« Liberté, j’écris ton nom ». On connait la réserve et la pudeur de Rémi Delatte, député de la 2e circonscription de Côte-d’Or, qui n’est pas du genre à parler fort et faire des effets de manche. Il préfère livrer un récit profondément personnel où s’entremêlent sa foi en l’Homme et en l’avenir. Ce nouveau livre relate comment un député peut, plutôt que de subir, prendre part aux enjeux de notre temps, et même les anticiper. Rémi Delatte ou une certaine idée de la politique faite de l’amour des gens, de son territoire… et de la Liberté. Sa Liberté.
Dijon l’Hebdo : Dès les premières pages, vous mettez en garde le lecteur : « Ce livre ne se veut ni Mémoires, ni autobiographie ». Ca ne veut pas dire pour autant que vous serez candidat à votre succession l’an prochain aux élections législatives ?
Rémi Delatte : « J’écris beaucoup. Au jour le jour. Chez moi, c’est quelque chose de naturel. J’ai toujours sous la main un cahier sur lequel je consigne des notes, des idées, des observations. J’y consigne chronologiquement toute l’histoire de mes mandats. J’en ai remplis une cinquantaine. Je n’écris qu’à la plume et à l’encre bleu. C’est en quelque sorte ma bible que je promène avec moi. Et je me doutais bien que les gens n’allaient pas manquer de s’interroger : est-ce un document de préparation de campagne, est-ce un bilan de mandat ?… Au fond, je pense que celui qui le lit, et qui me connait bien, dira tout simplement « c’est du Rémi Delatte ! ». Dans ce livre, on me retrouve tel que je suis, dans l’action, passionné. J’aime ce que je fais et ça ne trompe personne.
Après, les élections législatives ? Chaque chose en son temps. On est, pour l’instant, dans la préparation de la présidentielle ».
DLH : Vous ne manquez pas de rendre hommage à « ces milliers d’élus, dans notre pays, qui exercent avec ardeur, intégrité et vision, cette noble mission ». Et pourtant, le fossé ne cesse de se creuser entre les élus et les Français. Comment expliquez-vous cette situation ?
R. D : « J’observe, il est vrai, une incompréhension grandissante entre nos concitoyens et leurs représentants. Les Français ont le sentiment que les décisions se prennent à Paris sans qu’ils soient eux-mêmes associés. C’est un des péchés d’Emmanuel Macron que de recentrer les décisions autour de sa personne. La concertation qu’on a pu connaître n’est plus de mise. C’est une situation que je ne vis pas bien parce que j’ai toujours fondé l’exercice de mes mandats sur la proximité, l’échange et l’écoute. Et les maires, comme les citoyens, ont le sentiment d’être lâchés par un Etat qui concentrent beaucoup de compétences ».
DLH : Vous décrivez une situation qui impacte inévitablement la fonction parlementaire ?
R. D : « Aujourd’hui, les parlementaires ne sont plus que… parlementaires. Etre parlementaire, c’est bien sûr faire la loi. Travailler les textes, les amender, les voter. Mais tout le travail de proximité qui était le nôtre auparavant a disparu en grande partie avec nos responsabilités locales et le non-cumul des mandats. Ce qui laisse l’impression à nos concitoyens d’être très loin de leurs élus ».
DLH : Et vous enfoncez le clou en dénonçant « le recours accru ces dernières années aux ordonnances d’une part, et l’émergence concomitante d’une majorité inexpérimentée dont le seul point commun est la dévotion au Président d’autre part, qui ont quelque peu renforcé l’inconfort de tout député voulant demeurer de terrain » ?
R. D : Tout est recentré autour du chef de l’Etat et de son gouvernement. En état d’urgence, il n’est pas anormal de recourir aux ordonnances mais malheureusement, le contrôle de l’action du gouvernement par le parlement n’est pas assez efficient. Le recours aux ordonnances est, plus qu’une mauvaise manie, la traduction d’un mode de gouvernance et d’une Présidence qui voient dans le débat parlementaire un frein au changement, un tamis de la réforme, voire une curieuse ingérence des représentants du peuple dans l’exécution des volontés élyséennes. On est dans une démocratie moderne et le rôle du Parlement doit, au contraire, être renforcé ».
DLH : A la différence d’Eric Zemmour qui a porté de vives attaques contre François Hollande au moment des attentats du 13 novembre à Paris, vous reconnaissez que le Président, à ce moment-là « a révélé une véritable dignité dans la fonction »…
R. D : « J’ai beaucoup de respect pour la fonction présidentielle, même si je n’ai pas partagé beaucoup de choses sur le fond avec François Hollande. Je lui reconnais un talent oratoire que j’ai notamment découvert sur les bancs de l’Assemblée. Un talent oratoire qui fait défaut aujourd’hui. Après ce qu’on a vécu le 13 novembre 2013, on ne peut pas faire fi de cet esprit de concorde qui doit prévaloir, de dépassement de nous-mêmes. L’attitude de Zemmour est inqualifiable, odieuse. La dimension humaine doit dépasser le petit calcul bassement politique.
DLH : La droite de Zemmour, ce n’est donc pas la vôtre ?
R. D : Certainement pas. Ce n’est pas la droite que je défends. Je suis de droite tout en ayant toujours eu une approche centriste. Les partis politiques ne font plus recette. Le bipartisme que l’on a connu paraît désuet aujourd’hui. Certains considèrent que la classe politique s’est trouvée anesthésiée et que cela a largement ouvert la porte au populisme. Je regrette qu’au centre et à droite, on ait rechigné à aller sur des sujets de société qui interpellent nos concitoyens. On a toujours été frileux sur des thématiques comme l’immigration sous le prétexte que c’était politiquement incorrect.
DLH : Vous vous revendiquez du centre droit. Pour autant, vous confiez, dans ce livre, que vous n’avez jamais été un libéral « pur jus »…
R. D : « Très tôt, j’ai acquis la conviction que « mieux d’Etat » impliquait certes « moins d’Etat », mais pas sa disparition totale de la sphère économique. L’Etat doit être présent pour soutenir et accompagner. C’est que vient de faire Emmanuel Macron dans le « quoi qu’il en coûte » avec la gestion de la Covid. Dans quel état serait notre économie si le gouvernement n’avait pas apporté tous les soutiens en direction des entreprises ? L’Etat a été présent et c’est tant mieux. Après, il faut laisser aux entreprises le soin de reprendre les initiatives ».
DLH : Au Parlement, vous avez toujours eu un faible pour les Affaires sociales ?
R. D : « C’est un peu moi-même et l’expérience de maire m’a beaucoup apporté. J’avoue m’être régalé pendant dix ans au sein de la commission des Affaires sociales à l’Assemblée nationale. Je définis le mandat de député comme un service aux autres. Et les Affaires sociales, c’est ça : servir nos concitoyens dans leur fragilité, dans leur souffrance. Mais c’est aussi servir la famille qui est quand même, reconnaissons-le, une spécificité française dont on peut être très fier ».
DLH : En votre qualité de député, vous avez eu l’occasion de déposer plusieurs textes et notamment deux qui expriment le profond malaise qui s’amplifie dans notre société et contre lequel il faut avoir le cran de décisions fermes : d’abord réaffirmer l’autorité, c’est le sens de votre proposition de loi « Réaffirmer l’autorité des professeurs et personnels des établissements scolaires » et, ensuite, « en sanctionnant davantage les délits d’outrage envers les personnes dépositaires de l’autorité publique »… Ne craignez-vous pas qu’il soit trop tard ?
R. D : « Ce sont des fondamentaux qu’il faut replacer dans leurs contextes. On a besoin de réaffirmer l’autorité à l’école, dans la famille. On ne peut pas se contenter du constat de déliquescence qui conduit la société à se détacher de tout, à se replier sur elle-même et à ne plus vouloir s’inscrire dans un environnement collectif. C’est pour moi important et déterminant. A un moment, il faut savoir faire la place à l’autorité et à la sanction ferme si l’éducation et la prévention n’ont pas donné les résultats espérés. Certains diront que ce sont encore des mots. Et bien je dis qu’il faut les graver dans nos pratiques ».
DLH : Pour la prochaine primaire LR, votre choix est clair, net et précis. C’est Valérie Pécresse… qui ne décolle pas dans les sondages ?
R. D : « Il y a 5 ans, qui se serait risqué de donner le nom de François Fillon vainqueur de la primaire ? A part Rémi Delatte ? Personne ne misait sur lui. Aujourd’hui, j’ai la conviction que les qualités de Valérie Pécresse, sa personnalité et sa pleine conscience de l’urgence d’agir pour retrouver la fierté de notre pays, feront d’elle, demain, une grande Présidente. Elle est en capacité de battre Emmanuel Macron au second tour. Nous avons reçu quatre des cinq candidats à cette primaire. Qui a fait la plus belle salle ? Valérie Pécresse ! N’est-ce pas un signe intéressant ? »
DLH : Ce livre est aussi l’occasion d’afficher une certaine distance, une réserve par rapport aux réseaux sociaux…
R. D : « Trop d’informations tue l’information…Je ne suis pas un adepte des réseaux sociaux. Je n’aime pas la réaction spontanée et immédiate, souvent prise dans l’enthousiasme ou la colère. Je ne néglige pas pour autant les réseaux sociaux. Je les réserve pour des messages sur le fond. J’ai des collègues qui tweetent en permanence. Force est de reconnaître que je lis bien trop souvent des bêtises… Ne faut-il pas regretter que bien des élus trop prompts à la rédaction lapidaire et futile de tweets inappropriés contribuent à cette dérive de la réflexion politique ».
DLH : Cette liberté qui fait le titre de votre livre a-t-elle déjà été contrariée depuis vos débuts en politique ?
R. D : « J’ai toujours montré une forme d’indépendance, parfois d’audace qui ont pu, parfois, m’être reproché. J’ai été dans l’équipe municipale de Robert Poujade à l’âge de 27 ans. Cela a été pour moi une reconnaissance de mon militantisme politique et de mon engagement au sein de l’UDF depuis l’âge de 18 ans. C’est lui qui, en quelque sorte, m’a mis le pied à l’étrier. J’ai très vite compris que je n’aurais pas accès à d’autres responsabilités. J’ai pris la liberté de quitter Dijon et d’engager un combat sur Saint-Apollinaire. Mon principe est de ne pas laisser passer le train… à condition que la destination soit bonne. Et dans ma vie, j’ai eu de belles opportunités que je n’ai pas laissées passer. Je n’ai pas le sentiment de m’être limité ».
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre
Rémi Delatte et…
François Rebsamen, maire de Dijon, président de Dijon-Métropole
« Dijon est une belle ville, une grande capitale régionale qui a considérablement évolué au cours des dernières décennies sous l’impulsion de François Rebsamen. Elle rayonne, c’est indéniable, en France, et est désormais une métropole à vocation européenne qui saura porter, demain, les grands enjeux de notre Temps à l’échelle de son bassin de vie ».
Jean-François Dodet, maire de Saint-Apollinaire
« Jean-François contribue depuis ma première élection, avec toute la profondeur de réflexion qui le caractérise, à la bonne marche de mon équipe, comme avait pu le faire aussi, jusqu’en 2017, mon épouse Chantal dont la rigueur et l’engagement entier ont été appréciés dans l’équipe et bien au-delà ».
Adrien Huguet, assistant parlementaire
« La coordination des travaux et des sollicitations nombreuses et diverses issues de la circonscription ou des organisations et institutions professionnelles et associative est primordiale pour assurer une fluidité des interventions et une réponse construite, objective qui crédibilise l’action du député. J’ai confié cette fonction depuis près de 8 ans à Adrien Huguet qui l’assume avec une belle compétence et un enthousiasme qui le distingue sur tout le territoire de la seconde circonscription de la Côte-d’Or. Son jeune âge contribue à la fraîcheur de son ambition ; « la compétence n’attend pas le nombre des années ! ».
Joël Abbey, président du CAUE
Joël est une personnalité attachante et dont l’humanisme est reconnu par tous ceux qui l’ont côtoyé dans ses différentes fonctions. Aujourd’hui retiré de la politique élective, des institutions et organismes éminents comme le bailleur social du Département Orvitis ou encore le Conseil de l’Architecture, de l’Urbanisme et d’Environnement (CAUE) continuent à lui confier la direction de leurs travaux. Les cinq années, au cours desquelles j’ai pu compter sur sa présence à mes côtés comme suppléant, ont été des années extrêmement enrichissantes, sans compter qu’elles furent particulièrement plaisantes, tant nous avons noué une complicité qui perdure encore ».
Anne Erschens, ancienne élue dijonnaise
« En 2012, j’ai sollicité Anne Erschens, la Secrétaire Générale adjointe de la CPME, l’une des principales organisations patronales. Jusqu’à présent jamais engagée en politique, elle a accepté de rejoindre l’aventure et nous avons mené ensemble une campagne des législatives dynamique, positive, tout en permettant à Anne d’intégrer un monde qu’elle ne connaissait pas. Par sa solidité, sa loyauté et son pragmatisme, elle a ensuite poursuivi son parcours politique en conduisant l’opposition municipale à Dijon et en rejoignant le Conseil Départemental de Côte-d’Or, ainsi qu’en portant avec courage nos couleurs sur la première circonscription en 2017 ».
Ludovic Rochette, président de l’association des maires de Côte-d’Or
Ludovic Rochette a mené avec moi une campagne réellement agréable, en 2017, à travers toute la circonscription. D’un naturel détendu et très bon camarade, j’ai particulièrement apprécié conduire cette compétition rendue à tout le moins pénible par les attaques incessantes, les approximations et la grossièreté du candidat de la majorité présidentielle qui considérait qu’accoler la photo du nouveau Président élu aux côtés de la sienne valait assurance de gagner ».
Stéphane Chevalier, conseiller municipal de Dijon
Outre sa loyauté et son désintéressement, Stéphane a toujours fait preuve d’un sens de l’organisation hors pair et, quand il le fallait, d’une certaine autorité toute bienveillante. Aujourd’hui élu municipal et métropolitain à Dijon, il fait partie de la jeune génération qui saura porter nos couleurs de la droite et du centre sur des terres de reconquête à la hauteur de son audace, de sa force de travail et de la sincérité de son engagement ».
Charles Coutant, directeur du Centre Georges-François Leclerc
« Le Professeur Charles Coutant assure aujourd’hui une représentation à la hauteur des espoirs que nous pouvons placer en cet établissement qui est une fierté régionale et même nationale ».
Jean-Marie Sermier, député du Jura
« Jean-Marie est un paysan comme moi, d’où sans doute notre complicité naturelle au Palais Bourbon. Député impliqué sur les questions d’aménagement du territoire et fervent défenseur d’une écologie pragmatique, il défend comme moi l’idée d’un rapprochement entre la Bourgogne et la Franche-Comté, pour donner corps à la fusion de 2015, qui n’oppose pas les identités mais les rassemble (…) J’ai beaucoup regretté qu’il n’ait été désigné pour conduire le combat de la Droite et du Centre lors des dernières élections régionales ».