C’est avec les mots d’Albert Camus que le président du conseil départemental, François Sauvadet, effectue sa rentrée dans nos colonnes : « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent ». C’est un véritable appel au rassemblement que l’ancien ministre lance afin de lutter contre la crise sanitaire, économique et sociale…
Dijon l’Hebdo : Dans les vœux que vous avez adressés aux Côte-d’Oriens, vous expliquez que la cohésion nationale représente « la seule solution possible » face aux crises que nous subissons. Sans union, point de salut donc ?
François Sauvadet : « Le rassemblement n’est pas une option, c’est une obligation face à la crise grave que nous traversons et je n’ai cessé, ces derniers mois, d’appeler le Gouvernement au dialogue avec les élus locaux pour que les mesures prises soient adaptées au risque.
Pour protéger nos aînés et les plus fragiles, la solidarité doit jouer à plein. Les Côte-d’Oriens ont fait preuve d’un grand sens des responsabilités. Ils ont respecté les gestes barrières pour faire face à la reprise de la pandémie. Il faut mobiliser toutes les énergies et je tiens à rendre hommage à tous les soignants qui, depuis le début de la crise, se sont mobilisés sans compter ».
DLH : Est-ce dans le cadre de cette cohésion que vous avez proposé l’assistance et le soutien logistique du Département de la Côte-d’Or afin de favoriser et d’accélérer la vaccination sur le territoire ou bien est-ce inhérent au démarrage particulièrement lent (et c’est un euphémisme) de la campagne de vaccination dans l’Hexagone ?
F. S. : « Oui, je l’ai dit, il faut accélérer la vaccination des personnes les plus à risque, surtout dans les zones denses où la pandémie est la plus marquée. Dijon est la 3e ville la plus exposée avec Nice et Nancy. Il faut vacciner le plus vite possible, le maximum de personnes exposées.
Au-delà, nous avons, dans les jours à venir, à réussir la vaccination de plus de 50 000 personnes âgées d’au moins 75 ans. C’est 10 % de la population. J’ai proposé au Préfet le concours de nos services. Tout au long de l’année, nos services agissent auprès des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, de la petite enfance, des personnes en insertion. Dans tout le Département, cette présence de nos services, nous l’avons maintenue, quoi qu’il en coûte. Et disons-le franchement, certains voulaient la suppression du Département, et aujourd’hui, on est bien content de nous trouver pour apporter une aide à l’organisation des centres de vaccination.
Mais le Département ne doit pas être considéré comme un prestataire, mais comme un partenaire. Nous avons des métiers, des compétences et une responsabilité envers les publics fragiles. Les choses ont avancé trop lentement au plan national. Nous sommes disponibles, je le redis, pour réussir la vaccination ».
DLH : Ayant en charge les populations à risque – les personnes âgées et les personnes en situation de handicap –, les Départements ne sont-ils pas, au même titre que les communes, l’échelon essentiel pour que cette vaccination, qui représente le défi majeur de 2021, soit un succès ?
F. S. : « Bien sûr ! Il n’y a qu’à voir les statistiques depuis le début de la pandémie de la COVID-19 : les indicateurs régionaux ont été vite abandonnés, au profit de l’échelon départemental. C’est bien le signe que pour disposer d’une lecture efficace de la crise sanitaire, la bonne dimension, c’est le département. Et je ne vous parle là que du thermomètre de cette crise. Pour ce qui est du remède, les Conseils Départementaux ont montré leur efficacité dès le début de la crise, avec la distribution de masques. Nous avons fourni plus de 4 millions de masques aux communes, aux collégiens, aux agents du secteur médico-social et aux associations côte-d’oriennes. Nous avons enfin voté un plan de soutien et de solidarité exceptionnel de plus de 24 M€ à destination des habitants. Pour vous donner une idée de cette importance, la Métropole avait voté un plan de 2,2 M€… »
DLH : Vous avez bâti les fondations de 2021 au mois de décembre dernier avec l’adoption de votre budget primitif pour la Côte-d’Or. Si vous deviez le résumer en deux mots, ne serait-ce pas « protéger » (avec 300 M€ de dépenses sociales) et « investir » pour l’économie et le cadre de vie des Côte-d’Oriens (avec 110 M€ d’investissements) ?
F. S. : « Oui, vous avez raison, notre budget vise à protéger les Côte-d’Oriens les plus fragiles, les soutenir, les aider. Mais nous voulons, aussi, préparer l’avenir, soutenir l’activité et l’emploi. Nous sommes devenus le premier investisseur, y compris dans les technologies du futur, avec le déploiement de la fibre à la maison, car cette crise, on en sortira et il faut s’y préparer ».
DLH : Outre la Covid-19, l’année qui vient de s’écouler a été également marquée du sceau de l’infamie avec les actes terroristes. Le souvenir de l’assassinat de Samuel Paty et des fidèles de Notre-Dame de Nice restera longtemps ancré en chacun d’entre nous. Est-ce la raison pour laquelle vous avez souhaité faire adopter une charte de la laïcité ?
F. S. : « Ces drames nous ont tous bouleversés et surtout, il faut éradiquer ce mal. Il faut éradiquer l’islamisme radical et je le redis, là aussi, il faut une unité nationale. L’article 1er de la Constitution de la Ve République rappelle que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. »
Et c’est dans cet esprit que j’ai proposé aux conseillers départementaux, réunis en session les 14 et 15 décembre dernier, de formaliser notre engagement républicain très simplement, comme l’ont fait d’autres collectivités, avec une Charte de la laïcité adoptée déjà au niveau de l’Etat et qui doit tous nous unir autour de ce principe. La Charte sera soumise à toutes les structures, notamment associatives, qui solliciteront une subvention du Département de la Côte-d’Or. C’est un texte qui compte beaucoup à mes yeux, car la laïcité est garante de notre liberté : liberté de conscience, liberté de croire ou de ne pas croire. Avec cette Charte, nous avons fortement réaffirmé que toute croyance doit s’exprimer dans le cadre des lois de la République ».
DLH : Comme élu de la République mais aussi comme ancien journaliste, vous avez la liberté d’expression chevillée au cœur…
F. S. : « Oui, j’ai la passion de la liberté et de la République. Et la liberté de la presse est pour moi indissociable de la liberté. Face à la multiplication des « fake news », face à l’intrusion des réseaux sociaux, la presse a plus que jamais une responsabilité et un devoir : celui d’informer loyalement nos compatriotes, en usant largement de son droit à la critique, tout en évitant le piège des polémiques inutiles. La meilleure réponse aux doutes, aux interrogations et aux colères, c’est une information libre. Oui, je suis attaché à l’indépendance de la presse. Le métier de journaliste est difficile, mais une presse libre reste plus que jamais bien l’un des piliers de la démocratie ».
DLH : Cette année 2021 sera également une année d’élections (nous attendons encore la confirmation des dates des régionales et des départementales qui, à l’origine, auraient dû se dérouler en mars). Comment abordez-vous ces échéances dans le contexte sanitaire particulier que nous connaissons (avec son lot d’incertitudes) ?
F. S. : « Pour l’instant, je ne suis pas dans le temps des élections. Je suis dans l’action. Et toute mon énergie et celle du Département est d’aider tous ceux qui souffrent à faire face aux conséquences de la crise. Je pense à nos commerçants, à nos restaurants, à nos bars, qui restent fermés. Je pense à tous ceux qui ont à vivre le couvre-feu à 18 h, avec les conséquences économiques. Le temps des élections viendra et le moment venu, j’y prendrai toute ma part, croyez-moi ».
DLH : Avec la création du dispositif Futurs 21, vous avez souhaité que la Côte-d’Or soit le premier département de France à réfléchir à son avenir, faisant du territoire une véritable terre d’innovations. Que ce soit dans les domaines environnemental, économique ou encore solidaire (pour ne citer que ces trois exemples). La pandémie de la Covid-19 a considérablement bouleversé le monde que nous connaissions. Votre dispositif Futurs 21 n’affiche-t-il pas une pertinence renforcée eu égard aux évolutions attendues ?
F. S. : « A l’évidence, la crise que nous traversons a accéléré les mutations. Plus rien ne sera comme avant. Les évolutions vont se poursuivre : je pense notamment au télétravail (nous avions déjà 150 agents en télétravail dans nos services au Département avant le confinement de 2020).
Il y a une aspiration à la qualité de vie, à un nouvel équilibre, une aspiration à une alimentation de qualité et nous avons lancé la marque « Savoir-Faire 100 % Côte-d’Or ».
Le programme Futurs 21 a pour ambition de préparer la Côte-d’Or à ces grandes mutations et expérimenter les modes de vie de demain.
Rappelons-nous ces mots d’Albert Camus : « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent ».
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre