UNE NUIT AU LOUVRE : LÉONARD DE VINCI

(2020) – Documentaire français de Pierre-Hubert Martin (1h30)

Filmée spécialement pour le cinéma, et projetée dans plusieurs villes dont Dijon, cette visite privée nocturne de l’exposition Léonard de Vinci, conçue et organisée par le Musée du Louvre, est l’occasion unique de contempler les plus belles œuvres du peintre au plus près. Cette grande rétrospective consacrée à l’ensemble de sa carrière de peintre montre combien De Vinci a placé la peinture au-dessus de toute activité et comment son enquête sur le monde – il l’appelait « science de la peinture » – fut l’instrument d’un art, dont l’ambition suprême était de donner vie à ses tableaux.

NOCTURNE

Paris, la nuit. La beauté de la pyramide de l’architecte Ieoh Ming Pei habilement éclairée, comme le sera tout le reste du documentaire, nous est offerte de très haut, en plongée. Nous sommes à l’ère des inévitables drones. Puis nous entrons par l’escalier principal, le travelling nous entrainant jusque dans les yeux de La Belle Ferronnière, dont le regard froid et fuyant n’est pas sans révéler une secrète dureté.

Pierre-Hubert Martin a filmé une visite nocturne de l’exposition qui a rassemblé plus d’un million de visiteurs, guidée par Vincent Delieuvin et Louis Frank, les deux conservateurs du musée, grands orchestrateurs de cette rétrospective, en plus de 160 œuvres, dont 11 peintures de Léonard de Vinci. Une visite sans la foule des grands jours, donnant une solennité unique, confirmée par la lecture des textes de Léonard. Le propos est à la fois exigeant et pédagogique, la narration découpée en chapitres, la réalisation est soignée et minutieuse, Pierre-Hubert Martin n’hésitant pas à s’arrêter sur les détails des œuvres.

OMBRE LUMIÈRE RELIEF

Léonard, fils de Messire Piero, né à Vinci, près de Florence, en 1452 et mort à Amboise en 1519, est l’icône de la peinture européenne et l’une des plus hautes figures de la Renaissance italienne.

Léonard fut, à Florence, dès 1464, l’élève de l’un des plus grands sculpteurs du quinzième siècle : Andrea del Verrocchio. De cette conception profondément picturale de la sculpture, De Vinci a tiré le premier fondement de son univers : l’idée que l’espace et la forme sont engendrés par la lumière et qu’ils n’ont d’autre réalité que celle de l’ombre et de la lumière.

Afin que ses figures possèdent la réalité de la vie, Léonard apprend à leur donner, par l’invention d’une liberté graphique et picturale, la nature du mouvement. Pour qu’elle révèle aussi la vérité des apparences, De Vinci voulut faire de la peinture la science universelle du monde physique.

LIBERTÉ RÉFLEXION

La forme n’étant qu’une illusion, le peintre ne peut en saisir la vérité que par une liberté de l’esprit et de la main capable de nier la perfection de la forme. Cette négation est une attaque en règle contre la forme, ne laissant parfois rien subsister que le noir. De Vinci nomme cette manière, née de la nécessité de traduire le mouvement, «composition inculte» : La Madone au chat ou La Madone aux fruits en sont les premières manifestations évidentes.

Dessiner, c’est non seulement reproduire des formes, mais c’est également et surtout penser. De Vinci s’interroge sans cesse sur le monde, il est doté d’un désir dévorant de comprendre tous les aspects de l’univers physique. Léonard tient un carnet de ses observations, recherches, expériences, réflexions et théories qui associent intimement écriture et dessin, dont les deux narrateurs experts ne manqueront pas de nous lire des passages.

Le spectateur a également accès aux « réflectographies » infrarouge de plusieurs peintures de Léonard, dont La Joconde, et son aura quasi surréaliste, en marge de l’exposition. Cet examen scientifique permet de révéler le tracé de la composition posé par l’artiste sur la préparation de son support, recouvert ensuite par les couches de peinture. De Vinci changea souvent d’idée au cours de sa réalisation, et nous pouvons alors découvrir ses premières pensées et les modifications qu’il a apportées à ses œuvres. Nous rentrons ainsi dans le secret des œuvres d’un artiste libre et dans l’esprit d’un grand homme. Indispensable et unique.

Raphaël Moretto

Catalogue de l’exposition

Léonard de Vinci, sous la direction de Vincent Delieuvin et Louis Frank. Coédition musée du Louvre éditions / Hazan. 480p., 380 ill., 35 €.

Vie de Léonard de Vinci de Giorgio Vasari, éditée, traduite et commentée par Louis Frank, assisté de Stefania Tullio Cataldo. Coédition musée du Louvre éditions / Hazan. 344 p., 24 ill., 25 €.