Bêtes de cirque et opéra sauvage

Tout donnait à penser que le gouvernement n’avait pas d’autres chats à fouetter que cette pieuvre de Covid 19. Pourtant, Barbara Pompili vient de dégoter une affaire à régler de toute urgence : faire passer une loi sur le « bien-être animal » interdisant la présentation d’animaux sauvages dans les cirques ! A regarder de plus près, et si l’on excepte les requins de la finance, les chacals de la politique (écolos et Verts inclus), il n’y a pas plus de cinq cents fauves en France. La ministre de la Transition écologique se propose également de mettre un terme à la reproduction ainsi qu’à l’introduction de nouveaux orques et dauphins dans les trois delphinariums du pays ; elle a également annoncé « sous cinq ans » la fin de l’élevage des visons. Quid des femmes fatales ou des stars masculines qui se voient ainsi privées de leur écosystème constitué de redingotes, de vestes, de manteaux en fourrure ? Dura lex, sed lex ! Le gouvernement, dans sa grande mansuétude, va débloquer une enveloppe de 8 millions d’euros « pour la reconversion des cirques et des personnels des delphinariums priés de se réinventer » (sic).

Justement, il me vient quelques pistes à proposer pour une reconversion qui – on l’a compris – va apporter la paix sur la terre entière et débouchera sur la promulgation de la république des Bisounours. Je conseille donc aux patrons de cirque, aux responsables de parcs animaliers de piller les magasins de jouets afin de proposer au public adultes / enfants un bestiaire en poil acrylique, lavable à 30 degrés en machine – Mir laine conseillé. L’avantage, non négligeable en période de crise économique abyssale, c’est que ça ne coûtera rien à nourrir ou à soigner. L’odeur âcre et puissante de fauves, la fascination ancestrale pour le bestiaire sauvage inscrite dans notre cerveau reptilien, ne les envisagez même plus en rêve ! Tiens, pendant que je délire face à l’avancée idéologique des antispécistes qui voient dans tout consommateur de miel ou de lait un prédateur, j’imagine des scènes bucoliques telles que des vaches remplacées dans les prés par des tétra-packs de lait synthétique en carton recyclable ? Autre scénario : supplanter les saumons sauvages du Bac d’Allier ainsi que les truites Fario de nos rivières par des poissons rouges ! Quant aux propriétaires d’oiseaux en cage, je suggère une punition : les condamner à un emprisonnement à vie à Fleury-Merogis… Bien fait, na !

En conclusion, j’aimerais aborder cette affaire d’Etat que sont les bêtes sauvages dans les cirques ou les zoos sur un plan carrément métaphysique, quitte à me mettre dans la gueule du loup. Certes, nous les humains et « nos amies les Bêtes » possédons bel et bien une âme et partageons quasi le même… ADN : il est temps de relire Descartes et ses Esprits Animaux (1). Si votre chat préféré répertorié comme « animal domestique » vient à vous griffer (il en sa claque de jouer avec vos bouts de ficelles), est-ce un gentil mistigri ou un mini-tigre féroce et sauvage ? Et votre dogue bordelais ridé comme une pomme Reinette, n’est-ce pas un vieil hippopotame de poche qu’il faut réintroduire dans son milieu naturel pour peu qu’il subsiste en vous un reste d’humanité ? A force de me prendre les pattes dans ces interrogations angoissantes, existentielles et philosophiques, j’en arrive à me demander si Minnie et Mickey sont des héros de cartoons politiquement corrects ou les souris d’un opéra sauvage que je me projette de façon hautement condamnable depuis l’enfance ? Foin de tout ça ! Vive Disney Land, vive les coccinelles qui sont des bêtes à Bon Dieu et ne titillent pas ma (mauvaise) conscience !

Marie-France Poirier

(1) La notion d’esprits animaux vient de la science médicale du Grec Galien, et renvoie des siècles plus tard à Descartes ainsi qu’à ce qu’on appelle aujourd’hui les influx nerveux.