Première adjointe de François Rebsamen, Nathalie Koenders porte dans le mandat qui s’ouvre la transition écologique, listée parmi les 7 enjeux majeurs pour les 6 ans à venir. L’édile dijonnaise nous détaille sa vision – basée notamment sur une forte implication des habitants – afin d’accélérer le tournant écologique et durable de la capitale régionale.
Dijon l’Hebdo : Avec la tranquillité publique, votre délégation de 1ère adjointe compte désormais la transition écologique, le climat et l’environnement. C’est un véritable ministère d’Etat que vous a confié François Rebsamen…
Nathalie Koenders : « Nous voyons bien aujourd’hui, dans l’actualité, que ce qui préoccupe les Français, ce sont les questions de sécurité et donc de tranquillité publique – même si je fais bien la différence, entre la première qui relève de l’Etat et la seconde des compétences du maire –, et, dans le même temps, les questions de transition écologique. Face au changement climatique, nous devons tous agir et, au premier plan, les collectivités puisqu’elles sont au plus près des citoyens. Ce sont deux délégations qui sont très importantes. C’est la volonté du maire François Rebsamen de montrer collectivement cette importance dans ce nouveau mandat qui commence ».
DLH : Comment appréhendez-vous vos nouvelles responsabilités ?
N. K : « L’objectif n’est pas de voir les choses en silos. C’est encore plus vrai pour l’écologie urbaine. La transition écologique nécessite une vision transversale qui doit toucher l’ensemble des délégations. Car c’est grâce à cela que nous resterons attractifs. Quel est le but lorsque l’on est maire, quand l’on a un mandat local ? C’est d’améliorer la vie des gens au quotidien mais aussi d’avoir une vision d’avenir. C’est comme cela que nous aurons un monde meilleur. Cela passe par une ville douce à vivre, une ville tranquille au quotidien, aujourd’hui et dans le futur, mais cela passe aussi par une ville attractive. Parce que l’on sait très bien que si l’on n’investit pas pour la qualité de l’air, dans la recherche, pour la jeunesse, etc. nous sommes susceptibles, à terme, de perdre des habitants. Et après, c’est une spirale. Il y a des villes de taille moyenne qui ont fait des mauvais choix à un moment donné et qui le payent maintenant ».
DLH : « Ecologique, sociale et attractive… » telle était la ville que vous avez défendue avec François Rebsamen dans votre programme municipal devant les Dijonnais. Pourquoi ce triptyque ?
N. K : « Tout est lié. C’est très important. La transition écologique n’est pas qu’une affaire de « bobos », de gens bien portants. Cela doit aussi toucher les populations les plus fragiles pour lesquelles ce n’est pas aujourd’hui forcément dans leurs priorités. C’est d’autant plus vrai avec cette rentrée : beaucoup ne savent pas si demain, eu égard à la crise économique, corollaire de la crise sanitaire, ils pourront conserver leur emploi. Mais cela les impactera aussi. Lorsque l’on agit sur les transports doux, sur les transformations énergétiques des bâtiments, sur le réseau de chaleur urbain, cela permet à la fois d’améliorer la qualité de l’air mais aussi de réduire les factures énergétiques. Par rapport à certains qui seraient plus intégristes en matière d’écologie, nous, nous voulons une écologie durable pour tous et nous ne sommes pas sur de la décroissance parce que, à un moment, ce sont des emplois en moins. Il faut effectivement changer notre modèle économique mais il faut aussi penser aux plus fragiles ».
DLH : Le magazine Fémina a classé Dijon comme la ville dépassant les 100 000 habitants la plus verte de France en juin dernier. J’imagine que vous avez pris cela comme une reconnaissance du travail accompli lors des mandats précédents dans le domaine environnemental…
N. K : « Beaucoup de choses ont été faites depuis 2001. Si nous sommes finalistes au titre de la capitale verte européenne, ce n’est pas un hasard. C’est par rapport à tout ce que l’on a fait et tout ce que l’on envisage de faire. Je citerais, pour ne pas être trop longue, la future production d’hydrogène ou encore le projet H2020 sur le quartier de la Fontaine d’Ouche qui créera le premier éco-quartier dans un quartier Politique de la Ville… Mais peut-être n’avons nous pas assez communiqué sur ce que nous faisions ? Pour la candidature à la capitale verte européenne, nous avons ouvert une plateforme et nous nous sommes aperçus que des propositions ont été faites mais que nous les avions déjà réalisées ou bien qu’elles étaient en cours de réalisation. Cela montre que les gens ne sont pas forcément au courant de ce que nous faisons. Nous avons le savoir-faire mais il faut aussi le faire-savoir. Il faut peut-être que nous fassions davantage de pédagogie. A l’instar de ce que j’ai fait et que je continuerai à faire sur la tranquillité publique, pourquoi ne pas le faire sur cette thématique ? La participation citoyenne est vraiment incontournable. C’est dans mes gènes et je vais le proposer au maire. Je souhaite organiser des conventions citoyennes locales pour aller à la rencontre de nos concitoyens, les écouter mais aussi leur dire ce que nous avons fait. Nous faisons beaucoup de choses pour les habitants mais nous ne le ferons pas seuls. Il faut le faire aussi avec les habitants ! »
DLH : Vous êtes également la vice-présidente de Dijon métropole en charge des mobilités actives. Comment allez-vous pouvoir répondre à l’engouement exponentiel pour le vélo ?
N. K : « Dans ces mobilités actives, je veux rappeler que figure également la marche. Ce n’est pas l’ancienne sportive qui va dire le contraire. Nous devons ne pas omettre non plus les trottinettes parce que, même si cela pose des problèmes, on voit bien que leurs adeptes sont de plus en plus nombreux. Notre objectif est que toutes ces mobilités actives puissent se partager au mieux l’espace public. Nous nous sommes aperçus qu’en 2001 on partait de 0. De par les investissements qui ont été réalisés, nous avons véritablement incité les gens à changer leur mode de déplacement, à laisser la voiture quand ils le peuvent. Notre objectif n’est vraiment pas de faire la guerre à la voiture. Il ne faut pas être culpabilisant. Lorsque des parents doivent emmener leurs enfants à des activités ou autres, ils n’ont parfois pas d’autres choix que la voiture. L’objectif est, en fonction des possibilités et des moments dans la semaine, de privilégier lorsque c’est possible un transport doux. Concernant le vélo, nous assistons à une prise de conscience encore plus importante. Même si l’on a fait beaucoup de choses, les gens sont encore en attente. Avec Dijon métropole, nous avons accordé 1 M€ pour accélérer le développement du cyclable et je suis en train de travailler avec les services mais aussi avec les maires des communes pour la continuité cyclable sur l’ensemble de la métropole. Celles et ceux qui font du vélo constatent bien que, parfois, il existe des difficultés. N’oublions qu’en parallèle aux vélos touristes du dimanche, il y a ceux pour lesquels le vélo représente un moyen de transport au quotidien. Pour ceux-ci, il faut aller au plus sécurisé, au plus vite. Nous allons améliorer les choses sur toute la métropole mais aussi dans Dijon où il existe encore des zones où le partage de la voie n’est pas toujours optimal. Je travaille à l’acte II du plan Vélos ! »
DLH : Que répondez-vous à celles et ceux qui ne jurent que par la réimplantation d’arbres pour lutter contre le réchauffement climatique ?
N. K : « Il faut prendre en compte deux aspects : nous devons à la fois nous adapter au changement climatique mais aussi lutter contre ce même changement climatique. Les étés étant plus chauds, il faut favoriser la végétalisation mais pas que. Même si ce n’est pas forcément ce qui a le plus d’impact sur l’environnement, c’est important car c’est une demande forte aujourd’hui. Cependant, nous ne pouvons pas planter des arbres partout : nous avons un centre-ville sauvegardé, minéral, nous avons des réseaux en sous-sol mais, lorsque l’on peut, on le fait. Dans le même temps, il y a la lutte contre le changement climatique où, là, cela passe par des grands projets peut être plus complexe à appréhender pour la population, à l’image de notre projet hydrogène ».
DLH : Selon vous, ainsi, tous les projets, quel que soit leur domaine, doivent intégrer une dimension environnementale…
N. K : « Selon moi, tout projet doit avoir 3 lectures : le développement durable, la participation citoyenne et l’égalité femme-homme. Comme je le dis souvent, les villes ont été construites beaucoup par des hommes pour des hommes. C’est important d’avoir cette autre grille de lecture lorsque l’on bâtit un quartier, un équipement. Il ne faut pas oublier, même si cela tend à évoluer, lorsque vous êtes une femme, que vous avez des enfants, parfois, l’on n’a pas d’autre choix que de prendre sa voiture pour s’occuper des taches logistiques et gérer le quotidien. C’est également pour cette raison que l’on ne doit pas être dans la culpabilisation. Ce triptyque est aussi essentiel pour moi ».
Propos recueillis par Camille Gablo