Dijon l’Hebdo : Et vous, François Sauvadet, que faites-vous pour l’environnement ?
François Sauvadet : « A titre personnel, j’ai modifié mon comportement, depuis plusieurs années, en adoptant les éco-gestes du quotidien. J’imprime beaucoup moins de papiers en travaillant sur ma tablette ou sur mon smartphone partout où je le peux. Je consomme des produits locaux, notamment ceux de la marque 100 % Côte-d’Or. Cultivés sur place, consommés sur place, ces produits nécessitent peu de transports et sont donc moins émetteurs de gaz à effet de serre et j’invite tous les Côte-d’Oriens à s’y engager.
Comme Président du Département de la Côte-d’Or, nous avons mené une politique de gestion durable de l’eau, des forêts, des terres agricoles et de la biodiversité. Mais nous pouvons faire mieux. Et faire plus ! La Côte-d’Or a les moyens de devenir un territoire neutre en carbone et c’est un engagement que nous devons réussir ».
DLH : Quelles sont les actions concrètes qu’un département comme la Côte-d’Or peut mettre en place pour lutter contre le réchauffement et s’adapter au changement climatique ?
F. S : « Plus personne de sérieux ne peut contester le réchauffement climatique. C’est une réalité et c’est un défi à relever, ce sont de vraies opportunités pour développer des projets. Depuis plusieurs années, nous nous sommes engagés à la fois dans la lutte contre le réchauffement climatique et pour l’adaptation de notre territoire à cette transition climatique. Atténuation et adaptation. Dès 2018, nous avons adopté une Stratégie Départementale d’Adaptation au Changement Climatique (SDACC) qui fait de notre Département un pionner en la matière.
L’atténuation, cela passe par la diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES). C’est un effort que nous devons tous mener. Par exemple, nous aidons les communes et les organismes publics à se doter de chaufferies automatiques à bois déchiquetés. C’est un mode de chauffage écologique, économique et performant. Depuis 2015, 11 Communes de Côte-d’Or se sont dotées de chaufferies collectives au bois, ce qui a permis de réduire leur empreinte carbone. Songez que ces différents projets permettent d’éviter 800 tonnes d’émissions de CO² chaque année.
Atténuation, mais aussi adaptation. C’est le 2e volet de notre action. Il s’agit de faire entrer notre territoire dans une nouvelle ère. Je citerai en premier lieu notre action dans le domaine de l’eau. Sujet crucial, s’il en est. Avec les épisodes de sécheresse qui se répètent chaque année, toujours plus longs, l’eau est devenue rare et précieuse. Face à cette situation, le Département de la Côte-d’Or a décidé de prendre les choses en main en se dotant d’une Stratégie Départementale de l’Eau pour la période 2019-2024, de façon à identifier toutes les ressources d’intérêt stratégique, dans le but de pouvoir garantir, quoi qu’il arrive, une eau sûre, de qualité et à un tarif abordable, à tous les habitants de la Côte-d’Or et pour tous les usages ».
DLH : Un Côte-d’Orien produit plus de 500 kg de déchets par an. Vous avez avancé plusieurs solutions pour réduire ce volume. Quelles sont-elles ? Pouvez-vous en dire plus sur le Programme Départemental d’Economie Circulaire, dont les conseillers départementaux ont voté le principe le 21 mars 2016 ?
F. S : « D’abord, il faut rester pragmatique : faire confiance à ce qui marche. Et éviter à tout prix l’écologie de posture.
En matière de déchets, nous avons donc fait le choix de mener des actions avec des partenaires de terrain, présents dans tous les cantons de la Côte-d’Or. En 2017, nous avons formalisé et rassemblé les dispositifs du Département dans un plan global et cohérent, appelé le Programme Départemental d’Economie Circulaire (PDEC), parce que l’économie circulaire consiste à passer d’une société du tout jetable à un modèle économique durable.
D’abord, avec un programme de gestion interne, propre aux services de l’administration du Département, visant à améliorer nos pratiques en matière de réduction des déchets. Ensuite, nous avons appliqué cette logique à l’un de nos métiers les plus importants : l’action territoriale. Le Département s’est en effet donné pour ambition d’animer, d’informer et de promouvoir les actions éco-responsables en Côte-d’Or, son territoire de compétence. C’est une politique de médiation active, qui prend la forme d’opérations telles que le défi « Familles zéro gaspi, zéro déchets » pour accompagner les ménages, ou l’animation de la plateforme www.ecotidiens21.fr (une mine de bonnes pratiques à adopter), ou encore la réduction de l’usage des gobelets jetables et des sacs plastiques… »
DLH : Zéro déchet, n’est-ce pas le monde des Bisounours ?
F. S : Non ! Prenez l’exemple des gobelets réutilisables que nous distribuions, avant la pandémie (et j’espère bientôt) lors des concerts ou des festivals. Voilà un cas très probant. Il n’y aura bientôt plus que des gobelets lavables lors des rassemblements que nous soutenons ou accompagnons. Donc zéro déchet. Et cela impacte les mentalités, car chaque spectateur constate, lors de ces événements, que les gobelets qui circulent sont lavables et respectueux de l’environnement ».
DLH : La gestion des collèges est une des compétences des départements. En Côte-d’Or, qu’avez-vous mis en place pour sensibiliser les jeunes à l’écologie et au développement durable et, plus simplement, pour adopter des pratiques et habitudes plus vertes ?
F. S : « Je vais vous étonner : nous n’avons pas eu besoin de mener un effort de sensibilisation, car ce sont eux, les collégiens, qui ont pris à bras le corps la problématique de l’environnement. J’en ai vu beaucoup, et notamment pour cette rentrée scolaire. Nous avons distribué des gourdes en inox alimentaire aux 5 833 élèves rentrant en classe de 6e. Et le message est passé immédiatement : les bouteilles en plastique, nous n’en voulons plus !
Vous savez, l’an dernier, nous avons mené une grande consultation auprès des 24 000 collégiens de Côte-d’Or, intitulée « Comment voyez-vous la Côte-d’Or en 2050 ? » et les résultats sont sans équivoque. A 90 %, les collégiens de Côte-d’Or estiment que la préservation de la planète est un enjeu majeur, mais dans le même temps, et c’est très intéressant, ils sont moins de 40 % à avoir déjà participé à des actions de protection de l’environnement. Il faut les accompagner ».
DLH : Justement, quelles sont les actions les plus remarquables qui ont été réalisées par les collégiens côte-d’oriens ?
F. S : « A travers le programme agenda 21 scolaire, les collégiens réalisent, au sein de leurs collèges, des actions concrètes en matière d’économies d’eau, d’économies d’énergie, de réduction du gaspillage alimentaire ou encore en animant des jardins pédagogiques. Au total, on recense plus de 500 engagements de collégiens sur des actions de développement durable déposées sur la plateforme numérique des collégiens de Côte-d’Or.
Et les résultats sont là. Je ne vais pas vous abreuver de chiffres, mais il faut savoir qu’entre 2014 et 2019, le poids des déchets alimentaires a été réduit de -41 % dans les collèges. Entre 2012 et 2019, les consommations d’énergie (électricité, chauffage) ont baissé de près de -18 % et l’eau de -12 %.
Afin d’ancrer ces comportements dans la durée, nous avons décidé de donner un nouveau souffle à ce programme, désormais appelé « Génération(s) Ecollèges 21 » : 16 défis thématiques ont été actés cette année, au rythme du calendrier scolaire. L’un d’eux concerne la prochaine semaine européenne de réduction des déchets : il sera proposé aux établissements qui le souhaitent de s’engager dans le défi « rien ne se perd, tout se transforme » afin de mettre en œuvre des actions éprouvées ou innovantes dans le domaine de l’économie circulaire ».
DLH : Vous aviez mis en place, en son temps, un plan départemental de prévention et de gestion des déchets de chantiers du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP). La loi NOTRé du 7 août 2015 a transféré cette compétence à la Région. Est-ce une bonne chose ?
F. S : « La loi NOTRé n’est pas une bonne loi et je ne l’ai pas votée lorsque j’étais parlementaire, contrairement à François Patriat et ses amis qui essayent de le faire oublier. Cette loi s’est attaquée aux compétences du Département, il y avait une volonté de couper les Départements de tous liens avec des acteurs économiques clefs de leurs territoires. Absurde.
Cette loi nous a contraints à revoir notre intervention dans le domaine de la gestion des déchets du BTP. L’État avait transféré aux Départements cette compétence en 2011, puis l’État a demandé que le Département la transfère à la Région en 2015. Simplement, comme le Département de la Côte-d’Or avait commencé la révision de la démarche du plan de réduction des déchets des chantiers du BTP, nous avons été autorisés à poursuivre notre travail jusqu’à l’enquête publique. Le plan, qui a commencé son processus en Côte-d’Or, a fini par être approuvé à la Région en juin 2018. Certaines actions de réduction des déchets de chantiers et de réemplois de matériaux sont d’ailleurs mises en œuvre sur nos propres chantiers routiers, par mes services départementaux, avec le réemploi des déblais et remblais.
Ce que je note, c’est que les acteurs économiques du BTP ont beaucoup évolué dans ce domaine et sont très partants pour mener des actions de sensibilisation à l’économie circulaire. Je pense aussi aux entreprises adhérentes à la Chambre de Commerce et d’Industrie (avec qui nous conduisons l’opération « gourmet bag »), à la Chambre des Métiers et de l’Artisanat (promotion des métiers de la réparation, seconde vie des objets) et à la Chambre d’agriculture (valorisation des filières locales, recours à l’emballage durable des produits agricoles).
Preuve que l’écologie n’est ni de droite, ni de gauche : elle est du côté de ceux qui agissent ».
DLH : Le département de la Côte-d’Or connaît une faiblesse structurelle concernant la ressource en eau qui induit une gestion prévisionnelle de celle-ci par les services de l’Etat. Dès lors, était-il nécessaire d’aller au delà avec une stratégie spécifiquement départementale de l’Eau ?
F. S : « Chaque niveau de pouvoir intervient dans son champ de compétences et notre collaboration avec les services de l’Etat est bonne. Je m’en suis d’ailleurs entretenu avec M. Fabien Sudry, le nouveau préfet de Côte-d’Or et de Bourgogne-Franche-Comté, que j’ai reçu au Département. Nous avons abordé le dossier de la sécheresse, qui figure au rang de nos priorités communes, et nous sommes sur la même longueur d’ondes.
La question de l’eau, c’est le grand défi qui s’ouvre devant nous, et depuis plusieurs années. « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent » disait Albert Camus… Et la préservation de la ressource en eau est une priorité pour le Département de la Côte-d’Or. A l’heure où le réchauffement climatique produit ses effets sur le niveau, sur la qualité et sur les flux des eaux, nous avons doté notre Stratégie Départementale de l’Eau d’un budget de 10 M € sur 5 ans pour garantir un accès à l’eau pour tous et à un prix raisonnable.
Comme bien d’autres sujets, la gestion de l’eau est aussi une réponse à la problématique de l’équilibre territorial. Il faut bien garder à l’esprit que la grande majorité de l’eau distribuée dans la Métropole de Dijon provient des territoires ruraux, notamment le Val-de-Saône.
Pour atteindre notre objectif, nous avons identifié des sites stratégiques, qui constitueront de nouvelles réserves pour notre territoire et ses habitants. C’est le cas de la Boucle des Maillys, dans le Val-de-Saône, et du réservoir de Grosbois, qui alimente le canal de Bourgogne. Sur ce dernier emplacement, site majeur de l’Auxois, nous allons mener une étude expérimentale sur la gestion de l’eau en cas de canicules. Tout au long de la procédure, le dialogue sera maintenu avec les territoires.
J’insiste aussi sur le fait que notre laboratoire départemental, qui est un outil essentiel de notre stratégie, va poursuivre son effort de suivi quantitatif et qualitatif de l’eau en Côte-d’Or ».
DLH : Et là, vous faites parler votre expérience de président du comité de bassin Seine-Normandie ?
F. S : « Oui bien sûr, j’ai été élu à la tête du comité de bassin en 2014 et réélu en 2017.
Ce n’est pas très connu du grand public, et pourtant, le plan d’investissement en cours, que nous avons voté au Comité de bassin l’an dernier, se monte à près de 4 milliards d’euros ! Il permet de financer des travaux de renouvellements de réseau d’assainissement collectif, des réseaux d’alimentation en eau potable et la protection des captages, ainsi que des programmes d’aides aux agriculteurs, par exemple, sur tout le territoire couvert par l’Agence de l’eau, soit 28 Départements.
Cette année, compte tenu de la crise de la Covid-19, nous avons débloqué 140 M € pour financer un plan de reprise exceptionnel, visant à soutenir les investissements prioritaires pour l’eau et les milieux aquatiques. Je le dis aux maires de Côte-d’Or et aux présidents de syndicats techniques : les crédits sont là. Le plan de reprise est là pour soutenir vos projets d’assainissement et de gestion des eaux de pluie, mais aussi les projets de sécurisation des canalisations de l’alimentation en eau potable ».
DLH : Un schéma départemental des espaces naturels sensibles et de la biodiversité a été élaboré pour la période 2018-2025. Quels sont ses enjeux ?
F. S : « Dans un département très étendu comme la Côte-d’Or, d’une superficie de 8 763 km² (le 5e de France), la préservation du patrimoine naturel et paysager est un sujet sérieux. Certains de nos territoires remplissent des missions écologiques indispensables au maintien des milieux et des espèces animales et végétales remarquables. Je pense en particulier aux zones humides, qui permettent d’atténuer les effets des crues et qui sont de véritables puits de carbone, permettant d’atténuer les effets du réchauffement climatique.
C’est dans ce contexte que nous avons adopté un nouveau Schéma Départemental des Espaces Naturels Sensibles et de la Biodiversité pour la période 2018-2025, qui repose sur des principes clairs, pour conduire une politique cohérente et fédératrice : préserver la faune, la flore, les habitats naturels et les paysages patrimoniaux de Côte-d’Or, dans une démarche concertée avec les partenaires.
Ce plan nous permet de continuer à mobiliser les acteurs de terrain, à sensibiliser les habitants et à poursuivre la labellisation des Espaces Naturels Sensibles (ENS), que l’on compte au nombre de 9 aujourd’hui en Côte-d’Or.
DLH : Sur quels critères allez-vous retenir un site comme espace naturel sensible et qui va assurer cette sélection ?
F. S : « Le Département est responsable de la définition des Espaces Naturels Sensibles. A ce titre, il en attribue le « label » et vérifie régulièrement le respect des enjeux définis dans le Schéma Départemental des Espaces Naturels Sensibles. Il nous revient donc d’apporter aux acteurs du programme une assistance administrative, technique et scientifique, notamment au moment de la création de l’ENS.
Notre grille d’évaluation repose sur 3 critères, traduisant clairement les objectifs de la politique départementale en matière d’Espaces Naturels Sensibles : l’intérêt écologique, les potentialités du site en matière d’aménagement et de valorisation, et enfin l’intérêt paysager.
Ces critères mettent en lumière les sites abritant des habitats, une faune et une flore remarquables, ce qui permet de hiérarchiser nos sites ».
DLH : Le Conseil départemental de la Côte-d’Or emploie 2 600 agents. De quelle manière sont-ils sensiblisés à toutes ces questions environnementales ?
F. S : « C’est une question qui a toute son importance. Quand des mesures de bonne gestion concernent 2 600 personnes, cela a du poids dans un territoire comme la Côte-d’Or.
En gestion interne, notre objectif, c’est l’exemplarité. Cela commence par la formation des agents aux écogestes, la sensibilisation à la réduction des déchets, mais aussi la promotion du télétravail, qui évite les déplacements (avant le confinement, jusqu’à 200 agents étaient en télétravail, pendant le confinement, le chiffre est passé à 900). Les objectifs du développement durable sont pris en compte dans nos marchés publics, dès que nous le pouvons. Même chose dans l’entretien des routes, nos agents d’entretien n’ont plus recours aux pesticides depuis 2010, bien avant le vote de la loi d’interdiction durant le quinquennat de François Hollande.
Vous le voyez, en Côte-d’Or, nous n’avons jamais sous-traité l’environnement : nous en faisons, au quotidien, pour préparer demain ».
Propos recueillis par Jean-Louis Pierre
(Crédit photo : Philippe Gillet / CD 21)