Les Travaux publics sont concernés à double titre par les défis environnementaux : à travers l’impact direct des chantiers, et du fait de leur rôle dans l’aménagement des infrastructures. Et ce secteur d’activité qui concerne tout de même 11 000 emplois en Bourgogne – Franche-Comté n’est pas en panne de propositions. Entretien avec son président régional, Vincent Martin.
Dijon l’hebdo : Vous militez pour une relance verte par les Travaux publics. Ce plan de sortie de crise se ferait en deux étapes. Quel serait son déroulement ?
Vincent Martin : « Effectivement, nous proposons d’agir en deux étapes. Un plan de sortie de crise / plan d’urgence avec effet à court terme sur cette fin d’année et l’année prochaine. Il est indispensable d’accélérer les investissements en faisant évoluer les dispositifs existants, c’est à dire booster le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), booster les dotations d’Équipement des Territoires Ruraux (DETR), de soutien à l’investissement local (DSIL). Evoquons aussi la suppression du plafond mordant des Agences de l’Eau. C’est un mécanisme qui vise la ponction par l’État des recettes des agences de l’eau au-delà du montant maximum de prélèvement des redevances. Sa suppression redonnera aux agences de l’eau les moyens de faire face aux défis liés au réchauffement climatique. Evoquons enfin l’aménagement numérique des territoires avec la réouverture du plan France THD. Le Plan France Très Haut Débit est une stratégie adoptée le 28 février 2013 par le gouvernement visant à couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit prévu initialement pour 2022, puis repoussée à 2025 ou même avant 2030 dans certaines régions ».
DLH : Et la deuxième étape ?
V. M : « Là, on est sur le moyen et long terme avec un plan de transformation écologique. Une transformation en profondeur pour une transition vers une économie décarbonée. L’enjeu, c’est le développement des infrastructures des mobilités décarbonnées, le développement des énergies et réseaux de chaleur renouvelables, la préservation des ressources, l’accélération des grands projets de la transition écologique ».
DLH : La recherche de développement durable et la protection de l’environnement sont les deux défis majeurs qui s’attachent à l’avenir de notre planète. Face à la pression de l’opinion publique et au cadre réglementaire, les entreprises placent le développement durable et la gestion des risques environnementaux au coeur de leurs préoccupations. Comment les salariés des TP sont-ils sensibilisés à ces défis ?
V. M : « Depuis de nombreuses années, les entreprises se préoccupent des questions environnementales. Elles ont pris la mesure de cet enjeu majeur. A la Fédération régionale des Travaux publics de Bourgogne Franche-Comté, il existe une commission développement durable depuis au moins 10 ans. Ajoutons aussi le cluster Eco-Chantiers créé en 2012 pour accompagner au mieux les entreprises dans leurs démarches environnementales ».
DLH : Vos métiers, vos travaux, sont en permanence en interaction avec l’environnement. Cela sous-entend donc qu’il y a désormais un Système de Management Environnemental au sein des entreprises ?
V. M : « Oui bien sûr, selon la taille et la structure de l’entreprise, il est plus ou moins formalisé. Dans la prise en compte, il y a l’impact de l’infrastructure en elle-même, et il y a aussi l’impact environnement de l’activité TP c’est-à-dire en phase « chantiers » – préservation biodiversité, gestion des émissions à gaz à effet de serre, gestion des espèces exotiques envahissantes, etc…. »
DLH : Il y a même aujourd’hui une licence professionnelle qui a pour objectif de former des techniciens supérieurs spécialisés dans la conception et la conduite de travaux d’aménagement, capables d’intervenir à chaque étape du projet en veillant à limiter l’impact environnemental des travaux…
V. M : « La formation a pour objectif de venir compléter les acquis théoriques, techniques et pratiques déjà acquis par les alternants jusqu’alors. C’est un véritable passeport pour l’emploi car elle allie à la fois la théorie et la pratique en matière de gestion de projets et conduite de travaux et confère aux bénéficiaires une polyvalence et compétence immédiate.
La spécificité de la formation réside dans l’accent particulier mis sur le pilotage et le suivi de projet ainsi que sur le développement durable. En effet, les diplômés sont formés aux méthodes et outils de conduite de projet intégrant les principes du développement durable, nouveaux modes constructifs et de gestion qu’il est nécessaire de mettre en œuvre pour progresser dans ce domaine. Ils sont capables d’apporter aux entreprises qui les recrutent leur expertise dans ce domaine assurant une meilleure gestion des projets et des chantiers en accord avec la réglementation en vigueur ».
DLH : Depuis des années vous déplorez la perte en Bourgogne – Franche-Comté de près de 30% d’eau potable entre la zone de traitement et le robinet. Avez-vous finalement été entendu par les pouvoirs publics pour entreprendre des travaux d’entretien des réseaux et éviter ainsi ces déperditions inutiles ?
V. M : « Désormais, c’est plutôt 20%. Nous sommes dans l’attente du plan de relance… L’organisation de la gestion de l’eau est hétérogène par rapport aux territoires : on dénombre 4 agences de l’eau… Et puis l’effet du lobbying est plus ou moins mesurable selon les territoires ».
DLH : Un Plan Départemental de Prévention et de Gestion des Déchets de chantiers du Bâtiment et des Travaux Publics a été mis en place. Un plan ambitieux qui fixe des objectifs chiffrés comme 70% de valorisation des déchets issus de chantiers dès 2023 et70 % de taux de recyclage des déchets de plâtre en 2023 et 80 % en 2029. Serez-vous en mesure de tenir ces objectifs ?
V. M : « Le Plan que vous évoquez est désormais régional depuis 2016. La compétence est en effet passée du Département à la région. Plus de 70% des déchets issus des chantiers TP sont des déchets inertes (terre) qui sont valorisables tel quels. Depuis 10 ans, les déchets d’enrobés sont également revalorisés. Nous ne sommes pas concernés par les déchets de plâtre, si ce n’est pour les chantiers de démolition pour lesquels les exécutoires règlementaires sont très bien connus et très bien utilisés par les entreprises. Une application a été mise en place par la Profession (MATERRIO.CONSTRUCTION) pour faciliter le recyclage et la valorisation des déchets de chantiers des Travaux publics ».
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre
4 Milliards € pour un plan d’urgence pour accélérer les investissements en faisant évoluer les dispositifs existants
- 1 Milliard € : Booster le budget de l’AFITF (Agence de Financement des Infrastructures) : entretien des réseaux et le développement de nouvelles mobilités.
Exemples :– ferroviaire : pérennisation et modernisation de la ligne des hirondelles ou de la ligne Epinal-Lure ; interconnexion TER TGV à Montchanin.
– routes : mise en 2X2 voies RCEA, RN 109.
- 1.3 Milliard € : Booster le levier FCTVA pour soutenir l’investissement public local et permettre aux collectivités territoriales d’être le moteur de la relance économique par le lancement de nouveaux appels d’offre.
- 1 Milliard € : Booster les dotations DETR (Dotations d’Equipement des Territoires Ruraux) / DSIL (Dotations de Soutien à l’Investissement Local), véritables leviers de l’investissement public pour la modernisation des réseaux.
- 0.5 Milliard € : Booster les budgets des Agences de l’eau pour l’entretien et la modernisation des réseaux d’eau
- 0.2 Milliard € : Booster le plan France THD (Très Haut Débit), avec les crédits associés, pour accélérer le déploiement du Très Haut Débit dans les territoires pour l’adapter aux nouveaux usages (télémédecine, télétravail, e-commerce).
Plan de transformation écologique :
10 Milliards € /an sur 10 ans
5 propositions
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- Développement des infrastructures des mobilités décarbonées.
Modes doux : Véloroutes et pistes cyclables.
Développement des bornes de recharge électrique et stations hydrogène. - Développement des énergies et réseaux de chaleur renouvelables.
Exemples locaux : Dijon Métropole développe son réseau et prévoit la conception d’un centre de production hydrogène. - Préservation des ressources
Sécurisation de la ressource : renouvellement des réseaux, interconnexions des réseaux, stockage.
Réemploi des eaux non conventionnelles (eaux usées, eau de pluie…). Méthanisation des boues d’épuration. - Accélération des grands projets de la transition écologique.
Exemple local : LGV Rhin Rhône. - Accompagnement des territoires au changement climatique.
Préservation de la biodiversité : restauration des écosystèmes, continuités écologiques…
Lutte contre les aléas climatiques : exemple du développement des espaces verts et de bien-être dans les centres ville.
- Développement des infrastructures des mobilités décarbonées.
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Les Travaux Publics en Bourgogne Franche-Comté
1 100 entreprises.
11 000 emplois.
1.8 Milliard € de chiffre d’affaires.