Césars 2021 : Ave les cons !

La langue française entendue aux Césars 2021 tenait de la nippe linguistique propre aux jeunes voyous de « j’m’en bats les couilles attitude », tant les discours prononcés furent émaillés du vocabulaire scatologique, ordurier de l’ordre de « bite, caca, merde, putain ». « C’était rafraîchissant », écrit avec amertume Eric Neuhoff, le critique du Figaro. Pourtant nul n’ignore combien ces acteurs et actrices du cinéma français sont prompts à jouer les donneurs de leçon, les bons apôtres, voire les directeurs de conscience à l’égard de vous, de moi, bref du pauvre peuple…

Le summum de la soirée, on le doit à l’actrice Corinne Masiero – alias capitaine Marleau dans une série TV policière très lambda. La dame fit son entrée sur scène dans un costume sanguinolent de Peau d’âne, puis se dévêtit afin de mettre en scène la nudité de la culture abandonnée par le gouvernement. Sur sa poitrine, on pouvait lire le slogan : « No culture, no future ». Et… sur son dos, l’inscription avec une splendide faute d’orthographe : « Rend nous l’art, Jean ! » Elle entendait s’adresser ainsi au Premier ministre Jean Castex. Comme quoi, on peut se targuer de défendre la culture sans avoir la maîtrise de la conjugaison à l’impératif des verbes du 3ème groupe. J’ajouterai qu’elle ne fit pas non plus un sans faute en dévoilant une académie un rien usagée. Allez-allez Corinne, « Adieu Poulet ! » Le manque de pudeur, la cuistrerie ainsi que l’arrogance ont donc régné sur cette cérémonie qui s’est soldée par le triomphe du film « Adieu les Cons » d’Albert Dumontel…

Que le Covid occasionne de gros dommages collatéraux à l’univers de la culture et du cinéma, tout Français en a conscience. Il demeure que bien d’autres branches professionnelles connaissent les mêmes vicissitudes. Quand ils le font savoir sur les médias, leurs responsables s’expriment avec davantage d’élégance, sans céder à la trivialité verbale ni à l’indécence. Mieux ! Beaucoup d’entre eux se montrent solidaires de toute une société en panne. Bref, on en arrive à regretter que le cinéma et ses Césars ne retournent pas à ses origines, c’est-à-dire à l’époque du film muet. Ave, les Cons ! 

Marie-France Poirier

 

Tout en bas de l’affiche

Le cinéma français est le plus subventionné au monde tant par les Pouvoirs publics que par les citoyens (via la redevance TV) ou les chaînes de télévision. Il est bien loin de produire des chefs d’œuvres, ne serait-ce qu’en comparaison de la production asiatique, anglaise, scandinave ou américaine ! Or l’Etat aurait le projet de revoir sérieusement à la baisse les montants de ses aides budgétaires. Quant à Canal + qui participe très largement au financement de la production cinématographique, ses responsables envisagent de se calquer juridiquement sur des plates-formes comme Netflix, afin d’échapper en grande partie à l’obligation qui leur est faite de verser un gros pourcentage de leur budget audit cinéma. En conséquence, les cachets des acteurs s’en trouveraient diminués, car les revenus de ces derniers dépendraient alors directement du nombre de spectateurs dans les salles. Ce qui revient à supprimer ce qui est « l’exception française », où le succès ou l’échec d’un film n’entre actuellement que pour une faible part dans la rémunération des comédiens. Ont-ils conscience, ces gens-là, que leurs plus belles années sont peut-être derrière eux ? Qu’il nous soit permis de nous interroger, tant une majorité d’entre eux ont fait preuve lors de ces Césars d’une grossièreté qui n’eut d’égale que leur futilité, leur bêtise, leur inconsistance.

M-F. Poirier