Se placer volontairement en redressement judiciaire, c’est un acte de gestion… Jean-Bernard Jacques, propriétaires de deux établissements de la place de la Libération, à Dijon, a fait ce choix. Un choix difficile mais qu’il assume pleinement sans rejeter les responsabilités ici ou là. Et il s’en explique de façon très transparente. Interview.
Dijon l’Hebdo : Est-ce le Covid qui est la cause de vos tourments ?
Jean-Bernard Jacques : « Non même si le coronavirus n’a pas arrangé les affaires. Les difficultés sont apparues au fil du temps et c’est à la fin de l’année dernière que j’ai du me résoudre à demander le placement en redressement judiciaire de mes deux établissements, le Pop Art et la Brasserie du Temps des Ducs ».
DLH : Comment expliquez-vous les difficultés qui vous ont conduit à prendre cette décision ?
J-B. J : « Il faut se regarder dans la glace et reconnaître ses erreurs. Ca ne sert à rien de se chercher des tas d’excuses. Je voulais une brasserie traditionnelle qui collait à l’image du Palais des Ducs. Je me suis trompé. Plusieurs facteurs expliquent cet échec. D’abord je n’étais pas assez présent en raison d’autres activités que j’exerce par ailleurs. Ensuite, l’établissement était trop généraliste et pas assez marqué conceptuellement. Enfin, les manifestations successives – gilets jaunes et retraite – qui n’ont fait qu’aggraver la situation ».
DLH : C’est plutôt rare un chef d’entreprise qui communique sur ses difficultés ?
J-B. J : « J’ai choisi de parler pour faire comprendre que cette démarche n’est pas honteuse mais qu’elle est peut être, d’une certaine manière, bénéfique à l’entreprise. Je pense à tous ceux qui éprouvent des difficultés, notamment à cause du Covid, qui ont déjà dépensé le prêt garanti par l’État et qui se demandent comment ils vont s’en sortir. Croyez-moi, il vaut mieux que cela soit le chef d’entreprise qui provoque sa mise en redressement plutôt qu’un tiers comme l’URSSAF.
C’est une décision lourde de conséquence. Un acte responsable, un acte de gestion que j’ai pris en mon âme et conscience. A un moment donné, il faut bien admettre qu’on ne peut pas continuellement générer de la dette et qu’il faut préserver les fournisseurs. Se planter, c’est une chose. Après la remise en question, il faut rebondir. Beaucoup auraient fait tapis… Pas moi.
En France, redressement judiciaire, c’est une formule tabou. Les patrons concernés vont être montrés du doigt. Et pourtant, il n’y a rien de honteux dans cette démarche. Ca fait partie de la vie du chef d’entreprise ».
DLH : Et la relation avec le tribunal de commerce ?
J-B. J : « Excellente ! Première bonne surprise : l’écoute, attentive et réelle, des juges du tribunal de commerce. Ce sont aussi des chefs d’entreprise et ils ne sont pas là pour nous mettre un peu plus la tête sous l’eau. Avant toute chose, ils cherchent à comprendre ce qui nous arrive et au bout du compte on sent bien leur volonté de sauver les emplois.
Un administrateur a ensuite été désigné. Là encore belle surprise : on est tombé sur une personne qui a fait beaucoup de pédagogie et qui a passé le temps nécessaire sur le premier entretien pour tester les motivations du chef d’entreprise. L’administrateur a essayé de dédramatiser la situation. Il s’est appliqué à nous motiver pour trouver les solutions qui s’offrent pour tenter d’assurer la pérennité de l’entreprise car il est convaincu que cette société ne doit pas être liquidée à la barre du tribunal ».
DLH : Aujourd’hui, où en êtes-vous ?
J-B. J : « Nous avons présenté un projet. Ma motivation est intacte. Difficile d’ailleurs de ne pas être motivé quand on est caution à hauteur de 410 000 €… Ce projet qui a déjà vu le jour, c’est « Bistrot Burger ». Un concept « made in chez nous », un concept fort que l’on a testé et qui a fait fureur à la dernière Foire de Dijon. On a presque atteint 700 couverts sur une journée. Ce qui m’a conforté dans cette idée forte qui consiste à trouver des produits issus uniquement de Bourgogne – Franche-Comté. On achète nos vaches, on hache nous mêmes nos viandes… Au restaurant, le résultat ne s’est pas fait attendre non plus. Le burger comme plat unique a sa clientèle.
Pour le Pop Art, nous avons lancé une campagne de prospection pour trouver un acheteur. A moins que la gestion de l’établissement ne soit confiée à mon fils Gabin qui bousculent les codes et qui verrait bien un bar à ambiance à cet endroit d’autant qu’il a démontré ces mois derniers que son concept à lui cartonnait… »
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre