Jean-Philippe Girard : « Des projets, j’en ai encore beaucoup en tête »

La nouvelle n’est pas passée inaperçue dans les milieux économiques : Jean-Philippe Girard, l’emblématique fondateur et patron d’Eurogerm, a décidé de passer la main à des cadres de l’entreprise. Une opération qui continue son processus et doit encore recevoir l’aval du CSE. Interview de ce capitaine d’industrie de 61 ans qui n’entend pas pour autant envisager la retraite.

Dijon l’Hebdo : Esprit d’entreprendre et esprit de conquête ont fait de vous un chef d’entreprise « premier de cordée ». Est-ce le sentiment d’être arrivé au sommet qui vous fait décrocher aujourd’hui ?

Jean-Philippe Girard : « Non, pas vraiment car j’ai en tête d’autres sommets. C’est une étape importante de ma vie. Aujourd’hui, je vois trop de chefs d’entreprises qui ont pris la bonne décision trop tard. Et la volonté de mes cadres de poursuivre cette belle aventure a incontestablement pesé sur ma motivation de passer la main ». 

DLH : Pour créer Eurogerm en 1989, vous avez emprunté l’équivalent de 100 000 €… Aujourd’hui, vous dépassez les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. Quelles auront été les clés de cette réussite ? 

J-Ph. G : « La passion du métier aura été le premier déterminant. On n’est pas dans cette filière pour faire des coups. On est inscrit dans la durée, dans l’accompagnement. Ensuite, c’est la chance de m’être entouré des meilleurs que ce soit au sein de mes associés ou dans les recrutements de l’entreprise. Et puis, derrière tout ça, il y a la volonté de conquête et Eurogerm est une entreprise en permanence, depuis plus de 30 ans , en conquête ». 

DLH : Après avoir connu le succès entrepreneurial que l’on sait, n’est-ce pas une forme de lassitude qui vous a poussé à passer la main ?

J-Ph. G : « Une fois les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires atteints, je me suis questionné sur ma motivation. Qu’allais-je faire d’Eurogerm ? Fallait-il fixer un objectif à 200 millions ? Se lancer en quelque sorte dans une nouvelle ascension ? Même si je dis avec une pointe d’humour, on est moins audacieux à 60 ans qu’à 30 ans. On est plus en gestion qu’en action. Mes deux enfants ayant choisi d’autres voies professionnelles, ma femme ayant accepté beaucoup de sacrifices de part mes multiples engagements , je me suis mis dans cette optique de construire un nouvel avenir à Eurogerm et remettre de l’audace et du mouvement -surtout face à la Covid- dans cette belle entreprise internationale ».

DLH : Quels auront été les meilleurs moments professionnels qui ont marqué ces trente dernières années ?

J-Ph. G : « La création d’Eurogerm évidemment. Cela a été le moteur principal. Il y a eu l’aventure Banque Populaire, la banque qui m’a fait confiance le premier jour dont j’ai été administrateur, puis président régional et enfin président national. Ma troisième partie de vie s’est organisée autour de l’ANIA et du SIAL avec le comité stratégique national de la filière alimentaire qu’Emmanuel Macron m’a confié. Cela m’a fait côtoyer de grands groupes français et internationaux comme Bonduelle, Danone ou encore Bel mais aussi beaucoup de belles PME, des ETI… De belles rencontres très formatrices, des moments forts qui m’ont beaucoup appris. Agir pour mon pays, c’était ça l’idée force avec pour objectif la souveraineté agricole et alimentaire française tout en mettant le consommateur au cœur de mon action ».

DLH : 61 ans, c’est jeune pour prendre sa retraite ?

J-Ph. G : « La première boucle, c’était jusqu’à 30 ans avec le sport, la compétition, l’apprentissage du métier, de la filière. La deuxième boucle s’est ouverte avec la création d’Eurogerm. Aujourd’hui, à 60 ans, c’est le début de la troisième boucle avec la volonté d’agir au niveau national pour le bien de nos entrepreneur(e)s qui bougent , qui innovent sur les terrains de l’économie, du social, du sociétal et de l’environnemental. Des projets, j’en ai encore beaucoup en tête ».

DLH : On connait les liens amicaux qui vous unissent à Emmanuel Macron qui a, notamment, signé la préface de votre livre « Réussir en France » publié en 2020. Ne seriez-vous pas tenté aujourd’hui de l’accompagner dans une démarche plus politique ?

J-Ph. G : « Je préfère être aux côtés du politique qu’en politique car je ne crois pas être fait pour ça. Même si en politique, il ne faut dire jamais… Il y aura des rendez-vous importants dans les prochains mois, les prochaines années… Pour l’instant, ce sera plutôt aux côtés d’Emmanuel Macron pour rendre notre pays encore plus attractif et plus “entreprenant” et de Brigitte Macron dans ses actions humanitaires ».

Propos recueillis par Jean-Louis Pierre