Dijon est… « rebsaménienne », comme elle fut « poujadienne » précédemment. Et comme elle fut liée – c’est encore plus ancien – au chanoine Kir. 2001, 2008, 2014 et donc, maintenant, 2020… François Rebsamen a remporté quatre victoires consécutives aux élections municipales. Retour sur ce palmarès…
« Chacun vit pour garder le passé en vie, vivre le présent, donner vie au futur… » Débuter un article (dit politique) par une citation d’Edgar Morin, philosophe et penseur de la complexité, cela fait toujours bien. Surtout quand la suite se lit comme un compte-rendu sportif. Afin de mieux appréhender les résultats des élections municipales à Dijon, il est nécessaire de revenir sur le passé, que François Rebsamen, réélu lors du conseil d’installation par sa nouvelle majorité (43 voix), a su « garder en vie ». Un souvenir s’impose que les plus jeunes électeurs n’ont évidemment pas connu. 1998 ne fut pas que la première victoire de l’équipe de France à la coupe du monde de football… et le célèbre « Et 1, 2, 3… 0 ! » que scandait le stade de France à l’issue du match abouti de Zidane, Deschamps et consorts contre le Brésil de Ronaldo. 1998 fut aussi l’année où François Rebsamen – grand fan du ballon rond comme vous le savez – bâtit le socle de son palmarès aux municipales de Dijon. Un palmarès futur qui, depuis, a pris la forme de 4 victoires successives… Et qui lui a permis de devenir respectivement sénateur (il fut président du groupe PS dans la Haute Assemblée) mais aussi ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle sous la présidence de François Hollande… C’est, en effet, en 1998 qu’il remporta son premier succès aux cantonales sur Dijon V face, à l’époque, à l’un des joueurs principaux de l’équipe du maire RPR Robert Poujade, plus exactement son adjoint aux finances. Précédemment l’édile socialiste avait appris à encaisser les coups – et les revers – au milieu d’un terrain sur lequel les Poujadiens (et, de facto, la droite) pensaient avoir planté leurs crampons pour l’éternité. L’éternité ne dura que 3 ans…
En mars 2001, alors que Robert Poujade, maire depuis 1971, ne se représentait pas, François Rebsamen bouscula les us et coutumes locales… mais aussi et surtout l’ancien président RPR du Conseil régional de Bourgogne, Jean-François Bazin, sur le banc des remplaçants (battus), avec 52,14% des suffrages. C’est ainsi (avec 23 330 voix) que l’ancien conseiller de Pierre Joxe pouvait célébrer son premier but…
Des joueurs de différentes couleurs
Depuis cette date, François Rebsamen connut autant d’adversaires aux municipales que d’élections puisqu’aucun de ses challengers n’osa l’affronter deux fois de suite (c’est suffisamment rare pour le noter). En 2008, François-Xavier Dugourd fut le premier à tenter l’aventure, qui tourna court, puisque l’affaire fut pliée dès le 1er tour (56,22% et 27 365 voix). En 2014, le sénateur Alain Houpert fut brisé dans son élan, lors d’une triangulaire au 2e tour en présence du Front national. Avec 52,84% (24 646 voix), Dijon déroulait une 3e fois le tapis rose à François Rebsamen. Un rose comportant des nuances et même d’autres teintes puisque son équipe était composée également des écologistes et même du Modem…
Jusqu’à ce 4e succès, en 2020, où Europe Ecologie-Les Verts décida de jouer cavalier seul, avec le résultat que l’on sait : la France et des villes d’importance, comme Lyon, Marseille, Bordeaux…, se sont « verdies » et les 21,63% des suffrages, témoignant de solides pousses écologiques dans la capitale régionale, n’ont permis aux Verts que de décrocher la 3e place. Resteront-ils sur les bancs de « l’opposition constructive » (même si ce terme n’est pas du goût de Stéphanie Modde qui lui préfère celui d’ « avis divergent ou alternatif ») ? Ou bien, un jour prochain, réintégreront-ils la majorité ? Telle est l’une des questions dont personne n’a (pour l’instant) la réponse… Si ce n’est, bien sûr, François Rebsamen, qui, tel un capitaine avisé dans la distribution du ballon et des rôles, est passé maître, au fil des années, même dans le mercato des équipes adverses. Rappelez-vous le transfert de Danielle Juban, alors suppléante UMP du député Bernard Depierre, qui avait témoigné, en son temps, de ce pouvoir d’attirance…
Quant à cette campagne 2020, extraordinaire au sens littéral du terme, avec le Covid-19, et surtout l’épisode dit « tchétchène » dans le quartier des Grésilles, deux semaines seulement avant le 2e tour, elle avait tout pour faire trembler les plus aguerris des politiques.
Blessé, mais rendu plus fort
Conditions sanitaires obligent, l’abstention – on le savait – allait être au rendez-vous… et elle tomba véritablement comme un couperet : 66,6% d’abstention à Dijon le 28 juin, plus de 5 points supérieure à ce qu’elle fut dans toute la Côte-d’Or ! Si bien que François Rebsamen ne récolta que 11 646 voix, ce qui l’empêcha pas de sortir largement vainqueur avec 43,51%. Ses contempteurs y ont vu une érosion inhérente au temps qui passe. Mais ses amis, le maire sortant d’Auxerre, Guy Férez, battu, ou encore Martine Aubry, soumise au vent du boulet en ne s’imposant que de justesse dans son fief de Lille, n’ont pas manqué de l’envier.
Le maire sortant a dépassé d’un peu plus de 9 points et de 2 340 voix son principal challenger LR, Emmanuel Bichot, qui avait, pourtant, sorti l’artillerie lourde après les événements des Grésilles… Afin de tenter de récupérer une partie des électeurs du Rassemblement national, orphelins au 2e tour. Une stratégie « très droitière » qui n’a pas été du goût de François Rebsamen – et c’est un doux euphémisme – augurant de matches engagés, pour ne pas dire musclés, dans les enceintes municipale et communautaire…
Sur les deux décennies qui viennent de s’écouler, François Rebsamen n’a fait que deux infidélités à sa « belle Dijon », comme le chante si bien Yves Jamait. La première lorsqu’il est devenu ministre du Travail, rue de Grenelle, durant 17 mois. A la mort d’Alain Millot, son ami et premier adjoint qui l’avait remplacé durant cette période, il a fait le choix d’abandonner son destin ministériel pour revenir sur ses terres et retrouver son siège de premier magistrat, « Dijon étant, comme il l’avait écrit, son seul et véritable ministère de cœur ! » Sa seconde infidélité survint lorsqu’il dut lutter contre la maladie et le fléau du cancer, laissant le maillot de capitaine de la ville à Nathalie Koenders et celui de la métropole à Pierre Pribetich.
Comme tout grand joueur, blessé, après sa guérison, il revint plus fort… et n’envisagea pas de laisser sa place de titulaire. Les Dijonnais et les Dijonnaises lui ont, quant à eux, prouvé leur fidélité. Pour la 4e fois. Et 1, et 2, et 3, et 4… 0 !
Camille Gablo