Isabelle Gorecki-Hintelfink, chef d’entreprise presque retraitée, quoique … D’emblée, on est séduit par cette femme charmante, hyperactive, l’esprit perpétuellement à l’affût : elle ensemence la vie – la sienne, celle des autres – avec bonne humeur, optimisme et un allant indéniable. Son histoire croise les grands moments d’un métier en pleine évolution depuis les années 80 : l’hôtellerie-restauration haut de gamme qui se démarque de la stratégie archi-formatée des grandes chaînes. Voici le parcours d’une femme épatante autant que surprenante, qui fut l’âme du bel Hôtel – restaurant 4 étoiles Philippe le Bon dans le quartier Saint-Anne. Aujourd’hui, elle passe la main…
Cette femme d’action, grande bosseuse se plaît à afficher une liberté de vivre, de penser. Avec ce qui pourrait sembler une désinvolture élégante et tranquille, elle glisse : « Je ne suis pas une héritière. J’ai construit ma vie, sans crainte de changer du changement pour suivre finalement ce qui était ancrée dès l’enfance au plus profond de moi : l’hôtellerie restauration ». Il est vrai que l’atavisme a joué un rôle. Les personnes qui l’ont marquée – sa grand-mère et ses parents – étaient de la partie et ont eu à cœur de la mettre en garde : « C’est un métier trop dur, exigeant. Pas question que tu l’exerces. Isabelle, consacre-toi plutôt à tes études ! » Alors, premier clic sur un BTS d’assistance de direction pour rassurer la famille, puis – déjà un acte d’indépendance – sur des études de langues en faculté faites plus ou moins en catimini de ses proches.
L’année 1982 la voit postuler pour un poste de réceptionniste au prestigieux Hôtel de la Cloche qui venait d’être restauré, après avoir été racheté par le groupe Sofinco. Sa candidature est retenue, en grande partie pour sa maîtrise parfaite de l’anglais. Isabelle raconte en ces termes : « J’avais adressé mon curriculum vitae en cachette pour ne pas inquiéter la famille. Là, j’ai vraiment adoré le job, car La Cloche rouvrait et j’ai participé à cette aventure… Le redémarrage d’un hôtel constitue toujours un événement d’importance ». Mais-mais… L’addiction au changement et le besoin vital pour Isabelle de se remettre perpétuellement en question la conduisent au poste de secrétaire de direction au sein de la Sorefi qui coiffait alors les Caisses d’Epargne. Bingo ! Son profil professionnel convainc les responsables. Elle y demeurera 15 ans, le temps d’œuvrer au développement d’un pôle de formation/développement, puis de devenir chargée de mission en contact avec les professionnels de l’hôtellerie-restauration.
Après de bons et loyaux services chez l’Ecureuil – et trois enfants entretemps, elle est amenée à s’intéresser à un poste de directeur-adjoint à l’Hôtel Philippe Le Bon, alors propriété d’actionnaires de la CBDO. Sa candidature est retenue en raison de sa bonne connaissance du milieu hôtelier et ses qualités de gestionnaire. On est alors en novembre 2004. Et Isabelle évoque aujourd’hui ce nouveau coup de galop avec un enthousiasme lumineux : « Je me suis donné carte blanche pour opérer un rajeunissement total des 28 chambres que comptait alors l’établissement ; j’ai réorganisé tout le système informatique et opéré la mise en réseaux. J’ai fourré le nez en cuisine afin d’établir une collaboration étroite avec le chef, tout en mettant mon empreinte. Bref, Philippe le Bon a repris du panache ! » Un nouvel horizon s’ouvre à elle, en 2008 : l’Hôtel est à vendre. L’idée de racheter titille de plus en plus Isabelle qui se tourne vers un cercle de cinq amis tout à fait d’accord pour investir. En 2010, le rêve se concrétise, et la jeune femme devient ainsi copropriétaire. Puis au final, seule propriétaire avec un partenaire.
Les temps changent, les souhaits d’une clientèle aisée également… Isabelle s’en donne une fois encore à cœur joie : on renouvelle la carte restaurant ; on invente des formules du jour, très innovantes. Bien évidemment s’en suit une cuisine plus allégée, avec des produits frais régionaux. Déjà, elle est en avance d’une époque. De surcroit, elle est insomniaque, elle en profite pour réfléchir au calme et imaginer un embellissement total de ces lieux classés à l’inventaire du Patrimoine historique. Au fil des ans, l’établissement se voit adjoindre une ouverture avec un bar sur la rue Berbisey appelé « L’Autre Entrée », offrant l’opportunité de prendre des en-cas.
Une idée en amène une autre. Toujours à l’affût de tout renouveau improbable, Isabelle se lance dans l’une de ces audaces les plus folles : fureter dans tous les coins et recoins de l’hôtel – combles, pigeonnier, salles de réunion surannées etc – afin d’optimiser l’espace en créant quatorze chambres supplémentaires – chics et pleines de charme. Viendront d’autres travaux : mises au jour de poutres du 15ème cachées sous de faux-plafonds, rénovation et multiplication des salles de restaurant, agrandissement de la terrasse sur le jardin et tutti quanti ! De quoi confirmer un cachet, affirmer un esthétique conçu « sur mesure ». Bravo ! La clientèle – aisée et esthète – est séduite par le cachet particulier, l’atmosphère cosy « très-à-part » d’un Philippe le Bon revisité, remis au goût du jour. L’enseigne 4 étoiles se démarque d’une hôtellerie haut-de-gamme standardisée. La réussite est au rendez-vous. D’autant qu’Isabelle et l’équipe qu’elle anime avec brio peuvent se targuer de faire quelque 200 couverts en un seul service, certains jours fastes.
Etre à l’écoute de ce qui se fait ailleurs, humer l’air du temps qui passe, tenir en éveil sa curiosité pour les grands tout et les petits riens, tout cela constitue le sel de la vie professionnelle de cette femme qui aime se qualifier d’épicurienne, chef d’entreprise jusqu’au bout des ongles. Elle vient de céder l’Hôtel Philippe le Bon à un couple entreprenant et bourré d’idées, Estelle et Pierre Molin. Attention ! N’allez pas imaginer qu’Isabelle, toujours intrépide et audacieuse prenne le chemin d’une retraite tranquille. Même si elle entend se consacrer davantage à sa famille et à son petit-fils. On la sent prête à rebondir sur d’autres pistes. Mais, chut !
Marie-France Poirier
Les « Plus » de Dijon
Isabelle aime à professer sa foi dans l’avenir touristique de Dijon, et ce, malgré l’actuelle crise occasionnée par la Covid. Elle confie : « Grâce à l’action de François Rebsamen pour exporter l’image de notre patrimoine, grâce également à la directrice de l’Office du Tourisme, Dijon prend le pas sur Beaune. Les touristes français et étrangers allongent les séjours dans nos hôtels ». Tout contribue en effet à déboucher sur un avenir très prometteur : l’exceptionnelle beauté d’un centre-ville entièrement restauré, la présence de musées comme ceux des Beaux-Arts ou Magnin, les formules diverses et variées de visites commentées, ou encore les animations autour de la boutique de moutarde Falot, rue de la chouette, les nombreux circuits découverte de l’arrière-pays etc.