Le directeur Olivier Lévy de la libraire dijonnaise Gibert ne manque pas de rendre hommage à « la fidélité de ses clients » qui sont au rendez-vous du déconfinement. Beaucoup d’entre eux attendaient avec impatience la réouverture de cette enseigne historique… qui représentait, après la (longue) retraite du confinement, une première victoire contre le Covid-19. Vous nous permettrez de la comparer au franchissement du Pont d’Arcole par Napoléon Bonaparte…
Evoquer, en guise de prologue de cet article sur la réouverture (tant attendue) de la librairie Gibert, Napoléon Bonaparte, représente un véritable paradoxe. Et, pour cause : l’empereur n’avait que peu d’estime pour les grands écrivains qu’il qualifiait de « radoteurs estimés ! » L’auteur du coup d’Etat du 18 brumaire craignait il est vrai moins les champs de bataille que le monde de la plume : « Je redoute trois journaux plus que 100 000 baïonnettes ! » Le paradoxe est le suivant : c’est sous son règne que les bouquinistes ont conquis Paris, en se répandant du quai Voltaire au Pont Saint-Michel. Eh oui, comme quoi, l’histoire peut être à double tranchant (comme les baïonnettes… et les pamphlets) : en embellissant les quais de la Seine, Napoléon 1er a conféré aux marchands de livres ce qui allait devenir la première librairie de l’Hexagone… à ciel ouvert.
Vous vous interrogez, qui sait, sur le lien avec Gibert, si ce n’est, peut-être, le fait que cette anecdote doit, à n’en pas douter, être contée dans l’un des ouvrages que vous pouvez, depuis le 11 mai dernier, acquérir à nouveau en présentiel dans cette belle enseigne dijonnaise. Il en existe un autre qui lui aussi appartient à l’histoire : c’est sur le parapet du quai Saint-Michel qu’ont été écrites les premières lignes de l’aventure Gibert puisque c’est le long de la Seine que le professeur de lettres classiques, Joseph Gibert, en provenance de Saint-Etienne, a ouvert, en 1886, ses quatre premières boîtes de bouquinistes face à Notre-Dame. En 1962, l’empire du livre qu’il a laissé débarqua dans la Cité des Ducs…
Après ce saut (culturel) dans le passé, revenons au présent où les grognards ne sont plus les soldats de l’empereur mais les soignants et où le péril n’est plus à nos frontières mais est devenu mondial : le Covid-19. Fermée dès le samedi 14 mars à 19 heures, la librairie Gibert a, enfin, rouvert ses portes dans le strict respect des règles sanitaires dès le premier jour du déconfinement. Pour le plus grand bonheur des inconditionnels du livre. Et ils sont nombreux… « Nous avons retrouvé nos clients. Et je tiens à les remercier de leur fidélité », se félicite le directeur Olivier Lévy, qui ne manque pas d’insister : « C’est encore plus capital sachant que nous sommes encore, rappelons-le, en zone rouge. Nous avons privilégié la santé de nos clients mais aussi de nos équipes, si bien que nous sommes passés d’un drive au système de la vente/demande avant d’arriver à l’ouverture totale ». Avec, naturellement, le port du masque obligatoire, l’application de gel hydroalcoolique avant de rentrer, la création d’un sens de circulation et le respect des gestes barrière ainsi que de la distanciation sociale, les différents étages vous révèlent à nouveau leurs trésors. Le neuf et l’occasion – c’est la méthode du groupe Gibert, qui, depuis l’origine, a œuvré pour proposer un large choix d’ouvrages au plus grand nombre grâce à des prix accessibles – sont, à nouveau, disponibles.
L’épilogue à cet article s’impose de lui-même et Napoléon 1er ne nous en voudra pas de mettre un (petit) coup de baïonnette dans l’une de ses formules les plus célèbres : « Du haut de chez Gibert, 134 ans (de l’histoire du livre) vous contemplent ! » N’hésitez pas ainsi à vous rendre dans cette pyramide culturelle…
Camille Gablo