Du 20 au 26 mars, un couple de Côte-d’Oriens s’est rendu à Lviv, dans l’Ouest de l’Ukraine. Et ce, pour rejoindre sa famille et apporter des médicaments ainsi que du matériel militaire de protection. Mais aussi, au retour, pour permettre à une mère ukrainienne et à ses deux enfants en bas-âge de laisser derrière eux la guerre. Ce périple solidaire, sur lequel nous plaçons les projecteurs, a été effectué par François Hélie, ancien conseiller municipal d’opposition de Dijon, et son épouse Aliona.
Le samedi 26 mars, au moment où Joe Biden qualifiait depuis Varsovie Poutine de « boucher », des bombes tombaient sur Lviv située à 70 km de la frontière polonaise. Et ces obus russes s’écrasaient à proximité du lieu occupé durant 6 jours par François Hélie, ancien conseiller municipal d’opposition de Dijon. Ce kinésithérapeute exerçant dorénavant à Verdun-sur-le-Doubs (en Saône-et-Loire) avait pris la route du retour vers la France seulement quelques heures plus tôt !
Avec sa femme ukrainienne, Aliona, qui, dirige à distance « en temps normal » trois écoles à Odessa – « celles-ci sont fermées aujourd’hui, nombre d’enfants ou leurs professeurs étant partis » –, ils ont tenu à participer à l’élan de solidarité… et à l’effort de guerre. C’est ainsi qu’une semaine plus tôt ils sont élancés, au volant de leur véhicule personnel « rempli au possible », sur les routes. Après avoir passé la frontière polonaise, ils ont acheminé dans cette ville de l’ouest de l’Ukraine nombre de médicaments ainsi que du matériel militaire de protection : casques, treillis, sacs de couchage… Leurs colis ont été pris en charge par des volontaires pour être respectivement envoyés dans un hôpital militaire à Ternopil et à Odessa. Odessa, cette cité portuaire stratégique de la mer noire, qui, avant, était réputée pour ses plages et sa magnifique architecture du XIXe siècle, et qui maintenant occupe le haut de l’affiche de l’actualité pour ses barricades et ses milliers de mines déployées. Une ville d’où est originaire Aliona, que sa mère n’a pas souhaité quitter, pendant que sa fille Amelia avec son mari, tous deux âgés de 22 ans, rejoignaient Lviv.
Volontaire à la gare
« Ma belle-fille, qui est professeur d’anglais, n’a pas souhaité abandonner son mari qui ne pouvait pas quitter l’Ukraine si bien qu’ils sont restés à Lviv où ils ont loué un appartement. Lui travaille tout en étant volontaire à la gare, où les bus en attente pour rejoindre la Pologne sont particulièrement nombreux. Il réceptionne ceux qui arrivent de Mariupol ou de Kharkiv », explique François Hélie, qui, avec sa femme, ne pouvait pas imaginer rester ici sans rien faire. Aussi les ont-ils rejoints durant pratiquement une semaine au cours de laquelle ils ont pu s’apercevoir de la détermination sans faille des Ukrainiens : « C’est un peuple extraordinaire. Comme ma belle-mère à Odessa, mon épouse à Seurre ou ma belle-fille fille à Lviv… tous les Ukrainiens pensent la même chose : on gagnera ! On sortira vainqueur de ce conflit ! Leur foi en la victoire est totale, tout comme le sentiment général d’avoir été trahis par les Russes. C’est un peuple qui a gagné son indépendance, qui se souvient de l’holodomor (ndlr : la terrible famine orchestrée par Staline en 1932 et 1933 qui a causé 5 millions de morts dans la République ukrainienne). Ils pensent que cette guerre ne va pas durer très longtemps… Ils sont galvanisée par leur Président, qui est devenue une figure mondiale ».
Les Ukrainiens n’apportent pas le même satisfecit à la France : « Le sentiment vis à vis de notre pays est assez bizarre. Beaucoup m’ont dit que nous ne faisions pas grand-chose… Autant ils estiment que les Allemands, les Danois, les Pays Baltes et bien évidemment les Polonais font beaucoup, autant ils ne pensent pas la même chose pour la France… »
A Lviv, ils ont pu constater que la vie continuait presque comme si de rien n’était : « Naturellement, le sentiment de peur est bien là, avec des alertes aériennes quotidiennes, mais les gens continuent de vivre, de travailler, etc. Même les travaux publics se poursuivent dans la ville. Les métros, les taxis fonctionnent. Les restaurants sont ouverts, la grande différente par rapport à d’habitude résidant dans la fermeture des commerces à partir de 18 heures et le couvre-feu de 22 heures à 7 heures ».
« Extraordinaire »
Une « chose extraordinaire » les a marqués : « Nous étions dans un centre commercial, et tout d’un coup, l’hymne ukrainien retentit. Toute la population s’arrête et tout le monde se met au garde à vous, les femmes, les enfants, tout le monde ! Ce fut impressionnant ».
Tout aussi impressionnant, même si, avec l’humilité qui le caractérise, il ne le reconnaîtra jamais, est ce périple solidaire de François Hélie et de son épouse ! Car ils ont pu, au retour, convoyer une famille ukrainienne, originaire d’un petit village situé à côté d’Odessa qui avait été lourdement bombardé dans les premiers jours.
Ils ont ainsi ramené une mère avec deux enfants, un garçon de 10 ans et une petite fille d’un an et demi. Ceux-ci ont été accueillis par la mairie de Seurre le dimanche 27 mars qui a mis à leur disposition un logement communal.
Et, dans le même temps, François Hélie continue de se mobiliser pour qu’un ancien Ehpad désaffecté situé à Verdun-sur-Doubs puisse, lui aussi, accueillir des réfugiés en plus grand nombre : « Les choses semblent bouger aussi sur ce dossier et tous ceux que l’on accueillent, tous les réfugiés qui quittent l’Ukraine n’attendent qu’une seule chose : de pouvoir repartir rapidement chez eux, retrouver ceux qu’ils ont laissés sur place ».
Pour François Hélie et son épouse Aliona, la guerre continue. Qu’ils soient sur le sol ukrainien ou en France…
Camille Gablo