Réouverture des restaurants : Le déconfinement… à déguster sans modération
Véritable symbole de la (presque) liberté retrouvée, la réouverture des restaurants était attendue. Par les professionnels, c’est certain, ceux-là mêmes qui viennent de traverser des mois de disette, mais aussi par les clients… Certes, comme nombre de chefs le soulignent, il faudra encore patienter pour recouvrer la fréquentation habituelle mais tout (vraiment tout) a été fait – et l’on ne parle pas seulement du protocole sanitaire – pour que Dijon et la Bourgogne redeviennent des lieux gastronomiques par excellence… Retour (gourmand) sur la première semaine où a été dégusté le déconfinement.
Les inconditionnels de Coluche (qui aurait renvoyé à ses chères études Bigard et son récent appétit pour la présidentielle), se sont, qui sait, rappelés aux bons souvenirs de L’Aile ou la Cuisse lors de la réouverture des restaurants. Un événement fort attendu en Bourgogne Franche-Comté qui quittait enfin le rouge (et l’on ne parle pas du breuvage qui coulait à flot dans le film de Claude Zidi !) pour le vert libérateur…Un événement symbolique du véritable déconfinement pour toutes et tous et de la convivialité retrouvée (dans les règles sanitaires et de distanciation sociale bien sûr…) Espérée par tout un secteur qui avait dû dire promptement adieu à ses clients ainsi qu’à son chiffre d’affaires, dès le samedi 14 mars à minuit, l’autorisation gouvernementale du 2 juin s’est apparentée à une véritable libération.
Eu égard au véritable casse-tête du protocole sanitaire, la réouverture totale s’est quelque peu espacée (elle aussi) dans le temps mais tous les établissements ont dorénavant repris leur envol (L’Aile) et peuvent désormais redonner libre cours à leur inventivité culinaire (La Cuisse).
Ayant lancé, durant ses parutions virtuelles et au plus fort de la pandémie, l’opération « Sauvons nos restos… et nos bistrots », afin d’être solidaires avec une profession particulièrement impactée, la rédaction de Dijon l’Hebdo, qui édite chaque année le guide Dijon Gourmand déroulant le tapis rouge, pardon la nappe, aux plus belles tables locales, est heureuse des sourires retrouvés. Certes, le « monde d’après n’est plus tout à fait comme le monde d’avant », puisque les masques, le gel hydroalcoolique et les distanciations physiques font aussi partie de ce retour aux affaires. Tout comme les Drive que certains restaurateurs ont développés durant le confinement et qu’ils entendent poursuivre, devant le succès rencontré…
Le Drive éco-responsable
C’est ainsi le cas pour l’établissement emblématique de la gastronomie bourguignonne, Chez Guy (and Family), qui a créé un Click and Collect grâce auquel vous pouvez également vous procurer les savoureux plats de saison du chef Yves mais aussi les vins ou boissons bio pour les accompagner. Sans omettre de superbes produits de partenaires bien connus tels le chocolatier dijonnais Jonathan Pautet ou encore la fromagerie Delin à Gilly-lès-Cîteaux. L’éco-responsabilité est également de la partie, le packaging étant même réalisé à base de fibre de canne. C’est ainsi que la cuisine de Chez Guy (and Family) peut autant être appréciée… chez Guy à Gevrey-Chambertin… ou chez vous ! A l’occasion du dimanche de la Fête des mères, les clients se sont autant pressés (à plus d’un mètre de distance naturellement) dans ce restaurant que sur le site Internet.
A quelques kilomètres de là, à Fixin plus précisément, Le Clos Napoléon et sa cuisine traditionnelle ont retrouvé également leurs habitués inconditionnels, tout en maintenant un service de vente à emporter ou de livraison. « Le dressage aéré fait que nous ne perdons pas énormément de tables à l’intérieur et nous avons agrandi la terrasse (ndlr : magnifique au cœur des vignes) sur le parking, si bien que nous pouvons accueillir nos clients dans les meilleures conditions. Pour rentrer ou se déplacer, nous fournissons des masques et nous sommes particulièrement vigilants. Cela fonctionne très bien », commente José Gonzalez, qui, avec son collègue Gérald Ulmann, ainsi que la start-up dijonnaise BWA (Business Web Agence), est à l’origine d’une application révolutionnaire et adaptée à la situation : se dénommant fort justement Klean, elle permet aux clients, grâce simplement à leur Smartphone et à un QR Code ou à la géolocalisation, d’avoir accès au menu virtuel. Mais pas seulement puisque « cette avancée digitale très simple d’utilisation développera, entre autres, un véritable échange qualifié avec le client… »
Dans le vieux bourg de Chenôve, le chef François Simon, à l’Auberge du Vieux Pressoir, dont les célèbres ris de veau croustillants aux girolles ont pu être à nouveau dégustés sur place à partir du 4 juin, a préféré, quant à lui, s’inscrire dans la tradition (tout comme sa cuisine) en optant pour « des porte-menus sur table désinfectés après chaque service ». « Le dimanche de la Fête des Mères, nous avons été complets tout en préparant pas moins de 30 repas à emporter », se félicite le chantre des produits frais installé au commencement de la Route des Grands Crus, qui tient à remercier la municipalité de Chenôve pour son soutien, celle-ci lui ayant offert le loyer durant les mois d’inactivité.
Quid de la clientèle touristique ?
A Dijon, Alexandre Hulin, qui a fait, notamment, du Grill & Co, autour du marché, une adresse incontournable, souligne également « les efforts faits par la mairie » : « On a besoin de la Ville et la Ville a besoin de nous. Si tout le monde s’engage, cela va repartir. Nous avons mis en place le protocole sanitaire comme de bons petits soldats et nous gardons le sourire. Les menus et les cartes sont, ainsi, sur des sets de table ou accessibles par QR Code », explique celui qui n’a pas son pareil pour travailler la viande maturée. Non sans revenir sur les premiers jours : « Nous avons bricolé. Nous avons ainsi fait 30 à 40% de couverts en moins le jeudi. L’Etat, les collectivités, la Ville nous aident mais ils ne peuvent pas nous apporter du monde. Il va y avoir une période encore difficile à gérer. On ne perd pas le cap, on y croit mais nous devons être vigilants ! »
Tout en regrettant que la météo n’ait pas été au rendez-vous, Guillaume Bortolussi, dont l’établissement place de la Libération porte magnifiquement son nom – Le Café Gourmand –, tient le même discours : « Cela redémarre mais nous sommes évidemment en dessous des chiffres de l’année dernière. Nous prenons les difficultés les unes après les autres. La Ville nous a autorisés à élargir la terrasse et, à l’intérieur, nous avons plus d’un mètre entre chaque table ». Et celui dont la connaissance vineuse n’a d’égale que son goût pour la convivialité d’ajouter : « La grande question résidera dans la présence ou non de la clientèle touristique, sachant que celle-ci représente 50 à 60% de notre chiffre d’affaires estival ».
A Arc-sur-Tille, au restaurant Les Marronniers, où la solution des menus sur set de table jetable a été retenue, et où 20 couverts ont été retirés en salle, « la première semaine s’est bien passée ». Comme le met en exergue Mathieu Bouvier : « Nous avons fait le plein pour la Fête des Mères. Les gens ont joué le jeu et nous avons retrouvé nos clients fidèles ». Des habitués qui ont, comme à leur habitude, apprécié les fruits de mer, notamment le homard, spécialité de la maison, mais aussi la nouvelle carte estivale éditée pour l’occasion. Là aussi, le service de vente à emporter perdure… « au moins jusqu’au 31 décembre ». Et la terrasse des plus spacieuses, unique en son genre, avec son mobilier en pierre, s’apparente à un atout considérable.
Comme on vient de le voir, même si des nuages persistent, le soleil perce à nouveau au-dessus de la tête des restaurateurs, sans qui la notoriété de Dijon, Cité internationale de la Gastronomie et du Vin, rappelons-le, et de la Bourgogne, ne serait pas la même. Le cœur des restos bat à nouveau, aurait pu dire Coluche !
Camille Gablo