Peut-on trouver son bonheur dans l’art ?

Qui ne s’est jamais senti éloigné ou interpellé par une œuvre d’art qu’il ne comprend pas ou qui le choque ? Le commun des mortels réagit bien souvent de la sorte face à une œuvre d’art ou un courant d’art qui semble déranger son entendement. L’art vient souvent s’inviter dans notre quotidien telle une bouffée revigorante ou au contraire anxiogène. Nous, voyageurs de passage sur la terre, avons régulièrement envie de pratiques artistiques ou découvertes culturelles. C’est sûrement que l’art nous permettrait une pause et un moyen de décompression tant attendu dans nos journées à cent à l’heure. Ainsi, la pratique artistique nous ferait du bien. En sommes-nous si sûrs ?

Ces derniers temps on fait resurgir chez beaucoup de personnes, une envie frénétique d’art. L’isolement et l’absence de relations sociales et palpables ont fait de l’art un besoin, une nécessité. Chez certains l’art était déjà un rendez-vous quotidien ou tout au plus hebdomadaire. Ces passionnés de l’art, ou publicains puristes qui aiment se donner un genre de connaisseurs échevelés et pointus, ont du revigorer leurs pratiques artistiques en se cantonnant à la pratique numérique de l’art. D’aucuns ont du faire le deuil de visites aux musées et expositions en tout genres. A partir de ce moment, nous avons compris que le bonheur de certains dépendaient de leur pratique récurrente de l’art. Ces personnes se sont trouvées comme isolées, ne pouvant pas partager leur passion artistique avec leurs pairs et se retrouvant forcées à comater devant leur écran d’ordinateur à défaut de visites guidées et souvent très techniques. Il est de bon ton de remercier ceux qui ont permis de maintenir l’accessibilité de tous à l’art via des nouveautés numériques.

A première vue, l’art nous rendrait heureux car nous pouvons profiter de lui. Il nous rend heureux à tous niveaux de profondeur : au niveau social, psychologique, existentiel et profond. Oui, l’art rend heureux, c’est même son devoir, enfin ce par quoi nous le recherchons et en avons besoin. Qui irait assouvir sa soif d’art tout en se faisant du mal ? L’art permet au contraire de rencontrer des personnes aussi passionnées que nous et parfois aussi étranges et incompréhensibles mais qui font notre bonheur. Ces rencontres informelles avec les artistes, ces personnes qui sortent des lignes tracées pour dénoncer les injustices ou seulement remettre de la vie dans les cœurs de ceux qui n’ont plus rien. Oui car lorsque nous n’avons plus rien qui nous rattache à la vie, seul l’art a la capacité de nous élever au plus haut de nous-mêmes pour nous transcender et nous faire goûter un instant d’éternité. C’est pour rester plus forts psychiquement que l’art vient nous relever car nous choisissons l’art que nous voulons aimer. L’être humain a cette capacité de choix, il veut son bonheur, il en choisit la façon sans oublier de se laisser surprendre. Notre existence est ainsi tout irradiée des rayons de l’art et en nous, ce bonheur tant attendu et recherché, trouve son accomplissement. C’est ce que nous faisons de l’art qui nous rend heureux.

Cependant, quel homme accepterait d’être dépendant de quelque chose pour être heureux ? Et si nous n’arrivions pas à bien utiliser l’art ? Celui-ci pourrait-il se retourner contre nous ? Manipuler l’art est réservé à des connaisseurs : « Etre questionnée, interpellée, émue, émerveillée, c’est ce que je recherche dans une œuvre », nous dit Claudie Gallay dans Détails d’Opalka. Voilà ce que peut apporter l’art et le bonheur ne semble pas loin. Encore faut-il accepter de se laisser toucher et transformer. Bien souvent, nous sommes perplexes devant ceux qui se sentent si familiers de l’art et leur hauteur nous effraie. Nous croyons qu’il faut des codes, certaines techniques et moments favorables pour comprendre l’art qui nous entoure. Cette incompréhension peut rendre malheureux. Une mauvaise interprétation de l’art peut nous faire envisager un retournement de l’art contre nous. Comme si l’art voulait notre malheur. Non, tout homme prêt à être bousculé mais pour changer et devenir meilleur, doit être prêt à ces attaques artistiques. Mais voyons le bon côté des choses, l’art ne pourrait jamais se permettre une attaque personnelle contre nous, c’est nous qui le maîtrisons. Nous sommes maîtres de nos pensées, bien souvent attaqués par les blessures du passé mais pleins de bonne volonté. Pour cela n’ayons pas peur de nous faire aider par une médiation artistique adaptée. Souvent les artistes utilisent des moyens forts pour exprimer leurs pensées. La première émotion face à l’œuvre attaquante peut être la révolte ou la peur. Ne nous laissons pas aller à ces considérations mais osons aller plus loin. Non l’art n’est pas réservé à des connaisseurs qui auraient des codes précis. L’art se veut accessible à ceux qui en ont la volonté, non aux élus prédestinés.

Pour conclure, j’avoue, je crois en l’art comme vecteur de bonheur. Restons libres face à notre rapport à l’art. S’il nous apporte du bonheur, gardons-le. Si au contraire, le malheur emporte notre cœur car nous devenons dépendants de cet accès à l’art ou que nous ne le comprenons pas, fuyons ou osons une descente au plus profond de nous pour y découvrir les clés de lecture que nous avons tous.

Constance Sabatier