Qui mieux que les chefs peuvent illustrer le « bien manger local ! » Il faut dire que nombre de tables déroulent le tapis rouge (pardon la nappe) aux produits locaux et bio. Quelques restaurants nous ouvrent les portes de leur cuisine et nous révèlent d’où viennent leurs matières premières. En voiture (électrique s’entend !) dans les circuits… courts !
Chaque jour de marché, on voyait Jean-Pierre Billoux déambuler sous les Halles de Dijon afin de trouver ce qui allait faire le bonheur de ses clients… Certes le grand chef du Pré aux Clercs a laissé depuis sa toque et, aujourd’hui, se rend auprès des commerçants locaux pour le seul bonheur de ses proches. Seulement, comme il n’avait pas son pareil pour remettre au goût du jour les recettes d’antan – celles élaborées à une époque où la mondialisation n’existait pas et où les circuits courts s’imposaient d’eux-mêmes –, nous avons décidé de débuter en rendant à César… ce qui appartient à César. Le dernier élève du grand Alexandre Dumaine, le vieux maître de la Côte-d’Or à Saulieu, a toujours, au fil de sa carrière couronnée par 2 étoiles au célèbre Guide Michelin, pratiqué le (grand) art (local) de la table. Aujourd’hui, d’aucuns qualifieraient sa célèbre « volaille de Bresse juste rôtie accompagnée de sa fricassée de champignons des bois… » de locavore. A l’époque, ils auraient simplement dit qu’elle était « excellente ». Comme quoi, la sémantique évolue… dans l’univers de la cuisine aussi ! Jean-Pierre Billoux ne fut pas le seul à avoir cette philosophie chevillée au corps : dès 1975 et ses premiers pas de chef au Chapeau Rouge, Guy Rebsamen était lui-aussi « un adepte du marché » : « Je ne me voyais pas cuisiner des asperges ou des haricots verts en provenance du Chili, d’Israël ou du Kenya… Je n’ai rien du tout contre ces pays-là mais j’ai toujours essayé de me fournir localement. Il est certes plus compliqué de travailler des produits locaux, qui ne sont souvent pas calibrés. C’est aussi plus dur en hiver où, comme nous respectons la saisonnalité, le choix est plus restreint mais c’est le boulot d’un cuisinier. Et, en plus, nous nous faisons plaisir. A 99%, nous utilisons des produits français car il est nécessaire aussi de soutenir nos producteurs. C’est encore plus vrai depuis le 14 mars dernier où beaucoup en ont bien besoin. Ce sont les raisons pour lesquels nous faisons toujours le maximum pour nous approvisionner localement ».
« Limiter l’empreinte carbone »
Tout comme Jean-Pierre Billoux, Guy Rebsamen a toujours su magnifier dans ses assiettes le terroir (cette expression s’applique désormais plus largement qu’à l’univers vineux). Son fils Yves, qui a pris sa suite derrière les fourneaux au restaurant Chez Guy and Family à Gevrey-Chambertin, a inscrit cette tradition dans le marbre, cet établissement de la Route des Grands Crus se fournissant, entre autres, « à la fromagerie Delin, à la boucherie de Jean-François Chenu, chez la maraîchère Evelyne Beauné (sur le marché également) pour les herbes ou encore chez Marie-Pierre pour les petits légumes ». Pour ne citer qu’eux… Avec comme objectif aussi de « limiter l’empreinte carbone afin de laisser une planète durable à nos enfants et petits enfants ».
A quelques kilomètres, au cœur des Climats de Bourgogne également, le restaurant Le Clos Napoléon, tenu de main de maître par José Gonzalez et Gérald Ulmann, sublime, lui aussi, les produits frais, de saison et issus, dans leur très grande majorité, des circuits courts. L’une des signatures de cet établissement, les œufs en meurette, à la crème d’Epoisses ou encore à la crème de morilles (un vrai délice !), proviennent de la Ferme du Pontot. A l’image des pommes de terre qui poussent à Saint-Julien, les légumes sont sélectionnés chez les maraîchers locaux. Et cela n’empêche pas un rapport qualité-prix particulièrement intéressant, car telle est aussi la philosophie du Clos Napoléon où la formule du jour (entrée + plat ou plat + dessert) n’est qu’à 14,90 € (17,90€ pour la formule complète).
L’antre du bonheur gustatif
Place de la Libération, à Dijon, Guillaume Bortolucci, patron emblématique du Café Gourmand, sélectionne ses fromages chez Porcheret. Il se rend également sur le marché à l’enseigne Bertrand Camelin Primeurs pour les fruits et légumes ou encore à la Petite Louisette, qui a fait des spécialités régionales sa marque de fabrique, pour la charcuterie.
Les restaurateurs ne sont pas les seuls à faire la part belle aux producteurs ou artisans locaux. Pour preuve, Jean-Baptiste Le Gouge, dans le décor cosy de son Caffe Gufo, rue de la Chouette à Dijon, excelle aussi dans la recherche de la qualité. C’est vrai pour ses cafés qui s’appréhendent, avec leurs arômes et leurs bouquets, comme de véritables grands crus… mais ceux-ci ne viennent pas naturellement de Côte-d’Or. Les 6 croque-monsieur/salade (délicieux) qu’il propose à l’heure du déjeuner sont, en revanche, élaborés avec des produits locaux : le fromage est en provenance de chez Delin, les légumes sont du marché, etc. Et vous pouvez également acheter dans cet antre du bonheur gustatif des confitures estampillées « Sainte-Marie de la vallée de l’Ouche ».
Alors que ces professions subissent de plein fouet la crise sanitaire, nous avons voulu vous montrer, tout comme avec notre opération « Sauvons nos restos et nos bistros » que nous avions lancée durant le confinement et qui, sur la page Facebook de Dijon l’Hebdo, a touché 374 888 personnes, que beaucoup d’entre eux continuent de travailler dans les règles de l’art. L’art local (et royal) de la table…
Camille Gablo