Abolition de la peine de mort : 55% d’adversaires !

Il y a 40 ans, la peine de mort était abolie. C’est l’un des actifs à mettre au compte du double mandat présidentiel de François Mitterrand. Derrière cette décision essentielle qui traduit une avancée profonde dans la société, l’oeuvre de Robert Badinter, alors Garde des Sceaux. Cet homme remarquable et avocat éminent -dont la pensée et l’action ont toujours été proches de Condorcet-, a écrit en 2000 un livre : il y relate le long combat conduit pendant plus de 9 ans pour faire adopter l’abolition de la peine de mort.

Dans son discours aux parlementaires de l’époque, Robert Badinter avait eu ces mots d’introduction percutants : « J’ai l’honneur de demander l’abolition de la peine de mort » (1). On se souvient par ailleurs de la plaidoirie de Robert Badinter en 1977 contre la peine capitale qui avait sauvé de l’échafaud Patrick Henri. Quatre décennies plus tard, l’opinion publique se montre de plus en plus hostile à la fin des exécutions capitales en France.

Pourquoi, en 2020, ce qu’il convient de qualifier de progrès de l’humanité ne convainc toujours pas ? Les idées autoritaires gagnent le monde occidental depuis une décennie. Ce qui fait dire à certains analystes qu’on assiste à « une révolte démocratique contre les droits fondamentaux ». Un sondage diligenté tout récemment par Ipsos pour le journal Le Monde va dans ce sens : pour 55% des participants à ce sondage, il « faudrait rétablir la peine de mort en France ».

Les résultats de cette étude sont d’autant plus dérangeants qu’ils indiquent une forte progression des partisans de la peine capitale : +31% par rapport au sondage réalisé il y a un an. Ces mêmes personnes appartiennent à toutes les obédiences politiques -gauche comprise dont PC- même si l’on compte parmi celles-ci très majoritairement des sympathisants RN et Républicains. C’est dire si le déni de démocratie est patent, alors qu’il est prouvé que les exécutions capitales n’ont jamais enrayé la criminalité dans quel que pays que ce soit !

Comment expliquer les motivations qui ont guidé ces Français sondés par Ipsos et qui estiment que nous ne sommes plus dans un état de droit ? Sans doute, le sentiment d’une violence qui se répand de plus en plus dans le pays, le besoin qui se fait jour de demander aux pouvoirs publics de faire preuve de davantage d’autorité, et la réponse inadaptée – voire insuffisante – de la justice dans les applications de notre système pénal. Enfin, le décalage entre la méthodologie défendue par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et les déclarations du Garde des Sceaux Dupond-Moretti ne font qu’aggraver cet état de fait. Il y a heureusement un élément autant positif que déterminant : il est impensable que l’Exécutif revienne un jour sur l’abolition de la peine de mort.

Marie-France Poirier

(1) Le livre a d’ailleurs fait l’objet d’un téléfilm réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe.