Pascal Gautheron : « Mon cœur en Saône-et-Loire et ma tête à Dijon »  

Sur les terrains de rugby puis comme président du Stade dijonnais, Pascal Gautheron a toujours montré qu’il avait le sens du collectif. A la tête de son groupe Fimadev mais aussi du Medef Côte-d’Or qu’il a dirigé de 2006 en 2012, il a fait de même. Comme président de la nouvelle « super » CCI Métropole de Bourgogne, fusionnant les CCI de Côte-d’Or et de Saône-et-Loire et regroupant plus de 48 000 entreprises, cette capacité à rassembler apparaît primordiale. Interview d’un président engagé… dans « l’intérêt général ! »

DLH : Regroupant les CCI de Côte-d’Or et de Saône-et-Loire, la CCI Métropole de Bourgogne que vous présidez a officiellement vu le jour le 1er janvier. Même si c’est à moindre échelle, cette fusion n’est pas sans rappeler la genèse de la Bourgogne Franche-Comté. Et nous nous souvenons tous des atermoiements du début liés à une guerre de chapelles. La fusion qui vous concerne se fera-t-elle dans la douceur ?

Pascal Gautheron : « Cette fusion se fera dans l’apaisement parce qu’elle est déjà initiée depuis 2012. Le président Mirepoix et le président Suchaut l’avaient imaginée dans un souci de réduction des coûts, de réalisation d’économies d’échelle… Comme la perspective de la fusion de 2021 avait été annoncée depuis pratiquement 10 ans, celle-ci se fera dans la douceur, dans la gestion de la pyramide des âges, dans la concentration des services. Aussi n’y aura-t-il pas de choc ! »

DLH : C’est la raison pour laquelle vous avez félicité vos prédécesseurs…

P. G : « Oui car ils ont eu une gestion de bons pères de famille. Ils ont réussi à mettre de côté les égos des uns et des autres, des territoires pour mettre en place cette CCI Métropole de Bourgogne qui n’a qu’une ambition : servir l’intérêt général ! »

DLH : Le fait que le siège se situe à Dijon a-t-il été accepté sans souci par les Saône-et-Loiriens ?

P. G : « Il est vrai que le siège social est à Dijon, qui est – il faut le rappeler – la capitale de la Bourgogne. J’ai rassuré l’ensemble de mes interlocuteurs en précisant que mon histoire débutait en Saône-et-Loire et se terminait en Côte-d’Or. Les entrepreneurs, au fond, savent bien se concentrer sur l’essentiel, c’est à dire le service rendu, l’équilibre des comptes… et ne se battront pas pour un siège ! »

DLH : Vous êtes un Dijonnais né à Louhans… Vous étiez ainsi le candidat idoine pour cette présidence?

P. G : « C’est vrai que je cochais toutes les cases. Que ce soit au niveau de l’âge (63 ans), la transmission de mon entreprise à mon fis, une carrière sportive et économique en Saône-et-Loire, une fin de carrière et un ancrage local à Dijon. Ma candidature rassemblait parce que j’ai mon cœur en Saône-et-Loire et ma tête à Dijon ! »

DLH : Création d’un centre d’affaires qui a évolué vers un centre d’appel à Dijon puis développement d’un institut de formation pour l‘apprentissage des langues, acquisition d’une société informatique… pilotage du groupe Fimadev, regroupant pas moins de 6 filiales et 350 employés… Ayant maîtrisé la gestion de structures de différentes tailles, cela vous confère aussi une force supplémentaire pour appréhender tous les difficultés que peuvent rencontrer les chefs d’entreprise ?

P. G : « Je pourrais ajouter que j’ai fait mon BTS, à l’issue de mon service militaire, à la chambre de commerce. Au fond, j’ai toujours eu envie durant ma carrière professionnelle de créer une ETI, soit une entreprise de taille intermédiaire, de plus 250 salariés. Le fait que je sois dans le travail temporaire, dans la formation, dans les centres d’appel, l’informatique… nécessite une capacité d’adaptation dans cet environnement complexe ! Cela me sert énormément ».

DLH : Quelle différence faites-vous entre la présidence du Medef Côte-d’Or que vous avez occupée de 2006 à 2012 (vous avez même été au conseil exécutif du Medef national sous le règne de Laurence Parisot) et cette nouvelle fonction ?

P. G : « Un syndicat patronal a pour vocation d’être un lobby auprès des pouvoirs publics pour transformer la loi et faire en sorte que les conditions d’exploitation des entreprises soient les meilleures. Une CCI a une obligation de résultat, elle engage son budget, elle doit servir. On passe ainsi d’un lobby à un opérateur de services ».

DLH : L’âge d’or des CCI territoriales est derrière vous, vos prédécesseurs ayant eu à subir des réductions budgétaires drastiques de la part de l’Etat. Cette fusion était-elle le seul moyen de répondre aux enjeux actuels et futurs ?

P. G. : « Il y a dix ans en arrière, si l’on prend le chiffre d’affaires consolidé – et je ne parle pas des parties périphériques, telles l’école de commerce (BSB)… –, le montant de la taxe TFC devait être de 27 M€. Aujourd’hui il n’est plus que de 5 M€ et il baissera encore de 1 M€ cette année. Nous avons un budget de 25 M€ et 80 % de nos activités sont dans l’économie marchande. Aussi fallait-il rationaliser les services, les mutualiser sinon nous allions droit dans le mur. Cette fusion représente une véritable opportunité parce qu’elle va nous permettre de nous maintenir ». 

DLH : Vous devrez être en quelque sorte être le gardien du temple budgétaire de la CCI…
P. G :
« Tout à fait parce qu’aujourd’hui nous n’avons plus de marge de manœuvre. Les CCI ont vécu en vendant leurs bijoux de famille : un bâtiment, une école, des terrains. Aujourd’hui, il n’y a plus de bijoux de famille, si bien que la notion d’équilibre, de profits, est central. Ce qui n’était pas le cas auparavant car nous avions des amortisseurs… »

DLH : C’est une présidence particulière à plus d’un titre. On vient de le voir avec la fusion mais elle intervient aussi avec l’épée de Damoclès du Covid qui persiste au-dessus de nos têtes. Grâce au « Quoi qu’il en coûte », le chiffre des liquidations d’entreprise a été extraordinairement faible. Ne craignez-vous pas que tout cela soit artificiel ?

P. G. : «  Globalement, il y a à peu près 70 000 dépôts de bilan en France. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus faible : autour de 20 000. C’est inhérent aux PGE qui ont soutenu l’économie. Mais il fallait faire cela et l’Etat commence à améliorer les délais de remboursement des PGE en les passant à 10 ans. C’est une bonne chose. Mais la période de Covid a aussi été une formidable opportunité pour les CCI qui sont restées en première ligne. L’Etat avait besoin de ces corps constitués afin de garder le lien avec les entreprises. Et c’est ce qu’elles ont fait partout sur le territoire. Elles ont pu montrer tout leur intérêt en étant le véritable parlement des entreprises dans ce contexte-là ! Le Covid générera d’autres problèmes mais il a permis de recentrer les chambres de commerce dans leur mission essentielle : servir l’intérêt général des entreprises et être l’interface avec les pouvoirs publics ».

DLH : Autre évolution de taille à laquelle sont confrontés les chefs d’entreprises, le télétravail……

P. G. : « J’ai toujours pensé dans ma vie que l’art du succès était de tirer profit de ce que l’on ne peut pas éviter. J’avais déjà utilisé le télétravail pour ma part pour des collaborateurs éloignés. Maintenant, ce n’est plus un sujet, c’est un fait sociétal. Il est devenu un élément constitutif du contrat de travail. Et il faut passer du contrat de travail au contrat de confiance. C’est une attente et elle est source de pouvoir d’achat pour les salariés mais aussi pour les entreprises. Ce télétravail s’inscrit dorénavant dans les gènes, dans la relation entre le salarié et l’employeur. Il faudra s’y adapter et considérer que c’est un élément positif pour les deux parties ».

DLH : Votre prise de fonction intervient quelques mois avant la présidentielle. On a coutume de dire que l’année de cette élection la vie économique est mise entre parenthèses. Cela ne risque-t-il pas d’être une difficulté supplémentaire pour les entreprises ?

P. G. : « Je ne pense pas et c’est là où les organisations syndicales jouent leur rôle de lobby parce qu’elles œuvrent, MEDEF ou CPME, à orienter le débat présidentiel, à exprimer la voix des entreprises. Pendant cette période, le travail en coulisse s’exerce et contribue aux programmes politiques. On a aussi compris durant cette période de Covid que l’entreprise était un élément essentiel dans la sociabilisation de tout un chacun mais qu’elle était également capitale pour tout le pays. C’est un élément indispensable. Si l’on a parlé des gens en première ligne, les soignants que je salue au demeurant, les chefs d’entreprise l’ont été tout autant, et avec leurs propres deniers. Et je tiens à leur tirer mon chapeau… »  

DLH : Parmi les défis majeurs à relever figure évidemment celui de la transition énergétique. Comment entendez-vous inscrire la CCI Métropole de Bourgogne dans le XXIe siècle… durable ?

P. G : « L’Etat nous a confié une mission de mise en place de diagnostic de transition écologique parce que c’est un élément essentiel dans la RSE et, de facto, pour la préservation de la planète et les futures générations. En tant qu’acteurs de proximité, nous avons développé des services multimodaux, avec les ports de Chalon-sur-Saône, Mâcon et Pagny. Nous avons aussi mis en place des autoroutes ferroviaires afin de favoriser la décarbonation. Un train représente 50 camions sur la route mais aussi 50 chauffeurs de moins. C’est aussi une façon de régler le problème de la pénurie de main d’œuvre. Nous entendons nous inscrire totalement dans ce sujet qui dépasse les frontières de la Bourgogne et qui a un intérêt mondial ».

DLH : Le développement des technoports représente ainsi l’un de vos dossiers phares…

P. G : « Il est phare parce que, comme je viens de vous le décrire, il y a énormément d’attente. Il est phare aussi parce qu’il contribue à l’intérêt général des entreprises qui verront le moyen d’agir pour la décarbonation mais aussi pour, qui sait, porter au-delà des frontières leur offre. C’est aussi un élément considérable dans notre approche économique parce que ce sont des structures à forte intensité capitalistique. Nous allons créer une entreprise ferroviaire parce que Chalon-sur-Saône sera un hub. Il faut investir dans la formation des chauffeurs, des conducteurs de train, dans des voies ferrées, des locomotives… C’est un sujet éminemment capitalistique mais qui, au fond, rentre bien dans l’intérêt de la chambre de commerce : servir l’intérêt général des entreprises pour qu’elles y prospèrent. C’est ainsi notre mission principale sur la mandature… ».

DLH : Vous qui appréciez l’univers de l’Ovalie, vous connaissez certainement cette formule du célèbre entraîneur Jean-Pierre Elissalde : « Un joueur phare, c’est quelqu’un qui est là pour éclairer, pas pour éblouir ! » Ayant le sens du collectif, vous êtes donc là pour éclairer… tel un phare ?

P. G. : « Je parlerais plutôt de lumignon parce qu’au fond il vaut mieux avoir un éclairage de LED, constitué de multiples lumignons, qu’un phare. Le jour où le phare s’éteint il n’y a plus rien, alors que des lumignons, il en reste… »

Propos recueillis par Camille Gablo