Après une année blanche due à la crise sanitaire, le Congrès des maires de France a pu se tenir normalement du 16 au 18 novembre dernier. Ludovic Rochette, président de l’Association des Maires de Côte-d’Or, revient sur cette grand messe riche d’échanges et de débats qui a porté à la présidence de l’AMF David Lisnard qui succède à François Baroin.
Dijon l’Hebdo : La 103e édition du Congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France s’est tenu les 16, 17 et 18 novembre 2021, au Parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris. Qu’avez-vous retenu de ce grand rendez-vous annuel qui n’avait pas pu se tenir en 2020 en raison de la crise sanitaire ?
Ludovic Rochette : « J’ai le sentiment que nous avons vécu un congrès fondateur, l’amorce d’une nouvelle phase. De nouvelles instances ont été élues, nous avons un nouveau président en la personne de David Lisnard. Nous sommes prêts à faire face à de nouveaux enjeux considérables dans les années qui viennent, notamment dans le cadre du coût de la crise sanitaire et de la relance. Il faut maintenant imaginer de nouvelles relations avec l’Etat. Des relations qui ne doivent plus être annuelles, comme on vient de le vivre dans le cadre du dernier congrès, mais pluriannuelles. J’ose espérer que tout le monde l’a désormais compris et acté ».
DLH : Les maires côte-d’oriens étaient-ils nombreux à ce congrès ?
L. R : « On était plus d’une centaine de maires du département. Des maires dans leur grande diversité, urbains, ruraux. Et surtout beaucoup de nouveaux élus qui ont participé à leur premier congrès. Ce rendez-vous était d’autant plus important car nous n’avons pas eu beaucoup d’occasions de nous rencontrer physiquement, en dehors de nos territoires, pour échanger, travailler sur différentes thématiques depuis le deuxième tour des municipales en juin 2020. Et c’est aussi le rôle des plus anciens, dont je fais partie, de les aider à trouver leur place et leurs marques dans ce type de manifestation qui regroupe plusieurs milliers d’élus. Chacun a pu apprécier le contenu des conférences, des interventions et la qualité du salon avec une centaine d’exposants ».
DLH Ont-ils exprimé des doléances particulières ?
L. R : « Les maires ne sont pas venus avec des doléances. Ils sont venus pour s’informer, se former, rectifier des lacunes qu’ils pourraient encore avoir. Et ce qu’ils ont pu exprimer ce sont plutôt des inquiétudes, des questionnements notamment sur la question des moyens des communes, sur la notion d’investissements… On est à un moment charnière de l’avenir de nos communes. Les élus étaient là avant tout pour optimiser leurs capacités à diriger leurs communes. La fonction de maire n’a pas manqué d’être également au centre des discussions. Etre maire, c’est passionnant mais c’est aussi compliqué. C’est un élu de proximité qui peut être l’objet d’insultes, de menaces ou d’agressions physiques ».
DLH : Pour la première fois depuis des décennies, les quelque 35 000 maires et présidents d’intercommunalité ont été appelés à départager deux candidats à la présidence : David Lisnard, maire (Les Républicains) de Cannes, et Philippe Laurent, maire (UDI) de Sceaux (Hauts-de-Seine), actuel secrétaire général de l’association (1). Peut-on parler de malaise au sein de l’AMF ?
L. R : « Ce qui est certain, c’est qu’on n’a pas bien vécu la campagne qui a précédé cette élection. Tout simplement parce qu’on apprécie les deux candidats et celles et ceux qui ont composé leurs listes. L’élection est maintenant derrière nous et c’est un homme brillant qui a été élu président de l’AMF. J’espère aussi que Philippe Laurent continuera dans ses fonctions de secrétaire général. Je me suis permis d’attirer l’attention des deux candidats, avant la proclamation des résultats, sur le fait que ce sont deux maires urbains qui se sont opposés et qu’il ne fallait surtout pas oublier que ce qui fait la force de l’AMF, c’est sa diversité à la fois politique et territoriale. L’AMF est la seule association regroupant tous types de communes : les communes rurales, urbaines, du littoral, de montagne, d’outre-mer… Et cette force là, il faut la garder. Nous vivons depuis longtemps sur une belle cohésion et il n’est pas question de la menacer ».
DLH : La victoire de David Lisnard constitue-t-elle un échec pour Emmanuel Macron ?
L. R : « Je n’analyse absolument pas une élection au sein de l’AMF comme une élection politique ou un rapport politique. Il y a eu trois votes : le vote du président, le vote du bureau et le vote du comité directeur. Et on peut constater des disparités sur ces trois votes. Pour le président, on avait le choix entre deux belles personnalités. J’espère simplement que l’un et l’autre continueront à travailler comme ils ont pu le faire avant la campagne. Les propos très rassembleurs du président Lisnard m’ont rassuré. Ses premiers mots sont allés dans ce sens et j’ai été sensible d’entendre qu’il mettait en avant le souci que je leur avais exprimé le matin même, à savoir l’unité dans cette diversité territoriale »
DLH : Lors de ce 103e Congrès, l’AMF a vivement encouragé les maires à s’intéresser aux ressources humaines dans leurs collectivités. Les élus vont en effet devoir faire face à de grands défis de recrutement pour continuer à assurer le service public. La question RH est donc devenue, elle aussi, cruciale ?
L. R : « Un des enjeux fondamentaux aujourd’hui, c’est la question de l’ingénierie. Si on veut développer des projets, répondre à la multiplication des appels à projets qui, je le dis au passage, sont totalement chronophages, on s’aperçoit qu’on touche à des questions qui relèvent quasiment de la compétence de spécialistes. N’oublions pas, non plus, pour les petites communes, l’enjeu fondamental que représente le statut du ou de la secrétaire de mairie qui n’est plus aujourd’hui un métier attractif. Il faut traiter le problème de la formation mais aussi celui de la rémunération. Mais pour cela il faut aussi que les communes aient les moyens de proposer des salaires qui redonneront de l’attractivité à cette fonction. Dernier point : si, ces derniers mois, on a beaucoup parlé des élus en général et des maires en particulier, il ne faut surtout pas oublier de mentionner le rôle essentiel aussi de nos agents de la fonction publique territoriale qui nous ont permis de faire face à la crise sanitaire. Eux aussi étaient sur le pont ».
DLH : Vous avez rencontré Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des Territoires et des relations avec les Collectivités territoriales. Qu’est-il ressorti de cet entretien ?
L. R : « La ministre a proposé aux présidents d’intercommunalité de la rencontrer. J’ai sollicité un rendez-vous et je l’ai obtenu. Je l’ai alertée sur ces dispositifs que l’Etat déploie. Des politiques qui présentent d’ailleurs un réel intérêt. Mais le problème, c’est que ce sont les communes et les intercommunalités les mieux organisées, qui ont le plus de moyens, qui vont répondre naturellement aux appels à projets. A l’inverse, les communes qui ont le plus de difficultés, dans des espaces certainement moins attractifs, ont de réelles difficultés pour se positionner. Il ne faudrait pas qu’à la fin, malgré toutes les bonnes volontés, on s’aperçoive que les inégalités territoriales s’accroissent. Ce serait regrettable car ce n’est pas l’objectif initial. C’est pourquoi j’ai insisté auprès de la ministre sur cette nécessité d’évaluation des dispositifs afin que chacun puisse en profiter. Ce n’est plus sur une année budgétaire qu’il convient de raisonner mais il faut que l’on s’installe dans une perception pluriannuelle. L’Etat propose aujourd’hui des CRTE, des contrats de relance et de transition écologique. C’est une première étape mais il faut envisager maintenant un vrai pacte entre les collectivités et l’Etat »
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre
(1) David Lisnard, le maire de Cannes, a été élu à la présidence de l’AMF, face à Philippe Laurent, le maire de Sceaux (UDI), avec plus de 62 % des suffrages exprimés