Les brèves de Jeanne Vernay

Parité

Ciel, la rentrée ! Avant que l’automne prive les arbres de leurs feuilles, l’heure est plus que jamais aux combines d’arrière-boutiques au sein des baronnies politiques régionales et des états-majors nationaux. Quant à la pandémie, c’est tout juste, si cet été, elle a pris un peu de large. Trois petits tours et puis s’en revient aujourd’hui dans les têtes, sur la bouche et le nez. Symbole entre tous de la parité féminin/masculin… En effet, notons dans nos tablettes que si Coronavirus est du genre masculin, la Covid 19 appartient au féminin. En plein dérive du féminisme depuis que Castex en a fait la pauvre doublure de Gérald Darmanin, Marlène Schiappa tient là son lot de consolation grammaticale.

 

Alarme, toutes !

A propos, toujours gonflées à bloc par l’affaire Mila, le scandale Matzneff etc, les Femen ont continué de brandir le torchon noir fureur – ne pas confondre avec Noir Désir – sur les plateaux télé. Dommage, une plongée dans l’océan en maillot une pièce des années 1936 leur aurait fait prendre la mesure de l’évolution de la condition féminine. Tiens à propos, je dois confier mon infinie tristesse à l’annonce du décès de Gisèle Halimi, une vraie grande dame qui a porté la cause des femmes sur le plan juridique, avec une grande maîtrise de la syntaxe. Sans jamais s’adonner aux vociférations, à l’hystérie ainsi qu’à la nudité de la pensée. Bref, suivez mon regard… Enfin, vive le topless (alias le top leste !) dans le secteur pénitentiaire : à Toulouse, une avocate s’est vue contrainte de retirer son soutien-gorge pour entrer dans une prison, car l’armature de ce tuteur poitrinaire faisait sonner le portique de sécurité. Comme quoi, loger ses seins dans des bonnets 120 D, c’est alarmant à plus d’un titre.

 

Sens dessus-dessous

Toujours un œil sur ma garde-robe, j’adore décrypter les tendances de la mode révélant les dessous intimes d’une société. Or cet été, Coronavirus oblige, il m’est apparu que bien des jeunes filles, joufflues en diable de la fesse, n’avaient aucun scrupule à se vêtir – est-ce le mot ? – de shorts extra minimalistes qui affichaient une surface bien inférieure au masque anti-Covid qu’elles portaient. Ce complaisant laisser-aller en dit long sur le besoin de se faire une place au soleil !

 

Erinyes ou « Vol du bourdon » ?

Cet été fut la saison par excellence des frelons et des guêpes qui ont disputé à ces nanas en short leur place au soleil. Tout cet univers bourdonnant et piquant a correctement et entièrement accompli sa mission de pourrir la vie des terriens, le temps d’un déjeuner en terrasse ou d’un pique-nique. Aucun piège classique n’a pu détourner ces sales bestioles de leur sarabande infernale dans les vergers ou les jardins : pas une poire, une pêche, ni un abricot qui ne soient devenus leurs proies. J’ai bien essayé de chasser guêpes et frelons de ma terrasse à l’aide d’un ramequin rempli de clous de girofle. En vain ! Pourtant on m’avait dit que l’odeur les chasserait… Du coup, j’ai pensé au Vol du Bourdon de Korsakov ou au dramaturge grec Eschyle qui pimentait l’intrigue de ses pièces en y introduisant le jeu malfaisant des Erinyes – ces furies virevoltantes tel un essaim létal. Chaque époque possède un mode opératoire propre : les Grecs ont érigé leurs Erinyes en mythes éternels. Nous nous réglons le sort de notre faune urticante à coup d’aérosols chimiques ou de fly-tox. Décidément, 2020 ne joue plus dans la même classe que les Atrides…

 

Peur et dysfonctionnement

Nés coiffés ou pas, les Français ont toujours été chapeautés par nos Républiques successives. A titre d’exemple, la 1ère République – de septembre 1792 à mai 1804 – s’est armée du bonnet phrygien ; les capitaines d’industrie ainsi que les Maîtres de forges de la 3ème République ont porté leur haut-de-forme pour l’édification des consciences ouvrières. Quant à la 5ème République, là, l’affaire du masque s’avère d’un plus gros calibre. Dans un édito percutant, Guillaume Bigot journaliste sur CNews, a récemment décrypté le port obligatoire de celui-ci sous toutes ses coutures, sous toutes ses ficelles élastiques ou pas. « C’est, a-t-il expliqué, un incroyable révélateur des peurs et des dysfonctionnements de la société ainsi que de nos dirigeants ». Certes, se museler me semble salutaire. Je n’ai pas de compétence médicale : pas question d’aller guerroyer sur ce champ de bataille que constitue notre face-à-face avec la Covid. Mettons-le ! Mais-mais …

 

Asservissement

Mais ce masque est aussi un rappel à l’ordre public, si l’on songe qu’il offre l’opportunité d’interdire des manifs ou de filer une contravention à trois clampins attablés au comptoir d’un bistroquet, tandis que « l’ensauvagement » – à ce jour indompté par les pouvoirs publics – allume le feu dans les quartiers qualifiés fort naïvement de « sensibles », se propageant avec violence jusque dans les bus, les trams etc. Le masque, vécu comme signe de liberté festif au carnaval de Venise ou lors de représentations théâtrales, devient par ailleurs objet de résistance à notre laïcité républicaine dans l’islam intégriste. Là, où le bât blesse, c’est la confusion qui s’installe au fil des mois dans les sociétés occidentales : le masque (porté pour des raisons de santé publique) est réinterprété, « revisité » par les maisons de haute-couture tout comme par les marques de prêt-à-porter sur le mode du « faisons-en un accessoire de mode ». Et pourquoi pas, soyons « tendance » ? Rendons-le joli, original, enrichi ici ou là de motifs sémillants de façon à rallier toutes les opinions religieuses conjointement à toutes les aspirations à l’esthétique ainsi qu’à toutes les précautions sanitaires… Attention danger ! Le spectacle d’un masque conçu par un styliste de talent peut se métamorphoser – mine de rien – en signe d’asservissement de la femme.

 

Se masquer derrière…

J’aimerais ajouter que le ridicule ne tue plus. A écouter les nombreux pédopsychiatres sollicités par les télés et l’ensemble des médias – tous hyper spécialistes ou chercheurs émérites -, l’auditeur ou téléspectateur lambda en arrive à penser que faire porter un masque à un loupiot ou à un scolaire exige dix séances de psychanalyse ou une cure post-traumatique! C’est faire peu de cas de l’adaptabilité des enfants ainsi que des adolescents. A se masquer derrière une pseudo-science, nous enclenchons un gâchis général, un climat d’apocalypse par excès de précautions. Les « Credebiles Viri » des Romains étaient des hommes crédibles, de ceux à qui on peut faire confiance et crédit. A qui confier le soin de casser le miroir de nos peurs spectrales, de tous nos renoncements ?

 

A la page et à l’heure

Pas question pour moi, Jeanne Vernay, d’abandonner la lutte finale. Or, si quelque chose m’a requinquée à mon retour de vacances ce sont les deux symboles qui signent la marche du temps à Dijon : la belle horloge de l’Hôtel de la Cloche et la pendule si adorablement kitsch de la rue de la Liberté. Autre champ de satisfaction : la 21e édition de Tribu Festival nous revient du 28 septembre au 4 octobre prochain. Au-delà de l’enjeu culturel et social, c’est aussi le moyen de maintenir une partie de l’emploi artistique en cette période difficile. Continuons à nous enivrer, à danser, à chanter (programmation sur : contact@zutique.com)