Faut-il continuer de s’excuser d’être Français, républicain, défenseur de la laïcité et de type caucasien ? Faut-il continuer de s’excuser de revendiquer ses racines judéo-chrétiennes ? Faut-il continuer de s’excuser d’être une femme portant jupe courte ou jeans moulants dans la rue, et affichant sa liberté d’être, d’aimer, bref de vivre ? Faut-il continuer de s’excuser d’être un homme amoureux « raisonné » des femmes et hétérosexuel ? Faut-il continuer de s’excuser d’être homosexuel ou lesbienne ? Faut-il continuer de s’excuser de prôner haut et fort la liberté de la presse ou de revendiquer pour une nation la liberté d’une opinion publique ?…
Posons ces interrogations existentielles dans l’état d’urgence qui est le nôtre : l’année 2020 est-elle celle de tous les dangers, de toutes les dictatures idéologiques ainsi que de toutes les épées de Damoclès ? Le climat anxiogène déclenché par la Covid 19 y est pour beaucoup, mais pas que… L’attaque au hachoir qui a fait récemment deux blessés graves devant les anciens locaux de « Charlie Hebdo » démontre que « l’ennemi, c’est le terrorisme islamiste », comme l’ont déclaré una voce Gérald Darmanin et Manuel Valls.
Depuis son élection, le Président de la République a lancé des opérations militaires de plus en plus offensives contre les groupes armés dans la mouvance de Daech via la force Barkhane. Or l’actualité intérieure française nous renvoie à l’inanité de ces actions conduites en Afrique, au Sahel : la haine propagée par des individus gagnés à un Islam radical vivant sur notre sol relève de bien autre chose que de la recherche d’une solution par les armes. Le mal est d’ordre cultuel, culturel ainsi qu’endogène : il provient des cellules situées dans les profondeurs notre tissu sociétal et économique, voire de la rencontre chaque jour plus brutale de deux plaques tectoniques que sont les quartiers dits « sensibles » et la France qui se croit « normale ». Refusons de plier devant ces missi dominici, apôtres invétérés des théocraties à qui est donnée mission de broyer les sociétés démocrates.
Hélas, il convient de dénombrer bien d’autres grands responsables de cette déliquescence générale, de la débandade intellectuelle qui s’abat sur les sphères puritaines, populistes, rétrécies, fallacieusement investies de donner le « la » au concert des média, ne tablant que sur l’émotion, le laminoir des rumeurs et rarement sur une clarté intellectuelle ou sur une réflexion au long cours ? Désignons du doigt l’adhésion à ces mouvements dictatoriaux que sont Me Too, Balance Ton Porc ou les Femen, ou encore les Verts. Leur grammaire caricaturale, les stimuli qu’ils lancent via les réseaux sociaux, l’absence de prospection donnent des coups de butoir au ciment social. Le catéchisme de la pensée post-moderne – qui stipule que tout soit interchangeable tant sur le plan du patrimoine culturel que religieux ou laïc – ne contribue en rien à une avancée de l’humanité ! Ces faux-nez avancent masqués, dénient au citoyen le droit à un humour inconditionnel ainsi que le droit à la caricature – voire au blasphème.
Posons-nous la question : nos écolos bon teint, nos végétaliens antispécistes, nos groupies Me Too, nos mouchards du penser « correct » ne cloueraient-ils pas au pilori – s’ils étaient encore de ce monde – Desproges pour ses sketchs corrosifs, Picasso pour ses dessins érotiques, Jacques le Fataliste et son maître pour leurs dialogues sur l’amour et la guerre, le Caravage ou Fragonard pour leurs sujets coquins, paillards et génialement incongrus ? Pour un peu, 2020 – l’année de toutes les salades – s’octroierait le droit de dénoncer le modus vivendi ainsi que le bol alimentaire de notre ancêtre à tous, l’homme de Cro-Magnon – un charognard tout de peau vêtu et gros bouffeur de gibier sauvage devant l’Eternel.
Marie-France Poirier