Dijon l’Hebdo vous propose un nouveau dossier sur la thématique de l’orientation et de la formation à tous les âges de la vie. Les pages qui suivent vont incontestablement nourrir les réflexions. La compétition est parfois difficile. C’est pourquoi il faut bien choisir son couloir avant de s’élancer. Prêt ? Partez !
Quand on repense aux moments-clés d’une vie, quand on se remémore ces instants « disruptifs » qui font que notre existence a connu un avant d’un après, on pense souvent d’abord à l’amour. Et puis reviennent en mémoire ces instants particuliers, ces moments de grâce ou de désespoir, ces nouvelles que l’on apprend et qui change le cours de la vie pour le meilleur et pour le pire. L’amour j’y reviens, la mort malheureusement, le destin, les expériences inoubliables de vie et de voyages. Plus rarement on se rappelle de ce moment unique où l’on a emprunté une voie professionnelle, ou à un moment de son cursus, on s’est dit : je ferai Lettres ou Philo, Médecine ou Commerce. Pourtant l’orientation est un moment magique, unique dans une vie. Qu’est-ce qu’il fait qu’à 14 ans, à 16 ans à 18 ans ou à 20 ans, on prend une voie, à l’exclusion des autres ? L’orientation est véritablement existentielle. Et finalement, on a la vie qu’on a, on rencontre les gens qu’on rencontre, car on a pris un chemin professionnel plutôt qu’un autre. Et vous, vous souvenez-vous du moment où vous avez choisi, ou trouvé votre voie ? Avez-vous encore en mémoire la discussion, le rendez-vous, la rencontre, la lecture qui ont fait que vous alliez choisir un métier, voire rencontrer une vocation ? Ce sont ces moments « match point » où la balle tombe d’un côté ou de l’autre, irrémédiablement. Et ce moment, dans les choix qu’il opère, fera de nous un journaliste ou un avocat, un médecin ou un artiste, un boulanger ou un banquier, un enseignant ou un assureur. « Il n’est pas de sot métier, il n’est que de sottes gens » nous dit la sagesse populaire. Elle n’a pas tort en cela. L’orientation est quelque chose de très sérieux, et pour cause interroger l’étymologie du mot renvoie à rien moins qu’à « trouver son Orient ». Trouver sa voie, directionnelle car ça sera un chemin de vie, mais existentielle aussi car on épousera, avec une profession, une forme de vie, ce que les sociologues appellent un ethos : des manières de vivre, des valeurs, des traditions, des corpus de savoirs, de savoir-être et de savoir-faire.
Sans placer la barre si haut de prime abord, il convient d’avoir le regard large, ne pas oublier que l’orientation est devenue un secteur professionnel aussi important que lucratif. Cellules d’orientation publiques ou privées, coachs de vie, sites Internet et spécialistes sont là pour écouter, conseiller et on y revient, « orienter ». Les choses commencent très jeune, en fonction des aptitudes, des dispositions, des envies, de l’origine sociale et de la profession des parents, aussi souvent ; et même de l’influence des médias, des séries et des « influenceurs » du Web ! Combien ont épousé les carrières para-médicales en regardant US mettant en scène les urgences, le soin, la sphère médicale, plus glamour à la télé que dans sa réalité !? Mais il n’y a moins de « fatalisme » c’est-à-dire de destin (fatum) dans les choix professionnels qu’à une époque pas si lointaine. Il y a une part de choix et de libre-arbitre, il y a la perception du bon filon, et il y a les aspirations profondes. Certains métiers ont de la peine à recruter, d’autres voient une porte étroite réduire l’accès à la communauté des élus. L’orientation en tout cas est quelque chose d’unique, un « moment de vie » j’y reviens, mais qui de plus en plus, va devenir assez transitoire. On a coutume de dire que les jeunes de 20 ans de 2022 exerceront entre 5 et 8 métiers dans leur vie, dont 75 % n’existent pas encore ! L’orientation, avant d’indiquer un chemin ad vitam, doit donc aider à développer son agilité, sa souplesse, son adaptabilité, en clair ce qu’on appelle judicieusement « l’employabilité », c’est-à-dire l’ensemble des compétences transverses qui verront demain chacun être utile aux autres et à la société, tout en s’épanouissant dans un domaine professionnel. Vaste gageure ! Le choix du métier est plus qu’important, ne sous-estimons pas cela. Stendhal avait raison, qui affirmait que « le bonheur, c’est un métier qu’on aime ». Sachant qu’on meurt bien plus pauvre de ce que l’on n’a pas fait que riche de ce que l’on a accompli. Logique implacable. Donc autant faire les bons choix, et les honorer. Mais bien conseillé, bien orienté, à l’écoute et à l’affut, on y arrive toujours.
Pascal Lardellier