« Les choses de la vie » : l’envers et l’endroit

La grande vieillesse, les handicaps ou les maladies gravissimes n’entrent pas dans le cadre de sélection défini par l’idéologie actuelle de l’individu parfait, autonome. Et donc en pleine possession de cette fallacieuse « dignité » – dont les partisans de l’euthanasie nous rebattent les oreilles, jusqu’à trouver un écho à l’Assemblée nationale. La multitude d’amendements déposés par la droite a repoussé l’adoption d’un projet de loi autorisant l’euthanasie en France. Mais jusqu’à quand ? La question est posée : on sait l’acharnement que mettent les partisans du suicide assisté à rendre caduque la loi Léonetti relative aux droits des personnes malades et en fin de vie. Loi qui cependant interdit l’acharnement thérapeutique. Ajoutons que les Centres de soins palliatifs tels La Mirandière, à Dijon, ou Jeanne Garnier, à Paris, font preuve d’un humanisme, d’un respect, de compétences médicales absolument remarquables à l’endroit des personnes parvenues au terme de l’existence. Soulignons que les tenants de l’euthanasie substituent la notion de morale à l’idéologie matérialiste du tout sanitaire ! Une remarque de taille, car il existe mille façons de perdre la dignité tout en étant en excellente santé…

Tout ce tohu- bohu médiatique orchestré par l’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) mérite de s’attarder à un moment où la planète prise dans les tenailles du coronavirus oscille entre deux extrêmes : d’une part réclamer à juste titre des pouvoirs publics davantage de lits de réanimation pour les malades covidiens plongés dans le coma, et, à l’inverse, prôner le suicide assisté que constituerait la légalisation de l’euthanasie. Suicide assisté, qui se défausse sur des personnes dites de « confiance » et, bien évidemment, sur des médecins afin d’en assumer la responsabilité. On mesure la complexité de l’affaire au plan éthique (1).

La laïcisation des sociétés occidentales aboutit à la difficulté – pour beaucoup d’entre nous – à donner un sens métaphysique à la vie et à la mort. A ce sujet, l’écrivain François Cheng a exposé dans ses essais la conception philosophique de la mort comme le corrélatif de toute existence terrestre. A méditer, quand tout donne à penser dans le matérialisme ambiant que notre sortie de route définitive constitue une panne irréversible, un « défaut de fabrication » de l’homme dès sa naissance…

Sans faire appel aux religions qui, toutes, ont tenté de donner une version acceptable de la mort, songeons à ce que nous enseignent les astrophysiciens. Imaginons – pour simplifier – que toute l’histoire de l’univers soit comprimée dans l’espace d’une seule année. Le Big Bang a eu lieu le 1er janvier à zéro heure et l’univers en est aujourd’hui au 31 décembre minuit. Toute la difficulté est de nous inscrire, nous les humains, nous les acharnés du « vivre » dans cette feuille de route cosmique à l’échelle de temps démesurée ? Qui sommes-nous ? Une nano-seconde ? Une microscopique virgule qui perd toute modestie et se « la » jouerait en lettres majuscules ?

Marie-France Poirier

(1) A noter que les leaders pro-euthanasie ainsi que les responsables de l’ADMD argumentent en fonction de critères établis par des personnes valides. Selon de nombreux médecins, il semble que peu de malades confrontés à une pathologie mettant en jeu le pronostic vital refusent un traitement, fût-il lourd. L’homme a l’espoir de vivre chevillé au cœur, quoi qu’il en soit.