement aux territoires, aux libertés locales. J’ai salué la volonté de dialogue de la Première Ministre, comme son souhait d’avoir des relations constructives avec les Départements. J’espère vivement que les paroles seront suivies d’actes pour redonner de la crédibilité et de la cohérence à l’action publique ». 

Propos recueillis par Camille Gablo

 

Photo : Ph. Bruchot / CD21