Le 24 janvier 2020, à l’occasion de la pose de la première pierre du Campus métropolitain, tous les intervenants impliqués dans ce projet d’avenir se sont plu à faire référence à de grands hommes : François Rabelais, Jean Jaurès, Nelson Mandela… Et François Mitterrand, cité par le président de la Société publique d’aménagement de l’agglomération dijonnaise (SPLAAD), maître d’ouvrage, Pierre Pribetich : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin ! » Deux ans plus tard, les deux écoles d’ingénieurs, ESEO et ESTP, ont intégré ce bâtiment révolutionnaire à plus d’un titre : que ce soit au niveau de la connectivité ou bien du développement durable. Cette construction de plus de 10 000 m2 qui se veut une réalisation emblématique de la métropole sera inaugurée prochainement. Ce bâtiment montre à quel point la métropole fait de l’enseignement supérieur l’une de ses priorités majeures. Pour aujourd’hui mais aussi pour demain. Le 1er vice-président de Dijon métropole, Pierre Pribetich, professeur d’université au demeurant, revient sur le chemin parcouru mais, surtout, montre la voie…
Dijon l’Hebdo : Les étudiants de l’École supérieure de l’électronique de l’ouest (ESEO) ainsi que ceux de l’École spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’industrie (ESTP) ont intégré leurs nouveaux locaux au cœur du Campus métropolitain. Votre objectif était-il d’en faire une véritable « vitrine innovante… » ?
Pierre Pribetich : « L’ESEO et l’ESTP ont pris possession d’un bâtiment qui se veut en effet innovant mais aussi emblématique. Et ce, à plusieurs titres… La particularité a résidé, dès l’origine, avec un marché global de performance. Cela a permis de regrouper la conception, les travaux et la maintenance du bâtiment dans un marché unique. C’était une véritable nouveauté et, afin d’optimiser les délais, ce marché a été attribué à travers une procédure de dialogue compétitif. Elle a été lancée en juillet 2018 et a permis à 4 candidats durant une année de faire évoluer leur projet, selon le souhait de la maîtrise d’ouvrage. La procédure s’est achevée le 9 juillet 2019 avec l’attribution du marché au groupement représenté par C3B Vinci. Et les acteurs ont été multiples : Architecte Studio, Elithis Ingénierie (Bureau d’Études Techniques Tous corps d’État), GIE Novéa (laboratoire énergétique), Eco-Cités (économiste), Urban Practices (BET numérique), Acoutisque Vivie & Associés (BET acoustique)… Un permis de construire a été délivré le 1er octobre 2019, mais, comme celui-ci avait été préparé en amont durant un an, nous étions dans la formalisation des choses. La livraison a été effectuée le 14 octobre dernier, augurant de nouveaux locaux pour les écoles d’ingénieurs. Le montant HT s’élève à 22,439 M€ et la maintenance sur 15 ans à 2,66 M€ HT, si bien que l’investissement total atteint 25,100 M€ ».
DLH : Pourquoi avoir voulu regrouper ces deux écoles sur un même site ?
P. B : « Le travail collaboratif avec les deux écoles a continué jusqu’à la livraison du bâtiment dans le but de mutualiser un maximum d’espaces afin d’ essayer de rationaliser la surface construite. Et le bâtiment final s’étend sur 10309 m2, sur 4 étages, avec un amphithéâtre de 400 places commun aux deux écoles, 8 laboratoires de recherche, 44 salles d’enseignement, un parking souterrain de 90 places… L’échange a été constant pour véritablement tirer profit de cette mutualisation. Cela a généré une économie constructive tout en permettant d’avoir une réelle synergie pédagogique entre les deux écoles d’ingénieurs, l’une rayonnant sur la donnée et l’autre sur les travaux publics. Nous avons ainsi par exemple un show-room de OnDijon qui se transformera en Fab Lab pour les étudiants en parcours d’ici 5 ans. Mais je pourrais aussi citer les grandes terrasses qui bénéficieront à tous permettant une qualité d’usage à la hauteur du bâtiment. Et le bâtiment permet naturellement aussi à chacun de ces établissements de fonctionner indépendamment de l’autre ».
DLH : A terme, les étudiants seront au nombre de 800 (500 pour ESEO et 300 pour l’ESTP). Et tous évolueront dans un campus qui est aussi porteur de sens quant à la lutte contre le réchauffement climatique…
P. P : « Le bâtiment est démonstrateur sur le plan environnemental puisque nous avons visé le label E3C1 qui est attribué aux réalisations peu énergivores et dont la construction est aussi faiblement émissive en carbone. Nous sommes déjà dans la production de bâtiments avec une faible émission en CO2 qui est dans la réglementation RE2020. J’ajoute à cela l’équipement de panneaux photovoltaïques en toiture et je n’oublie pas le raccordement au réseau de chaleur urbain. L’écoconception est également de mise pour assurer une qualité de vie des usagers avec un confort d’été satisfaisant sans avoir recours à la climatisation. Et cela doit perdurer durant plus de 15 ans ».
DLH : Comment avez-vous fait pour garantir que dans quelques années les innovations durables ne seront pas obsolètes ?
P. P : « La maintenance GER (Gros entretien renouvellement) qui s’étend sur 15 ans sera effectuée sans réelle difficulté pour le fonctionnement du bâtiment. C’est là aussi un exploit. Et l’objectif est de permettre au groupement de disposer des moyens nécessaires afin d’atteindre ses engagements en matière de performance énergétique, autrement dit à conserver au bâtiment sa capacité à évoluer. Il faut rappeler aussi que le processus de production de conception s’est effectué en BIM niveau 3. La maquette numérique est le support de la maintenance du bâtiment ainsi que de nombreuses applications pour les usages. A savoir la réservation de salles en direct, la géolocalisation, etc. Rappelons aussi tout de même que ce Campus métropolitain fut l’une des premières réalisations en France en BIM niveau 3 ».
DLH : Durable d’un côté et connecté de l’autre… telles sont les deux caractéristiques majeures de ce Campus ?
P. P : « Nous l’avons aussi conçu pour qu’il apporte un supplément à la Smart City dijonnaise et communique avec OnDijon. Celui-ci est exemplaire sur la connectivité du numérique. A l’image d’un smartphone, le bâtiment peut accueillir une multitude de services et d’applications en fonction du besoin des usagers. Notre objectif était de réaliser un vaisseau amiral le caractère démonstratif d’une métropole qui se veut à l’avant-garde de la connectivité, de l’inventivité numérique. C’est un élément important. C’est aussi une animation d’un point qui n’était pas jusqu’à présent un élément du campus. Là aussi c’est une novation. Et nous aurons une seconde opération à côté, Campus 2, qui complètera l’offre et la palette d’enseignement supérieur, et notamment d’écoles d’ingénieurs ! »
DLH : Avec de futurs ingénieurs bénéficiant de ce type d’installation qui demain bâtiront l’avenir, et notamment sur le territoire, n’est-ce pas aussi une façon de préparer un futur durable ?
P. P : « Naturellement. La métropole anticipe l’avenir avec la formation de ces femmes et de ces hommes qui pourront à la fois relever le défi de la numérisation et du traitement des données mais aussi de la conception décarbonatée dans les travaux publics. Ces ingénieurs seront ainsi à la pointe de l’évolution numérique et de tout ce qui relève de la production de bâtiments durables. C’est une manière d’anticiper les exigences climatiques pour participer au ralentissement de la dérive climatique ».
DLH : En matière d’enseignement supérieur, après l’ESEO et l’ESTP, un autre établissement de taille devrait permettre à la capitale régionale d’illustrer une fois encore son attractivité. C’est l’École spéciale d’architecture, qui, elle aussi, bénéficiera d’un bâtiment particulier. Puisque celle-ci doit voir le jour dans le nouveau quartier « Terrot Town ». Autrement dit, elle sera l’un des éléments phares du chantier de reconversion de la friche industrielle du boulevard Voltaire, là où rayonnait dans le passé l’ancien fabriquant de motos de Dijon… Où en êtes-vous de ce projet ?
P. P : « Un travail d’écriture est à réaliser avec le conseil d’administration de l’École spéciale d’architecture dirigée par sa nouvelle présidente qui n’est autre que Marie-Christine Labourdette, l’ancienne DRAC (directrice régionale des affaires culturelles) de Bourgogne. C’est un projet de taille sur ce bâtiment emblématique du XXe siècle. Nous avons la volonté là aussi d’écrire une nouvelle page de l’urbanisme de Dijon sur un autre quartier de la ville. La démarche est la même : élargir la palette de l’offre d’enseignement supérieur, faire en sorte que la métropole soit à l’avant-garde avec une souplesse, une adaptation aux exigences du monde de demain, à l’horizon 2030, 2050. La métropole peut ainsi s’inscrire dans l’avenir avec des outils de formation à la hauteur du monde de demain qui, on le sait, sera technologique mais nécessite aussi d’être beaucoup plus transdiciplinaire que par le passé. C’est la même chose sur le Campus métropolitain, où le mélange, la mutualisation de deux écoles d’ingénieurs qui ne se parlaient pas nécessairement avant, représente un élément fort montrant que pour être ingénieur au XXIe siècle non seulement il faut savoir manier sa spécialité mais il faut aussi dialoguer avec d’autres matières. C’est grâce à cela que nous aurons des bâtiments performants… »
DLH : Une autre école d’envergure ouvrira également à Dijon le 6 mai prochain. Et sur un autre lieu emblématique : la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin. Je veux bien évidemment parler de l’établissement qualifié de « Harvard de la gastronomie… »
P. P : « L’École Ferrandi ! ! Là aussi, nous sommes dans l’excellence aboutie dans le domaine de la gastronomie. Cela montre notre volonté de placer l’enseignement du plus haut niveau au cœur des stratégies de développement de la métropole, comme nous le faisons là au cœur même de la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin. Pour les différentes politiques publiques, à chaque fois, il y a la recherche d’outils de formation qui permettent d’aller plus loin. Et ce, notamment dans les sujets de prédilection que sont la gastronomie, les travaux publics. la connectivité numérique… »
Propos recueillis par Camille Gablo
Crédit Photo : Jonas Jacquel





