Don’t Look Up : déni cosmique

Un film de Adam McKay avec Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Cate Blanchett et Tyler Perry dans les rôles principaux, mais également Timothée Chalamet, Mark Rylance, Ariana Grande, Jonah Hill, Ron Perlman, Chris Evans et même Tomer Sisley … soit le casting le plus fou pour un film qui ne l’est pas moins.

Deux piètres astronomes (les épatants Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence) s’embarquent dans une gigantesque tournée médiatique pour prévenir l’humanité qu’une comète se dirige vers la Terre et s’apprête à la détruire. Mais personne ne semble réagir.

À l’ère des faux prophètes

Il faudra maintenant s’y faire : les créations les plus originales et ambitieuses seront accessibles directement sur les plateformes de streaming sans passer par la case « salles de cinéma ». Certes l’industrie du septième art se réinvente et c’est tant mieux, mais on peut effectivement déplorer ne pas avoir vu DON’T LOOK UP : DÉNI COSMIQUE dans une grande salle obscures, avec en toile de fond sonore le bruit irritant des pop-corn, la pire invention de la gastronomie mondiale (gloutonnerie internationale, pardon) avec les raviolis sauce chocolat et le haché de jambon à la vache qui rit jaune.

« Cosmiquerie » cocasse, volontairement exagérée, sur l’absurdité de notre monde moderne, DON’T LOOK UP  multiplie les références aux médias et aux réseaux sociaux, à la vitesse de propagation de l’actualité sur Internet, aux fake news et au complotisme, nous abandonnant 22 740 ans plus tard entre hilarité et consternation.

Après avoir dénoncé les effets pervers des systèmes financier et politique de son pays dans les essentiels THE BIG SHORT (2015) puis VICE (2018), le réalisateur Adam McKay tire à nouveau la sonnette d’alarme : « Cela fait des années que les blockbusters hollywoodiens jouent avec la fin du monde, depuis les James Bond jusqu’aux Marvel, en passant par Armageddon. J’ai vu et aimé tous ces films, mais, avec DON’T LOOK UP, j’ai voulu montrer ce qui se passe vraiment quand tout a échoué ». Sa fameuse comète Dibiasky est bien une métaphore plus qu’un météore du dérèglement climatique, qui nous menace tous très prochainement. « Beaucoup de climatologues qui ont vu le film me remercient d’avoir traité cette frustration que ressentent les scientifiques à faire éclater la vérité, dans un monde où nos communications sont manipulées, marketées et détournées par de faux prophètes. Nous entrons dans une ère très dangereuse où nous devenons incapables de réagir collectivement à une menace globale comme la crise climatique, qui est le plus gros défi à venir de l’humanité. Mais cela vaut aussi pour la crise sanitaire, la pollution, la corruption ou l’aggravation des inégalités. »

Réalisation pop et B.O top !

Dans DON’T LOOK UP, personne n’est épargné par les sommets d’imbécilité généralisée, générée par la médiatisation, le vedettariat, les réseaux sociaux, l’ambition démesurée : tout le monde en prend pour son grade, hommes et femmes, jeunes et vieux, même les scientifiques lucides, dérisoires déséquilibrés drogués aux anxiolytiques !

La réalisation dynamique et le montage « cut et pop » nous laissent en état d’asphyxie et d’hébétude permanent. Cette belle singularité d’Adam McKay ne nous fait pas pour autant oublier ses grandes références : DOCTEUR FOLAMOUR (1964) de Stanley Kubrick, MARS ATTACKS ! (1996) de Tim Burton, IDIOCRACY (2007) de Mike Judge et Etan Cohen. Sans oublier l’inquiétant SOLEIL VERT (1973) de Richard Fleischer, dont l’action se passe en 2022, dans un monde en surchauffe qui a épuisé ses ressources naturelles : cela ne vous rappelle rien ?

La bande son est tout aussi formidable : Nicholas Britell est le nouveau compositeur incontournable d’Hollywood. Il a déjà signé les B.O de MOONLIGHT et 12 YEARS A SLAVE, ainsi que le générique de SUCCESSION, sacrée meilleure série au monde lors des derniers Golden Globes ! Avec la sonorité cristalline d’un xylophone, des cordes amples, une rythmique électro, une dimension jazz amenée par des cuivres et une guitare acoustique, Nicholas Britell finit par atteindre le lyrisme incomparable d’un grand orchestre.  Il est l’auteur également de deux chansons originales, « Second Nature» interprétée par Bon Iver et le « Just Look Up » de la merveilleuse Ariana Grande : « Sors ta tête de ton cul et fais confiance aux putains de scientifiques qualifiés » chante-t-elle lors de son dernier concert avant la fin du monde. Un beau programme en perspective, qui devrait inspirer bien des prétendants à l’investiture suprême.

Raphaël Moretto

Film disponible sur Netflix, et BO de 31 titres sur Deezer ou Spotify.