Claire Tomaselli : « Le sport, une priorité ! »

Nous avons profité de la Semaine olympique et paralympique, destinée à promouvoir la pratique sportive mais pas que (ce fut aussi l’occasion de sensibiliser les plus jeunes à l’environnement et au climat) pour interroger l’adjointe Claire Tomaselli. Tout en détaillant les principaux projets dijonnais dans le domaine, celle-ci nous a dévoilé sa vision optimale de la politique publique en matière de sport, qui « n’est pas un divertissement mais un véritable sujet de société ». Interview visionnaire…

Dijon l’Hebdo : La Semaine olympique et paralympique a-t-elle permis de promouvoir réellement la pratique sportive sur Dijon ?

Claire Tomaselli : « Pas moins de 5 000 élèves des écoles dijonnaises ont été concernés et sensibilisés à travers cette opération. La crise sanitaire a fait que ces manifestations n’ont pas pu se dérouler partout sur le territoire national, comme j’ai pu m’en apercevoir au sein de l’ANDES (Association nationale des élus en charge du sport). J’ai beaucoup de collègues qui le regrettent. Nombre de communes n’y ont pas participé et je me félicite, qu’à Dijon, cet événement ait pu se dérouler. Nous nous sommes appuyés sur notre cycle Dijon Sport Découverte dans lequel nous avons finalement inclus cette manifestation. Nous avons ainsi pu le faire à Dijon tout en respectant les contraintes sanitaires ».

DLH : Des menus de « champions » pour les élèves demi-pensionnaires présentant un aliment allié du sport. C’est une entrée… remarquable pour aborder, à travers, le sport les enjeux durables ?

C. T : « Le climat et l’environnement ont été les thèmes choisis pour cette Semaine olympique. Un certain nombre de classes ont visité Latitude 21. A travers des vidéos plaçant, par exemple, les projecteurs sur le changement climatique, la pollution, la météo… l’idée était d’expliquer aux enfants comment changer de mode de vie en abordant des solutions sur les transports, l’électricité… En filigrane, évidemment, le rappel des valeurs de l’Olympisme : le dépassement de soi, le respect de sa santé pour respecter les autres et l’environnement, le fair play, le partage, la fraternité… Bref tout ce que nous connaissons de l’Olympisme mais qu’il est nécessaire de rappeler à chaque fois ! »

DLH : D’ici aux JO 2024 à Paris, d’autres plats de résistance sportifs sont-ils au programme ?

C. T : « Cela ne fait que commencer. Nous sommes certes Centre de préparation olympique et nous serons potentiellement amenés à recevoir des délégations, si tant est qu’elles soient intéressées par des sites. C’est encore un peu tôt pour le savoir. Mais, au-delà de cela, ce qui m’intéresse particulièrement, c’est l’animation du territoire et ce que nous ferons de la préparation des Jeux. Recevoir une délégation, c’est bien même si la plupart des entraînements se feront à huis clos eu égard au secret à préserver. Ce sera certes sympathique mais il faudra donner du corps à l’impact pour les Dijonnais, pour les associations… il faudra donner du sens à ce label, à l’image de ce que l’on a produit cet été avec le Village olympique, qui a véritablement bien marché. C’était une initiative extrêmement intéressante que les clubs se sont appropriés. Cela a créé du lien entre les Dijonnais mais aussi les touristes qui ont participé aux différents ateliers. Je pense que nous reconduirons cette idée et nous irons même encore plus loin. Nous sommes en train d’y travailler, nous innoverons et inventerons de nouveaux projets ».

DLH : Et, en matière d’innovation, la préservation de la planète sera-t-elle encore au rendez-vous ?

C. T : « Nous devons rendre l’environnement du sport plus responsable. Cela va nous occuper durant les 5 prochaines années. Nous allons nous lancer dans une expérience : nous testerons les émissions de CO2 lors des manifestations sportives afin de pouvoir voir comment les réduire. Nous donnerons aussi accès aux salariés de l’OMS et aux clubs à des modules de formation. Ceux-ci concerneront les déchets, la mobilité, l’eau, la communication responsable, les modes de financement. Objectif : identifier avec les clubs des solutions pertinentes. Vous savez, les intentions sont nombreuses autour du développement durable dans le monde sportif, mais, depuis que je suis adjointe, je constate qu’il n’y a pas eu beaucoup d’avancées. Il faut que les intentions deviennent des actions ! A la clef, il y aura pour les clubs des labels et une modification des attributions de subvention de fonctionnement. Il est normal d’en passer par là si on veut faire avancer les choses ».

DLH : La crise sanitaire ayant mis à mal le monde sportif, l’Olympisme peut-il s’apparenter à une véritable bouffée d’oxygène ?

C. T : « Les clubs avaient besoin, en effet, de se raconter à nouveau et le Village olympique leur a donné l’opportunité de recréer du lien, d’être à nouveau au contact des Dijonnaises et des Dijonnais. Une façon de leur dire : voilà, nous ne sommes pas morts, nous existons ! Voilà ce que nous proposons, voilà nos projets, voilà nos différents acteurs ! Nous avons ainsi fait d’une pierre deux coups et cela a redonné du dynamisme à certains clubs qui ont très mal vécu la crise sanitaire… »

DLH : La Ville a tout de même été à leurs côtés grâce au nerf de la guerre, autrement dit les subventions de fonctionnement…

C. T : « Nous avons évidemment un budget conséquent au niveau des subventions de fonctionnement. Cependant, cela ne nous empêche de travailler avec les associations afin qu’elles développent leur modèle économique pour être plus indépendantes des collectivités. Et ce, au cas où nous ne serions plus en capacité de les accompagner à une telle hauteur. On ne sait jamais de quoi demain sera fait ! En l’état actuel, cette enveloppe de 2 M€ reste identique chaque année. C’est important surtout dans cette période de crise sanitaire ».

DLH : Les clubs souffrent aussi de la perte de nombre de bénévoles. Comment inverser cette tendance ?

C. T : « Il y a eu la perte de bénévoles mais aussi de licenciés. Nous avançons tout doucement et remontons la pente pour les licenciés. En ce qui concerne les bénévoles, c’est plus compliqué. C’est inhérent au changement de mode de vie. Des bénévoles, qui ont consacré 20, 30 ou 40 ans au monde associatif, ont découvert, après avoir été désœuvrés durant plusieurs week-ends, d’autres formes d’occupation. Certains ont appris à prendre soin d’eux différemment et ils reviennent difficilement… Avec l’Olympisme, nous pouvons aller chercher d’autres forces vives ».

DLH : La Ville intervient en fonctionnement mais aussi en investissement au niveau des infrastructures. Et, là aussi, le travail est colossal…

C. T : « C’est essentiel pour deux raisons : en premier lieu, la plupart des infrastructures dijonnaises sont sorties de terre en même temps et arrivent en fin de vie. Et, ensuite, afin de permettre aux clubs de se développer, il faut qu’ils disposent d’un bel outil de travail, confortable, adapté. Aussi avons-nous un important programme de rénovation des infrastructures. Le stade Trimolet en fait partie et nous allons faire la même chose avec le stade de l’APTT. Trimolet, c’est l’exemple même d’une rénovation avec un bonus. En mettant en place de l’éclairage, nous offrons davantage d’amplitudes horaires, et permettons aux clubs de pratiquer le soir. Ils pourront ainsi se développer. Je pourrais également citer la rénovation de la Base nautique. Celle-ci pourra, à terme, accueillir plus, différemment, avec de nouvelles perspectives pour l’utilisation du site. Mais nous avons également des projets de nouvelles infrastructures en cours. Et ce, parce que nous devons prendre en compte les quartiers émergeant. Nous avons de nouveaux quartiers et nous aurons de nouveaux besoins. Nous avons travaillé en amont avec les clubs et nous savons que nous disposerons de clubs supports en capacité d’accueillir des jeunes et moins jeunes. Charge à nous, une fois encore, de leur donner des outils de travail. Je pourrais parler du nouveau gymnase qui verra le jour, au cours de ce mandat, sur le quartier Arsenal. Ce seront aussi des lieux de vie pour ces nouveaux quartiers ».

DLH : Quid de la rénovation du stade Bourillot particulièrement attendue par le Stade dijonnais afin de pouvoir, nous l’espérons tous, évoluer encore plus haut dans les saisons à venir ?

C. T : « Nous allons avoir dans les jours qui viennent les résultats de l’AMO (Assistance à maîtrise d’ouvrage) que nous avons demandée pour le stade Bourillot afin de croiser le besoin des 3 clubs concernés. Et de mettre en adéquation les capacités structurelles du site et nos capacités financières. C’est très important… Nous nous projetons aussi pour la gymnastique, avec également une AMO afin de nous situer par rapport aux besoins des clubs dijonnais. Nous travaillons sur ce dossier afin de permettre aux gymnastes de pratiquer leur passion dans les meilleures conditions. Notre ligne de conduite : toujours regarder à quel point la mutation du territoire nous oblige à investir et, si besoin, à adapter notre copie ! »

DLH : Et c’est d’autant plus vrai avec les sports émergents…

C. T : « Nous devrons accompagner les nouvelles pratiques émergentes, comme les sports urbains. J’y inclus le 3/3 au basket qui se développe incroyablement. Nous ferons des propositions dans le cadre du plan 5 000 équipements pour être accompagnés financièrement afin de bâtir des 3/3 couverts, avec, si possible, le recours à la technologie photovoltaïque en matière énergétique. Car, dans le même temps, nous travaillons la copie environnement. Et nous aurons bientôt des projets de dojo et de salles de danse, le hip hop et les danses urbaines étant aussi aux JO. La demande est très forte pour ces disciplines. Nous sommes en train de réfléchir à 10 ans pour que ces nouvelles pratiques puissent pleinement s’épanouir. Dans le même temps, nous prenons en compte la sédentarisation et le vieillissement de la population. Et nous voulons aussi répondre à la demande de pratique en accès libre, qui représente une grande tendance du moment. Notre idée : permettre au plus grand nombre de faire du sport et c’est un vrai sujet de société. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place le dispositif Dijon Sport Libre. Nous réfléchissons aussi à la création de Fit Arena, autrement dit des gymnases connectés qui pourraient se mettre en configuration souhaitée suite à des réservations sur le site de la mairie. Nous avons une forte demande en ce qui concerne le basket, le badminton… pour ces activités qui peuvent être pratiquées entre amis ou en famille ».

DLH : Comme c’est Thomas Pesquet qui était le parrain de la dernière Semaine olympique, nous pouvons dire que vous prenez de la hauteur pour le sport à Dijon !

C. T : « Nous essayons en tout cas ! C’est notre rôle. Nous ne sommes pas là pour simplement remettre 3 coupes ou 4 médailles. C’est justement pour prendre cette hauteur-là, pour nous adapter aux nouvelles mobilités, aux mutations du territoire. C’est un travail très lourd de diagnostic que nous faisons de concert avec le service des sports et l’OMS. Mon travail va être d’être aussi très présente dans les Conférences régionales du sport afin d’assurer la place des collectivités au cœur de la stratégie de développement du sport. Avec l’ANDES, nous souhaitons que tous les acteurs comprennent que le sport n’est pas un divertissement mais un véritable fait de société qui doit être au cœur des politiques publiques. Un manifeste en ce sens devrait faire réagir. Pour ma part, je ferai tout pour que le sport devienne une priorité ! »

Camille Gablo

Photo : Le Bien Public / Jérôme Roblot