Les boules de mon beau sapin, roi des forêts, sont toutes déboussolées : faut-il envoyer les fêtes à la consigne ? Noël sera-t-il en mode solo ? « Le 15 décembre, si nous sommes bien arrivés autour des 5 000 contaminations par jour […] le confinement pourra être levé », avait déclaré Emmanuel Macron, le 24 novembre. « Avec des si, on mettrait Paris en bouteille », pouvait-on lire à la une du Figaro qui avait ressorti l’adage bien connu pour la circonstance. Osons la fiction et envoyons le bouchon un peu plus loin : « Champagne pour tout le monde et caviar pour les autres… ». C’était le septième album studio de l’étincelant Jacques Higelin, dans les années 80. Aujourd’hui, requiem ! Avec des estimations comprises entre 225 et 235 millions de bouteilles pour les expéditions 2020 – une baisse de 100 millions par rapport à 2019 -, la coupe est pleine pour les professionnels qui ont de quoi se faire de la mousse.
D’où différents palliatifs pour séduire le consommateur : du haut des rayons des hypers, il pleut du brut, du sec, du demi-sec, du doux, du rosé à prix cassé. Et, en pleine ère d’un déconfinement mi figue-mi raisin, la marque vedette du vin mousseux italien Prosecco entend mettre des paillettes y compris dans les foyers monoparentaux, en déclinant une gamme de mini-bouteilles de 20 cl, histoire de booster la consommation… individuelle. C’est dire si Bacchus a la tâche rude en ce mois de décembre. Tout comme notre Jupiter de Président qui avait choisi de s’exprimer sur… Brut – un média (1) avec zéro degré de traitement journalistique, servi bien frappé aux buveurs d’eau trouble des réseaux sociaux sensibles au cocktail chic d’un brut de décoffrage éditorial. Macron s’y est jeté tel une bouteille à la mer, le 5 décembre dernier : il a ainsi abordé pendant plus de deux heures avec deux journalistes et un historien (ah, tout de même !) les problèmes majeurs d’actualité – notamment les violences policières. Tout comme une mauvaise pièce de boulevard, il a avancé sur une corde raide, menacé par les deux précipices de la banalité et de la gadgétisation. Il nous a précipités dans le gouffre de la vacuité profonde du pouvoir. Son propos digne d’une brève de comptoir ou d’une réplique de « La Dame de chez Maxim » a vite déroulé son envers, dévoyant la fonction régalienne qui est la sienne. Accusés de (trop) frapper les trois coups, les policiers menacent l’Exécutif d’une sortie de scène. Sacré couac, triste flop de cette cuvée Macron, même s’il vient dans l’urgence de décider « un Beauvau de la sécurité » pour le début de 2021. Voilà qui n’empêche pas une majorité de syndicats de flics de lui faire la gueule…
Nous sommes dans un monde de Brut, loin d’un bouchon de champagne sautant joyeusement à la vitesse du son. Emmanuel Macron demeure-t-il encore susceptible de propulser en direction des jeunes générations les fusées d’une idéologie ? L’absence de volonté et de courage politiques sentent le bouchon à l’Elysée.
Alors quoi de neuf au 1er janvier 2021 ? Les fêtes de fin d’année seront-elles joie pure ou facteur d’accélération de la pandémie ? Prenez garde au danger que constitue votre voisin de Réveillon. Faire du genou sous la table à vos vis-à-vis – la jolie convive ou le sémillant trentenaire de vos rêves – s’apparente plus que jamais à la roulette russe. La réalité est une bulle de champagne, elle remonte toujours à la surface…
Marie-France Poirier
- Le média Brut revendique 250 millions de spectateurs par mois dans le monde.