Grain de sable d’un survivant

Certains ouvrages vous marquent pour la vie. Leur remarquable efficacité narrative, le «  simple exposé de faits » répondant au principe «  d’authenticité absolue, le parti pris de ne jamais s’éloigner de la ligne principale » font mouche.`

«  Mon grain de sable » de Luciano Bolis est l’un de ces livres glaçants dont on sort bouleversé. Ecrit en une semaine, d’un trait, et publié en 1946 au sortir de la Seconde Guerre Mondiale sur les conseils de Cesare Pavese et de Natalia Ginzburg – édité par 10/18 – l’ouvrage est le témoignage et la description clinique de la résistance d’un homme contre l’occupant allemand et les fascistes italiens comme du courage dont il fit preuve lors des interrogatoires et tortures qui suivirent son arrestation par les Brigades Noires, à Gènes, en février 1945, à quelques jours de la Libération.

Luciano Bolis, 26 ans, est responsable des mouvements de partisans italiens opposés au nazisme et au fascisme. Sévèrement passé à tabac et torturé, il se mure dans le silence : « Plus mon physique cédait, plus grandissait ma solidité intérieure ».

Les jours de détention s’accumulent avec les sévices et les souffrances sans qu’aucun espoir d’évasion se profile. Il aperçoit un jour son visage tuméfié , dévasté par les coups, dans un miroir : «  Bien que je ne me sois jamais fait d’illusions sur la vie, bien que les précédentes expériences se soient déjà révélées particulièrement dures, je ne pensais pas que la férocité humaine pût aller jusque-là ».

Redoutant de finir par céder il envisage alors le suicide et passe à l ‘acte, la mort lui apparaissant comme «  la grande libératrice », la certitude du silence absolu.

On aborde là la partie la plus poignante de sa confession . Vous n’en oublierez jamais plus sa lecture. Transporté à l’hôpital par les tortionnaires dans l’espoir de finir par lui arracher dans un dernier souffle quelques noms et adresses, il est soigné par Inès ,une infirmière qui deviendra son épouse, communique avec l’extérieur et prépare son évasion.

S’il est un ouvrage à part dans la littérature de la résistance, «  Mon grain de sable » en est devenu un classique à lire ou à relire. « Voici ma patrie, un être humain » écrivit en 1943 Antoni Slonimski.

Pierre P. Suter

«  Mon grain de sable «

Luciano Bolis

10/18- 5 euros

96 pages