Dominique Grimpret : « Nous avons fait un village ! »

Le Journal du Dimanche a accordé à Ahuy la 24e place des communes de moins de 2 000 habitants où il fait bon vivre dans l’Hexagone. C’est dire à quel point cette commune qui a su conserver (voire recréer) son esprit village à une dizaine de minutes du centre-ville de Dijon, occupe une place à part dans la métropole. C’est vrai aujourd’hui et ce le sera encore plus demain avec la réalisation d’un groupe scolaire on ne peut plus durable tourné vers l’avenir. Le grand artisan de cette métamorphose, le maire Dominique Grimpret, nous explique, entre autres, les recettes d’un tel succès.

Dijon l’Hebdo : Le 24 juin sera une nouvelle date importante pour votre commune puisque celle-ci correspondra à l’inauguration de la bibliothèque que vous avez installée sur la place centrale…

Dominique Grimpret : « La bibliothèque aurait dû être inaugurée beaucoup plus tôt mais c’était sans compter le Covid. Je rappelle que c’est en septembre 2019 qu’elle a quitté ses anciens locaux au premier étage de la mairie pour aller sur la place centrale. En trois mois, malgré la pandémie, il faut savoir que le nombre de lecteurs est passé de 70 à 300. C’est un succès phénoménal. Pourquoi ? Parce que c’est facile d’accès, le cadre est agréable, nous avons une équipe de bénévoles géniale. C’est devenu un très bel outil et il sera donc inauguré ce 24 juin à 18 heures. Cette inauguration se déroulera en prélude aux vœux d’été du maire, qui n’ont pas pu se tenir toujours à cause du Covid en début d’année. Mon objectif est de souhaiter un bel été à l’ensemble des habitants, les grandes manifestations conviviales nous ayant trop longtemps manqué. Et nous enchaînerons de la plus belle des façons, avec la Fête de la musique pour laquelle nous aurons un beau spectacle : une superbe prestation de professionnels mais aussi de musiciens locaux, notamment la Société musicale d’Ahuy. Ce sera véritablement le renouveau du village ! »

DLH : La place est devenue le cœur de vie irriguant toute la commune. Et celui-ci n’a de cesse de battre… Vous devez vous en féliciter après la terrible période Covid ?

D. G : « Cette inauguration sera une fois de plus un événement sur la place qui vit remarquablement bien depuis la fin du Covid. Il suffit d’aller voir les commerçants pour le constater : ils sont tous très heureux d’être présents sur cette place, ce qui veut dire qu’ils travaillent bien, y compris le restaurant qui a ouvert ses portes il y a six mois. Chaque vendredi en fin de journée, le marché attire entre 80 et 100 personnes. Le bar est devenu un véritable lieu de rencontres et, quand l’on sait qu’au même moment, nous avons souvent aussi une centaine de personnes au café des Acacia, cela signifie qu’il y a plus de 200 personnes le vendredi soir qui partagent un moment convivial sur Ahuy. Que demander de plus ! Mais l’aménagement de la place permet aussi aux personnes âgées de s’y promener, d’amener leurs petits-enfants sur les jeux, de venir voir les canards. Ce n’était pas le tout de faire un outil, il faut après qu’il vive et là c’est pleinement le cas. Nous reprendrons même fin août le cinéma en plein air comme nous l’avions fait avant le Covid ».

DLH : Le samedi 4 juin, vous avez organisé une réunion de quartier sur la place afin d’échanger avec les habitants sur leur quotidien. Il fut question du stationnement sauvage…

D. G : « Nous faisons cinq réunions de quartier et la deuxième s’est en effet tenue sur la place. Ces rendez-vous permettent aux gens de venir échanger, demander d’éventuelles explications, se tenir au fait des projets… A chacune des réunions, il est question ou de la vitesse ou du stationnement, si bien que cela me fait dire qu’il n’y a pas beaucoup de problèmes à Ahuy. Pour la vitesse, beaucoup de choses ont été faites mais ce n’est pas la collectivité qui conduit la voiture ! Des chicanes ont été implantées aux entrées de village, nous avons mis des radars pédagogiques, des îlots centraux et, surtout, nous sommes passés à 30 km/h sur l’ensemble de la commune. La métropole peindra d’ici fin juin les indications zone 30. En ce qui concerne la question du stationnement sauvage, comme nous l’avions inscrit dans notre programme de 2020, nous construisons l’école et en fonction des inconnues sur le coût final et donc des capacités de la commune – a priori nous ne devrions pas avoir de problème –, nous recruterons un policier municipal à 10 heures par semaine. Celui-ci pourrait être partagé avec une ou deux autres communes. Comme la pédagogie ne suffit pas toujours, celui-ci sanctionnera le stationnement sauvage. Après quelques PV, les auteurs de ces incivilités comprendront ».

DLH : Comme vous l’avez répété à plusieurs reprises, depuis l’église, la construction du nouveau groupe scolaire représente le plus important projet d’Ahuy. C’est dire à quel point cette réalisation d’envergure doit vous tenir à cœur. Seulement l’inflation et l’augmentation du tarif des matières premières se sont malheureusement invitées dans notre quotidien et les collectivités n’y échappent pas. Quel sera l’impact sur le coût total au final ?

D. G : « L’augmentation des matières premières fait qu’aujourd’hui nous ne savons pas ce que nous coûtera ce grand projet. Nous devrons obligatoirement faire face à un surcoût. Heureusement, nous avions imaginé un peu de réserve mais nous nous devons d’être prudents. Nous étions à l’origine à 4,5 millions d’euros, dont 3 millions de travaux proprement dits. Nous aurons, à mon avis, une hausse de minimum 10 %. Je veux souligner que je regrette toujours le mauvais traitement fait aux communes de la métropole par le département alors que celui-ci a eu, il faut rappeler, la chance de toucher 20 M€ en 2021 sur la cession de la Toison d’Or. Heureusement que des choses se passent à Dijon pour abonder les fonds du Département. Une commune du Nord de la Côte-d’Or a bénéficié d’une subvention du Département de 690 000 euros pour son projet d’école s’élevant à 4,5 M€. Et nous, dans le même temps, nous n’avons que 125 000 euros ! Et encore, nous avons eu cette somme parce qu’il y a eu le Covid, car seulement 33 000 euros étaient envisagés à l’origine ! C’est dommage… Et je dis bravo à l’État, qui nous accorde 1,15 M€ ».

DLH : « Nous n’héritons pas la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants », écrivait Antoine de Saint-Exupéry, qui avait, bien avant tout le monde, compris que la protection de la planète est capitale. Cette phrase pourrait être inscrite sur le fronton de votre futur groupe scolaire tellement il incarne l’écologie…

D. G : « La construction respecte bien sûr toutes les normes actuelles mais nous sommes allés bien plus loin en choisissant le bois. C’est un magnifique isolant mais cela participe aussi à la sensibilisation des enfants pour la préservation de la planète. Cela permettra tout un travail sur la biodiversité. Des nids sur des perchoirs verront le jour sur les façades en bois. Des panneaux solaires seront installés et participeront à la réduction des factures énergétiques. Je pourrais aussi citer la récupération des eaux de pluie ou encore la présence d’un jardin potager pédagogique. Avec le périscolaire, la cantine et la nouvelle école, ce sera un nouveau complexe durable qui va voir le jour, avec, entre les deux, une rue piétonne, faisant la part belle aux transports à mobilité douce tout en étant sécurisée. Nous créons également un parking de 44 places qui pourra aussi participer à la résorption des problèmes de stationnement. Et cette réalisation sera centrale à la commune. Nous avons hâte de le voir aboutir. Tout en œuvrant au présent, nous construisons l’avenir. Avec le même maître mot : bien vivre ! »

DLH : Quand est-ce que vos élèves pourront profiter de cet équipement d’avenir ?

D. G : « Les travaux ont bien avancé malgré les problèmes de personnel ou de fourniture de matériel rencontrés par les entreprises, Covid oblige. D’ici deux mois, le clos et le couvert seront achevés et l’aménagement intérieur devrait débuter en septembre. Les carrelages sont programmés en décembre… Nous devrions pouvoir récupérer les clés fin mai 2023, si bien que l’école ouvrira ses portes à la rentrée de septembre 2023. Cette école, regroupant maternelle et élémentaire, sera composée de 8 classes. Nous avons actuellement 176 élèves au total sur les deux établissements (111 en élémentaire et 65 en maternelle). Tous bénéficieront d’un nouvel écrin ».

DLH : Vos habitants ont ainsi tous les services et les commerces pour être heureux à Ahuy. Que vous manque-t-il encore ?

D. G : « Il ne nous manque plus grand-chose. Je travaille activement afin qu’une pharmacie s’implante sur notre commune. Ce n’est pas un dossier facile parce que cela ne peut pas être une création mais un transfert. Nous disposons d’un terrain qui serait optimal. Nous avons déjà 4 kinésithérapeutes, un ostéopathe, etc. Une micro-crèche devrait ouvrir au mois de janvier sur la place centrale… »

DLH : Ahuy a été à nouveau couronnée dans le palmarès 2022 du Journal du Dimanche des villes et villages de France où l’on vit le mieux. Votre commune, classée à la 24e place, a même fait mieux que l’année dernière. Elle est en tout cas largement devant toutes les autres de Bourgogne Franche-Comté qui y figurent. Vous devez être particulièrement fier ?

D. G : « Je suis très heureux et j’espère que tous les habitants le sont aussi. Lorsque l’on nous dit que nous habitons dans la première commune où il fait bon vivre, cela ne peut que faire plaisir ! Quand l’on sait que ce classement s’appuie sur 187 critères répartis en 9 catégories… Le plus dur sera évidemment de rester à ce niveau mais qui aurait dit il y a 30 ans que nous en serions là aujourd’hui ? Il y a des décennies, Ahuy était le parent pauvre de l’agglomération. Il faut savoir tout de même que nous étions le seul village où il n’y avait pas de boulangerie, pas de place. Un village français, c’est un village avec une place, une boulangerie et un café. Nous n’avions que le café. En réalité, nous avons fait un village. Aujourd’hui, les gens alentours viennent faire leur course à Ahuy et beaucoup aimeraient y habiter ».

Propos recueillis par Camille Gablo