Denys Chevillon : « Les collectivités pourraient accélérer les choses »

Interrogé sur la reprise ou non de l’activité immobilière, synonyme aussi de reprise économique, le président de la Chambre de Notaires de la Côte-d’Or, Denys Chevillon, tire la sonnette d’alarme quant aux délais d’instruction administratifs. Le notaire beaunois demande aux collectivités d’accélérer les choses…

Dijon l’Hebdo : Comment jugez-vous la situation immobilière actuelle post-déconfinement ?

Denys Chevillon : « Les notaires sont, en effet, témoins de l’activité économique sur lesquels reposent les grands enjeux actuels. Mais il est certain que ce sont les collectivités territoriales qui ont la clef d’une partie du redémarrage de l’économie et particulièrement de l’activité immobilière. Il faut savoir que faire un acte de vente de bien immobilier – maison, appartement… – donne lieu à des formalités administratives d’urbanisme particulièrement importantes qui vont conditionner la signature d’un acte ou d’un avant-contrat, une promesse de vente. Les délais d’instruction avaient été suspendus par une ordonnance de mars 2020 jusqu’au 24 juin et cela a eu un impact immédiat sur les déclarations d’intention d’aliéner notamment, celles-là mêmes que l’on fait aux collectivités locales, aux mairies, aux départements dans certains cas lorsque l’on vend un bien. S’il est situé dans le périmètre de préemption de la collectivité territoriale, il faut en effet purger le droit de la collectivité. Cette déclaration d’intention d’aliéner est adressée aux services qui instruisent le dossier afin de savoir si la collectivité va user ou non de son droit de préemption et elle a deux mois pour instruire et nous répondre. En période de confinement, cela avait été suspendu et il y a eu une cessation des autorisations immédiates. Une deuxième ordonnance au mois d’avril a tenté de limiter les conséquences et, dorénavant, les délais d’instruction en cours au 12 mars 2020 reprendront à compter de la date d’urgence sanitaire et pour la durée restant à courir ».

DLH : Ces deux mois d’attente pourraient-ils être raccourcis selon vous ?

D. C. : « Pourquoi attendre 2 mois pour nous répondre ? C’est le reproche que l’on pourrait faire aux collectivités territoriales. Ont-elles dans tous les dossiers une nécessité d’un délai aussi long qui représente tout de même une entrave à l’instruction et à la rapidité de la conclusion des contrats ? Et, de fait, à la reprise économique… Bien-sûr le droit de préemption urbain peut se justifier en secteur renforcé, en secteur historique, lorsque vous êtes dans le périmètre de Notre-Dame ou de la mairie de Dijon. L’instruction de certains dossiers dans des périmètres sensibles peut nécessiter plus de temps pour aller sur place, pour regarder. Cependant, dans la plupart des cas, cette affaire d’instruction pourrait être plus rapidement menée. Dans 99 % des cas, le titulaire du droit de préemption, principalement les communes, ne préempte pas mais ne notifie pas au vendeur sa non-décision, donc il faut attendre 2 mois. Quand à ce délai de purge se greffe le délai d’obtention d’un prêt, cela n’a pas d’incidence. Mais, parfois, l’on pourrait aller plus vite, l’acquéreur ayant déjà travaillé en amont son dossier de crédit. En un mois, je pense que bien des dossiers pourraient être bouclés. Cela permettrait une relance de l’économie d’autant plus que la collectivité locale touche chaque fois qu’il y a une mutation. Le Département perçoit 4,5% sur le montant du prix de cession, la commune 1,2%. Le fait que des transactions immobilières aient été stoppées a un impact sur les finances publiques et les collectivités locales. On pense que cela pourrait générer, au total, une baisse de 7,5 milliards d’euros en 2020 et, rien que sur le poste communal, 3,2 milliards d’euros. C’est sûr que les conséquences d’une baisse d’activité de 20 à 25% peuvent être dramatiques. Si bien que les collectivités locales aussi ont tout intérêt à accélérer les délais ».

DLH : Et qu’en est-il pour les permis de construire ?

D. C. : « Aujourd’hui, si un particulier signe une promesse unilatérale ou un compromis de vente pour un terrain à bâtir et qu’il veut construire, la vente est placée sous la condition suspensive de l’obtention du permis de construire. Le temps entre la signature de la promesse et l’acte définitif peut prendre jusqu’à 7 ou 8 mois. Les collectivités locales pourraient simplement par une réactivité plus importante influer de manière très sensible sur le redémarrage de l’économie. Cela permettrait de rattraper dans certains secteurs une partie du retard dû au confinement qui a paralysé les choses. Lorsqu’un notaire fait un acte, sachez qu’il doit vérifier l’état civil des parties. C’est très important. Des communes ne répondent pas à nos demandes d’état civil ou bien répondent 3 mois après, lorsque l’état délivré est périmé et il faut recommencer la demande ! »

DLH : Donc, en substance, dans ces circonstances exceptionnelles, un raccourcissement des délais de traitement des collectivités irait dans le bon sens. Tel est le message fort que vous adressez…

D. C. : « C’est déjà une question de bon sens… sans vouloir jouer sur les mots. Il faut raccourcir les délais ! »

Propos recueillis par Camille Gablo