A la poursuite du diamant noir : De sa truffe… à la truffe !

La truffe de Bourgogne a été la première à figurer sur la table des rois de France, c’est dire si, tout au long de l’histoire, elle a fait le bonheur des gourmets. Rencontre (passionnante) avec Jean-David Mossé, qui a attrapé « le virus de la truffe » et qui vient d’acquérir une chienne pour le cavage… 

Dans ses « Maximes consolantes sur l’amour », Baudelaire écrivait, en substance, qu’il n’y avait rien de plus agréable que de consommer le fruit défendu dans « une tumultueuse nuit d’hiver, au coin du feu, du vin et… des truffes » Non sans ajouter que c’était « une victoire remportée sur la nature rigoureuse, qui semble elle-même blasphémer les Dieux ». Grand spécialiste de Robespierre, Jean-David Mossé ne nous en voudra pas de débuter un article concernant une autre de ses passions par ce (léger) sacrilège. Intéressons-nous donc à la truffe, qui, si l’en croit Baudelaire, se marrie très bien avec le vin. Etant en Bourgogne, c’est parfait… Afin d’éviter le courroux divin – on ne sait jamais ! –, nous rappellerons son existence dès l’Egypte antique où les Dieux étaient légion, comme les textes de Pline l’ancien, un naturaliste romain du 1er siècle ap. JC, l’attestent. Le pharaon Kheops aurait même eu coutume de la servir à ses visiteurs d’importance… Il a fallu attendre François 1er et son retour d’exil en Espagne pour que cette fructification comestible du champignon de la famille des ascomycètes hypogés s’impose en France. C’était au XVe siècle et, depuis, la truffe est devenu le diamant noir de la cuisine gastronomique…

Délicieuse avec les mets les plus raffinés, elle l’est tout autant avec des choses simples : « Il n’y a rien de mieux qu’un Saint-Moret, une salade au magret de canard séché ou encore une brouillade à la truffe », souligne Jean-David Mossé, qui insiste sur un point essentiel : « Aucune truffe ne se cuit ! Le grand chef Michel Chabran, qui excelle dans l’art de la truffe à Pont de l’Isère, qualifie même cet acte d’hérésie ». Que ce soit à La Grande Table étoilée de la Drôme ou bien sur la table du médecin dijonnais à la retraite, les plats à la truffe régalent, surtout « lorsqu’il sont accompagnés d’un verre de champagne ou de Porto ».

« Le virus de la truffe »

C’est son ami Jean-Louis qui a donné à Jean-David Mossé « le virus de la truffe ». Au demeurant bien plus agréable que celui qui a profondément bouleversé nos vies depuis des mois ! Mais pour pouvoir déguster ce que l’église catholique considérait, au Moyen-Age, comme la production du diable, encore faut-il la trouver. Cependant, s’il y a un circuit court par excellence, c’est bien celui-là, puisque, si l’on en croit ces grands chasseurs de truffe, il n’est pas besoin de parcourir nombre de kilomètres autour de Dijon pour pouvoir satisfaire cette quête. Mais ne leur demandez pas d’être plus précis, ils ne vous révèleront jamais ce qui ressemble à un secret… des Dieux.

Certes, nous sommes loin de l’exceptionnelle truffe blanche d’Alba (qui ne se récolte qu’en Italie) ou de la truffe noire du Périgord – la première se négocie entre 5000 et 7000 € le kilo, la seconde entre 500 et 1000 € – mais la truffe de Bourgogne (tuber uncinatum) fait aussi le bonheur des connaisseurs – son coût varie, quant à lui, entre 250 et 450 € le kilo. Il s’agit de la truffe d’automne au parfum de sous-bois et de noisette, qualifiée de l’Or des Valois parce que ce fut la première à devenir la reine de la table des Rois de France. Sachez que cette truffe qui se récolte de septembre à mi-janvier est la plus répandue dans toute l’Europe et qu’on peut la retrouver jusqu’aux confins de la Russie. Une autre espèce, tuber aestivum, dite également « truffe de la Saint-Jean », se récolte, quant à elle, durant l’été mais n’a pas la même saveur. Loin de là…

Renata

Plus que le terme récolte, il faut parler de cavage, provenant du latin cavare au sens de creuser, extraire. Car c’est près des racines des arbres que ces diamants se cachent : au pied des chênes, des bouleaux, des charmes, des pins noirs, des noisetiers… le principal étant le sol calcaire. Plusieurs techniques existent afin de participer à cette recherche de l’or noir : celle de la mouche (suillia gigantea) qui repère les truffes pour y poser ses œufs, celle du cochon qui a la truffe dans les gènes et celle du chien dressé au cavage. Grand chasseur devant l’éternel, Jean-David Mossé a choisi d’acquérir il y a quelques mois une chienne de ferme dont les ancêtres excellaient dans cet art. Il faut dire qu’elle est d’origine italienne comme il se doit… « C’est un véritable plaisir d’avoir un chien qui travaille avec son maître. C’est un peu la même chose qu’éduquer un chien de chasse et n’importe quelle race de chien peut être dressée pour cette quête », se félicite-t-il. Et, à quatre mois, sa chienne n’a déjà pas son pareil pour dénicher, dans le jardin, les micro-morceaux de truffe que son maître cache à son intention. De sa truffe à la truffe… de nos assiettes, il n’y a qu’un pas que cette chienne fera franchir, n’en doutons pas, à son maître. Renata, comme il s’est plu à l’appeler, est (presque) prête à se lancer à la poursuite du diamant… noir !

Camille Gablo