La recherche dans l’ADN du CGFL

Le congrès de lAmerican Society of clinical oncology de Chicago, plus connu sous son acronyme ASCO, représente le rendez-vous incontournable pour les chercheurs du monde entier luttant contre le cancer. A l’occasion de la récente édition 2020, qui s’est naturellement tenue virtuellement, le Centre Georges-François-Leclerc, dirigé par le Pr Charles Coutant, a encore fait parler de son efficience dans le domaine. Et ce, notamment avec une communication orale sur une étude (Medi-Treme) initiée par le Pr François Ghiringhelli susceptible de révolutionner le traitement du cancer du côlon.

Même sil a été relégué au second plan depuis des semaines, Covid-19 oblige, le cancer continue de faire des ravages. Fort heureusement, la recherche dans le domaine na de cesse de progresser. Et, notamment, à Dijon au sein du Centre Georges-François-Leclerc, où celle-ci bénéficie dun budget de 10 Mpar an et mobilise 138 personnes (médecins et scientifiques). A loccasion du congrès de lASCO (American Society of clinical oncology) de Chicago, le rendez-vous incontournable des oncologues du monde entier qui sest tenu du 29 mai au 2 juin (virtuellement évidemment cette fois-ci), lexpertise du CGFL a une nouvelle fois été reconnue. « Nous avons été très bien représentés, avec une étude majeure en communication orale, autrement dit au plus haut niveau, Medi-Treme, portée le professeur François Ghiringhelli. Cest très rare davoir un tel niveau de reconnaissance internationale. Cinq autres présentations du CGFL (dites, outre-Atlantique, Posters Sessions), portant sur nombre de thématiques différentes, tels le sein, le mélanome, le sarcomeont également eu lieu. Cela démontre limportance de notre établissement dans le domaine de la recherche, qui est lune de nos trois missions avec le soin et lenseignement », a commenté le professeur Charles Coutant, directeur général du CGFL, qui a également insisté sur un chiffre majeur : « Près de 1000 patients sont inclus cette année dans un essai clinique. Soit 22% du nombre total de patients, ce qui nous place à la 2e position en France. Cest fondamental parce que cest le reflet direct de laccès à linnovation. Les études changent les pratiques avec, notamment, de nouveaux médicaments qui améliorent considérablement le pronostic de certains cancers. Le fait d’être inclus dans ces essais permet aux patients davoir la molécule avant tout le monde ».

« Les règles de l’art »

Quelle soit fondamentale, clinique ou translationnelle (transfert de ce qui est trouvé sur la souris à lhomme), la recherche est dans lADN du CGFL, seul centre de lEst de la France à être labellisé phase précoce, sinscrivant dans la nouvelle unité créée : IRIP (Innovation et recherche en immunothérapie et phase précoce). « Nous sommes aujourdhui visibles dans la recherche dans à peu près tous les organes sur lesquels nous intervenons : le sein (36,2% des cancers traités), le poumon (10%), le digestif (14,6%), luro (12,1%), la gynéco, avec notamment lovaire (7,6%), lORL (6,1%), le sarcome (2,2%), le mélanome (1,9%), lhémato (1,4%)… », na pas manqué de développer Charles Coutant, non sans évoqué lactualité liée au Covid : « Nous avons déconfiné le CGFL en début de semaine dernière afin que les patients puissent avoir accès au diagnostic, à la prise en charge optimale de leur cancer. Notre objectif a toujours été que la mortalité liée au cancer ne devienne pas plus importante que celle inhérente au Covid. Nous avons adapté les modalités de traitement mais très vite nous nous sommes dits quil fallait retraiter les patients dans les règles de lart. Aujourdhui, nous proposons toutes les modalités de traitement davant-Covid ». Comme il lavait déjà fait dans notre dernier numéro, le directeur général a réitéré un appel : « Il faut juste aujourdhui que les malades aillent se faire dépister, se faire diagnostiquer et traiter. Et ce, peu importe où ! Tout lenjeu est d’éviter que le cancer ne progresse… »
En tout cas, à Dijon et même à Chicago , le CGFL fait tout pour vaincre le cancer qui, rappelons-le, est à lorigine denviron 9 millions de décès par an. Nous en sommes encore loin avec le Covid

Camille Gablo

Medi-Treme : La communication phare du CGFL à Chicago

Limmunothérapie est une vraie révolution dans la prise en charge des patients. Les équipes du Pr François Ghiringhelli se sont intéressées aux patients atteints dun cancer du côlon (tumeur MSS, soit 96% de ce type de pathologie), deuxième cancer le plus meurtrier dans le monde. « 7 à 8 centres en France ont participé à cette étude dont nous sommes, avec le professeur Jean-David Fumet, à lorigine ici au CGFL. Nous avons inclus 56 malades dans cette étude, proposant un traitement par chimiothérapie standard associé à deux médicaments dimmunothérapie afin de favoriser la réponse immunitaire contre la tumeur, en réversant, notamment, les résistances à limmunothérapie. Sur les 16 premiers malades, ont été observés un fort taux de patients répondeurs et une forte induction de la réponse immunitaire anti-tumorale. Ces taux de réponse sont très encourageants ». Ces données semblent valider le concept que des associations de chimiothérapie et dimmunothérapie peuvent être efficaces sur ce type de maladie. Cela peut changer les pratiques dans le monde entier… « Nous avons la chance ici davoir un directeur qui nous aide à avoir accès aux nouvelles molécules, ce qui nest pas le cas partout. Nos malades peuvent ainsi bénéficier de ces innovations », a souligné le professeur Ghiringhelli. Les résultats de cette étude sont attendus pour lannée prochaine.

Les grandes avancées

Cancer du sein

Vis à vis de ce type de pathologie, 3 études clés ont été dévoilées à lASCO.
Pour le cancer du sein HER2+ avec métastases cérébrales, on se dirige vers un changement de traitement standard, l’étude de phase 2 Her2climb confirmant lefficacité dune molécule ciblant un récepteur fortement exprimé à la membrane des cellules cancéreuses (Tucatinib).
En ce qui concerne le cancer du sein triple négatif, l’étude MK355 montre une efficacité modeste mais certaine de limmunothérapie précoce avec la chimiothérapie. Lenjeu est donc dans les prochaines années de personnaliser cette immunothérapie

Enfin, pour les cancers du sein avancés, les chercheurs français ont développé des outils innovants afin d’étudier le génome pour mieux comprendre la résistance à certains traitements comme les thérapies ciblées ou limmunothérapie. Des traitements à la carte en fonction des profils génétiques pourraient ainsi voir le jour.

Cancer de la prostate

L’étude Condor met en avant le développement dune molécule innovante capable à la fois d’être un excellent traceur en médecine nucléaire pour détecter la maladie lors des rechutes et aussi une molécule thérapeutique.
L’étude Hero montre que le traitement par hormonothérapie peut être administré par voie orale plutôt quen injection sous-cutanée, ce qui engendrerait moins de toxicité pour le patient.

Cancer de la vessie

L’étude Javelin Bladder 100 démontre un nouveau standard de traitement dans les formes avancées avec une immunothérapie seule après réponse obtenue par la chimiothérapie dinduction. Une amélioration de la survie globale a été observée.

Cancer du poumon

Lessai Adaura est une étude majeure pour les patients opérés et porteurs dune altération oncogénique de lEGFR. Lassociation dune double immunothérapie présentés dans 2 essais pourrait devenir un nouveau standard.

Mélanome

Le traitement des mélanomes métastatiques avec les thérapies ciblées et limmunothérapie est devenu un standard depuis environ un an. A ce jour, un suivi à plus long terme permet daffirmer une très bonne efficacité de ces traitements après la chirurgie des ganglions. Plusieurs études ont également testé lefficacité avant du traitement dimmunothérapie avant la chirurgie, ce qui devrait là aussi changer les pratiques en clinique.

Cancer gynécologique

Parmi les nombreuses actualités présentées à lASCO, trois messages principaux concernent la prise en charge du cancer de lovaire. L’étude Desktop III est la première étude chirurgicale démontrant un bénéfice significatif de la chirurgie dans une situation de rechute. Lactualité des données de survie globale de l’étude Solo 2 confirme leffet majeur des inhibiteurs ciblant une voie spécifique dans la cellule cancéreuse. Malgré les résultats décevants de limmunothérapie dans les cancers de lovaire, le développement de nouvelles thérapies innovantes comme des anticorps bloquant le folate en association avec une molécule qui, elle, stoppe le développement de vaisseaux sanguins dans la tumeur (bevacizumab) ouvre des perspectives prometteuses.

Cancer du rectum

Une étude française (Prodige 23) et hollandaise (Rapido) font actuellement changer la prise en charge de cette pathologie. Depuis 25 ans, le traitement de ce cancer comprend un traitement de radiothérapie suivi de la chirurgie puis de chimiothérapie. Ces études montrent que proposer la chimiothérapie avant la chirurgie permet daméliorer lefficacité du traitement (diminuant le taux de rechute) et de raccourcir sa durée.