Le Covid-19, ce héros noir d’un théâtre d’ombres, a déclenché un tomber de rideau sur la vaste scène de la culture. Bon nombre de troupes, d’orchestres, de formations musicales, d’artistes ne se remettront pas d’un confinement qui s’avère d’ores et déjà létal. Le grand Beckett avait eu l’idée prémonitoire de « Fin de Partie » qui reste son œuvre magistrale. La pandémie vient d’en jouer le remake que l’on sait. Or absurde pour absurde – et là, je n’en reviens pas – se déconfiner, se laisser reprendre au jeu du retour à la vie dite « normale », ou donner la réplique à son voisin de palier relève d’un art de communiquer évaporé en 55 jours. S’extraire du huis-clos « coronavirien » en brisant le cordon sanitaire – qui nous avait bel et bien ficelé la langue dès la mi-mars – exige une sacrée maestria, une virtuosité incroyable. Refaire son théâtre de rue avec un « bonjour, il fait beau aujourd’hui », tout comme donner de la voix pour se plier à la « distanciation physique » demande de l’effort. Tudieu ! Adieu aux concerts endiablés des oiseaux Porte Guillaume, à tout un centre-ville soumis à la règle du silence. Pour certains acteurs récalcitrants au déconfinement, le dernier acte de ce printemps 2020 semble bien impie, tant il leur est difficile de se réhabituer à la respiration bruyante et saccadée d’un Dijon rendu à « la vraie vie et aux vrais gens ».
Marie France Poirier