« S’aimer à l’ère des masques et des écrans » ou l’amour assisté par Pascal Lardellier

Professeur en Sciences de la communication à l’Université de Bourgogne, Pascal Lardellier est connu pour ses livres de sociologie, traitant des nouvelles technologies et de leurs interactions sur les phénomènes de société. Il a voué cette dernière étude aux tensions, aux paroxysmes, aux paradoxes, aux leurres, aux ruses de la séduction de notre époque à l’heure du Net en matière de relations amoureuses, érotiques, voire plus…

Ah ! Est-ce à dire que plus que tomber amoureux via les réseaux sociaux, c’est tomber dans une souricière ? Dans son tout nouvel essai paru aux Editions de l’Aube « S’aimer à l’ère des masques et des écrans », Pascal Lardellier se livre – quitte à mêler quelques éléments biographiques – à une analyse complexe des mœurs amoureuses de nos contemporains touchés par un individualisme exacerbé, tout comme par les difficultés à communiquer et un fort penchant à recourir sans modération à Facebook, Tinder, Instagram ou XVidéos et XNXX etc. L’augmentation du nombre des célibataires, la pandémie ont démultiplié l’addiction, les applications à la drague sur les réseaux sociaux. Mais pas que… Le sociologue s’est attaché à démontrer – avec brio d’ailleurs – ce qu’il nomme en faisant référence à Alain Souchon, l’« Ultramoderne solitude », ainsi que la « Désinstitution » qui sont la marque de la déliquescence morale ainsi que de la désintégration des « liens sociaux et moraux qui cimentaient les relations et les communautés ».

La frontière avec la pornographie sur fond de pixels s’avère de surcroît parfois tenue. Un phénomène que Pascal Lardellier ne manque pas ainsi de résumer plutôt crûment – c’est là un de ses petits péchés mignons tout comme une appétence pour les jeux de mots osés : « Résumons-nous », écrit-il encore, « l’être humain va sur Internet pour s’informer, pour communiquer et pour se masturber ». Il n’empêche, et c’est là l’un des atouts de sa réflexion que de souligner le paradoxe qui perturbe les générations actuelles : les interférences entre puritanisme radical et une permissivité ! Alors, l’amour dans tout ça ?

La conclusion de cet opuscule évoque un retour vers l’amour courtois, les Lais de Marie de France ou Ronsard : « Mignonne, allons voir si la rose »… Certes l’intensité des émotions partagées demeure, même si l’amour se pratique davantage en CDD qu’en CDI. Du Covid à Ovide, les Métamorphoses poursuivent leur règne…

Marie-France Poirier