Le secrétaire d’Etat au Tourisme, Jean-Baptiste Lemoine, estimait déjà au mois d’août la perte à 30 à 40 milliards d’euros pour l’ensemble du secteur touristique. Et c’était avant l’acte 2 du confinement. Les professionnels du secteur font partie des plus impactés par la crise sanitaire. Interview de la présidente de l’Office de tourisme Dijon métropole dont les troupes multiplient les soutiens au présent et les réflexions pour bâtir un avenir meilleur…
Dijon l’Hebdo : Pour le tourisme, 2020 représente un terrible millésime avec le scénario catastrophe du confinement puis du reconfinement. Comment tentez-vous d’épauler ces professionnels qui subissent de plein fouet les affres de la crise sanitaire ?
Sladana Zivkovic : « La première vague a, en effet, déjà été dramatique pour nombre de professionnels, avec une baisse, par exemple, de plus de 70% de la fréquentation pour les hôteliers. Et la deuxième vague sera encore plus dure à supporter surtout après les investissements qu’ils ont réalisés afin de respecter les mesures sanitaires. L’Office de tourisme n’est pas non plus épargné puisque nous nous sommes également trouvés contraints à fermer tout en développant des solutions pour assurer un lien quotidien avec l’ensemble de la filière. Nous avons ainsi mis en place une permanence téléphonique ouverte à tous. Toutes les informations sont sur notre site www.destinationdijon.com Notre messagerie électronique est aussi on ne peut plus active puisque nous avons mis, pour partie, le personnel de l’Office du tourisme en télétravail. Nous sommes également en contact permanent avec tous les réseaux qui se battent pour nos commerçants, à l’image de Shop In Dijon. Nous proposons de relayer toutes les offres ou les dispositifs mis en place par nos partenaires – et nous en avons plus de 200 – pour tout ce qui concerne le click & collect, la vente à emporter, la livraison… Nous restons à leur disposition et à leur écoute. Nous développons aussi des modules de formation gratuites – pour les hôteliers notamment – afin qu’ils manient au mieux les réseaux sociaux, qu’ils gèrent de façon plus optimale leur communication… Car tout cela sera très important pour la suite. A titre d’exemple, après le 1er déconfinement et l’arrivée des premiers touristes étrangers, nous avions lancé une campagne sur les réseaux sociaux et nous avons pu en mesurer les effets. Je suis pour ma part très attentive à l’évaluation. Grâce à des indicateurs précis, nous avons pu constater une importante progression, malgré la situation, des touristes originaires des régions sur lesquelles nous avions axé notre communication. C’est aussi l’une des manières de préparer l’avenir… ».
DLH : Comment se sont traduites financièrement les aides accordées par l’Office de tourisme ?
S. Z : « Nous avons pour toute l’année 2020 exonéré totalement nos partenaires de leur adhésion aux Packs Partenaires et nous continuons à assurer leur promotion gratuitement. Nous avons également différé la collecte de la taxe de séjour. Mais nous ne pourrons pas indéfiniment tenir comme cela car le budget de l’Office de tourisme est lui aussi fortement affecté. Nous ferons, en tant que bras armé de la métropole qui est là en soutien, le plus possible mais dans la mesure de nos moyens et de nos capacités. Sachez que nous avançons aussi dans notre réflexion quant à de nouveaux dispositifs pour anticiper et être prêts pour la réouverture. Nous avions déjà beaucoup travaillé avec la filière lors du précédent confinement. Nous avons été, je le rappelle, le premier Office de tourisme à rouvrir ses portes le jour même du déconfinement pour accompagner les professionnels. Comment avons-nous fait ? Nous étions prêts pour les mesures sanitaires… Aujourd’hui, nous le sommes d’autant plus mais nous réfléchissons à des choses supplémentaires pour être encore plus attractifs ».
DLH : Sur quelles innovations travaillez-vous justement pour rendre le territoire attractif dans un monde qui devrait être différent de ce qu’il était jusque-là ?
S. Z : « Il me semble important de développer des bons cadeaux, des offres commerciales… Je pense qu’elles seront encore plus nécessaires après cette 2e vague. N’oublions pas que, tout comme le secteur du tourisme mis à mal dans ses finances, une large part de la population général sortira affaiblie de cette crise. Il faudra miser encore davantage sur le tourisme de proximité. Lorsque certaines voix s’élèvent pour dire par exemple, que faites-vous pour la clientèle chinoise, on parle d’un temps où nous ne subissions pas l’épidémie. Même si les Chinois sont sortis de la pandémie, ce n’est pas encore notre cas. Les conditions mises en place pour les touristes de proximité seront par la suite bénéfiques pour la clientèle touristique étrangère ».
DLH : 2020 représente ainsi une année charnière où le tourisme doit se réinventer…
S. Z : « Les professionnels en sont pleinement conscients. Le président de l’UMIH Côte-d’Or (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie), Patrick Jacquier, explique ainsi qu’il faut se réadapter. Nous sommes là pour accompagner ces changements. D’où les formations, les réflexions autour d’offres communes… Lorsque nous aurons fait l’état des lieux final des moyens restant à notre disposition, ceux-ci seront mis en priorité sur ces adaptations ».
DLH : Les acteurs touristique se doivent ainsi d’être résilients tout en étant innovants. N’est-ce pas une équation très complexe à résoudre ?
S. Z : « C’est sur cela que l’équipe de l’Office de tourisme axe actuellement l’ensemble de son travail. Et nous ne sommes qu’en second rideau par rapport à tous ces professionnels qui prennent la crise de plein fouet. C’est la raison pour laquelle nous devons d’être réactifs et de mettre l’ensemble de nos outils à leur disposition… ».
DLH : Un récent rapport des Nations-Unies insiste sur la nécessité de « promouvoir la durabilité et la croissance verte inclusive » dans la transformation du secteur touristique…
S. Z : « Je le répète souvent. Le tourisme représente un levier de développement durable du territoire. Il fait partie intégrante du développement économique, du fait de la valeur ajoutée produite mais aussi des emplois non délocalisables qu’il génère. Il permet d’agir sur la croissance en adéquation avec la protection de l’environnement et le bien-être humain. Cela fait partie pleinement durable et, précisément, des 17 ODD (objectifs de développement durable) des Nations-Unies auxquels nous devons répondre ».
DLH : Le 16 novembre correspond au 10e anniversaire du classement au patrimoine mondial de l’Unesco du Repas gastronomique des Français. Cela aurait pu être une date majeure pour Dijon…
S. Z : « Malheureusement nous n’avons pas pu le fêter comme il se doit. Mais notre stratégie touristique mise plus que jamais sur nos filières d’excellence, que ce soit sur la gastronomie ou la côté viticole. Cette période est l’occasion de retravailler et d’affiner nos visites. Nous venions déjà de développer des visites guidées sur l’histoire des vins dans la capitale régionale, appelées Dijon Terre des Vins. L’ensemble des vins du Dijonnais étaient aussi mis à l’honneur à travers les apéritifs de la tour Philippe Le Bon. Je pense aussi au Château de Marsannay, l’un de nos partenaires emblématiques. Nous espérons finaliser un projet qui viendra en complément de la route des vins et des propositions de la métropole dans ce domaine : le caveau des vignerons. C’est un projet des viticulteurs qui nous ont interpellé afin d’utiliser le lieu de l’Office de tourisme de Marsannay. Nous sommes en discussion avec eux afin de faciliter leur installation. Et cela correspond pleinement aux attentes des touristes que l’on a pu mesurer : ceux-ci sont en recherche d’expériences, de rencontres avec des viticulteurs, etc. ».
DLH : Vous avancez conjointement sur ce dossier avec la commune de Marsannay, qui est au demeurant la première appellation sur la route des Vins…
S. Z : « L’un des deux vice-présidents de notre EPIC n’est autre que Jean-Michel Verpillot, le maire de Marsannay-la-Côte, et je travaille évidemment avec lui sur ce futur caveau des vignerons. Je tiens aussi à remercier Patrick Jacquier, notre autre vice-président, qui participe activement à la stratégie touristique de la métropole, pour lequel des nouveaux membres nous ont rejoints au sein de notre comité de direction. Ce sont des binômes qui représentent le secteur de la restauration, du voyage et de la promotion ainsi que les filières d’excellence (vins, produits régionaux…) ».
DLH : Vous êtes même allée au-delà de la métropole puisque vous avez débuté une collaboration active avec l’Office de tourisme de Gevrey-Chambertin Nuits-Saint-Georges…
S. Z : « Nous avons même signé une convention encadrant cette nouvelle collaboration. Je souhaite promouvoir le collectif sur la côte viticole. Les touristes ne connaissent pas de frontières et nous devons mettre en place une continuité de l’offre. A terme, par exemple, la Halle Chambertin que vient de créer l’office de tourisme de Gevrey-Chambertin devra représenter un point de parcours supplémentaire sur la route des vins. Je défends une continuité sur un bassin de vie et de territoire. Tous ceux qui souhaitent travailler avec l’EPIC sont les bienvenus. Je salue à ce sujet le volontarisme de l’Office de tourisme de Gevrey-Chambertin ainsi que celui de l’association des Climats avec lesquels nous partageons cette vision d’alliance des territoires. En ces moments difficiles, il est plus que jamais important d’être solidaires. Nous devons tous travailler ensemble et ils ont bien compris les avantages d’œuvrer avec la métropole qui peut être un accélérateur majeur. Et, à terme, la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin représentera le point de rayonnement sur la métropole et bien au-delà, sur l’ensemble de la région, de la France à l’international ! ».
Propos recueillis par Camille Gablo