Vaccinations : le parcours du combattant

Le 18 janvier dernier, on pouvait en principe bénéficier de la manne tombée des cieux de Moderna et de Pfister-BioNTech. Nous fûmes bon nombre à nous sentir soulagés ! Or, une majorité de mes compatriotes « éligibles à la vaccination » – quel terme ! – n’ont jamais pu prendre rendez-vous, que ce soit par téléphone ou par Internet ; les standards et les sites étant inaccessibles. Quant à ceux qui ont pu, au terme d’un pénible parcours du combattant, se voir enfin fixer date et heure, beaucoup ont subi la déconvenue d’apprendre par un mail ultérieur que leur prise de rendez-vous était annulée faute de vaccin. Résultat des courses : il leur faudra attendre 2 mois avant de recevoir leur 1ère dose ! Chronique d’une vaccination annoncée puis annulée…

Un de nos lecteurs Alain D-R, 75 ans, a adressé une lettre à « Dijon l’Hebdo », dans laquelle il narre ce qu’il nomme son « épisode vaccinatoire ». En dépit d’une grande détermination, il fait chou- blanc au téléphone, s’entendant dire que « tous les opérateurs sont occupés et qu’il faut renouveler l’appel », et non sans prendre connaissance sur une bande-annonce du répondeur qu’on le félicitait pour son « engagement vis-à-vis de la vaccination et pour ne pas être un anti-vaccin » (sic).

Il décide donc de se rendre dans l’un des centres de Dijon : celui de la salle Devosge. Après avoir « forcé » le passage et écarté poliment deux vigiles, le voilà enfin parvenu au saint des saints. Là, l’une des jeunes femmes chargée de gérer des rendez-vous sur ordinateur, lui dit de patienter le temps qu’elle aille voir un des médecins présents. Celui-ci de répondre : « Nous avons 50 doses de vaccin et seulement 22 inscrits ». Alain D-R se voit inscrit illico presto et vacciné ! Et ce dernier de s’indigner de l’improvisation scandaleuse dans cette campagne – notamment des graves dysfonctionnements entre les standards téléphoniques et la réalité du terrain. Cette scène s’est déroulée le 18 janvier. Depuis de l’eau a coulé sous les ponts : le vaccin est devenu denrée rarissime en France.

Enfin, voici ma propre expérience : ce fameux jour J du 18 janvier, dès les aurores je tente ma chance par Internet, puis – faute de résultat – j’attaque au téléphone. Au terme de deux heures d’essais infructueux, je parviens enfin à avoir une interlocutrice du Centre Devosge. Attention ! Là, je ne suis pas au bout de mes efforts. La jeune femme m’affirme ne pas pouvoir me fixer un rendez-vous car « il y a un gros engorgement qui s’est traduit par un bug du système informatique ». Je ne désarme pas ; je lui demande s’il n’y a pas quelqu’un de compétent en la matière. Elle me dit qu’elle doit restée rivée à son poste et donc ne pas pouvoir se déplacer. Devant l’ubuesque de la situation, j’insiste, ré-insiste et ré-insiste encore… De guerre lasse, elle se lève, dégote un informaticien qui finit par réinitialiser tout le schmilblick. J’obtiens un rendez-vous pour le 19 février à 12 h 30. Evidemment, je saute de joie. Je n’aurais pas dû, car le jeudi 28 janvier, je vois que Doctolib m’a laissé un email sur mon Smartphone : ma déception est alors immense, lorsque je lis qu’on reporte la date du rendez-vous au 19 avril pour une 1ère injection, faute de stocks ! Une fois sortie de mon état d’immense déception, je deviens carrément rouge de colère et fonce salle Devosge. Après avoir « ignoré » les deux agents de sécurité – le 1er étant absorbé par le spectacle d’agriculteurs en colère qui manifestaient sur leurs tracteurs dans le quartier -, je parviens enfin, après d’âpres tractations, jusqu’aux trois employés municipaux penchés sur leur ordinateur. J’avoue que leur accueil fut courtois et sympa… Instruite par l’expérience d’Alain D-R, je demande si je peux attendre et me faire vacciner en cas de défection de l’une des personnes inscrites. Il me fut répondu que je n’avais à me faire aucune illusion : toutes étaient belle et bien présentes. Me voilà carrément furax et au 36ème dessous face à cette pénurie de vaccins que j’appelle « mensonge d’état » ! Finalement, selon un des trois agents municipaux, il semble que la plate-forme Doctolib – en envoyant les emails décommandant les rendez-vous – se soit emmêlée les pinceaux : en fait, je devrais être convoquée le 19 mars ! Encore faut-il que j’en reçoive confirmation. Ce qui ne s’est pas encore produit.

Revenant à l’époque de Molière où la médecine balbutiait et où les docteurs Diafoirus exerçaient leur art à coups de potions magiques, je croise les doigts… Je guette le ciel et consulte les haruspices !

Marie-France Poirier