Roule, ma poule !

Selon que l’on soit riche ou pauvre, selon qu’on aime lire ou pas, selon qu’on soit ou non un as du bricolage et du jardinage, nous vivons tous diversement le confinement. Pourtant se détache une dominante : le besoin ressenti fortement pour les personnes souffrant de la « distanciation physique » d’avoir un animal de compagnie et d’en acquérir un au plus vite. Les esprits classiques opteront pour un chien ou un chat ; les enfants, les farfelus s’orientent vers d’autres choix : hamster, rat, souris blanche, poisson rouge ou tortue. Les Tartarin de Tarascon - un rien friqués - essaieront de se procurer de façon illicite un singe miniature, un python de poche ou un mini guépard de salon… Ah ! Vous êtes écolo vert bon teint ou une âme hantée par une possible pénurie alimentaire ? Alors s’offre à vous le choix de la poule pondeuse – paraît-il sympa si affinités avec le foyer d’accueil ! L’engouement pour cette bestiole depuis l’apparition du Covid-19 est tel, que les volaillers ne parviennent plus à satisfaire les demandes. C’est ainsi qu’une fermière de la campagne nantaise, interviewée sur France info, narrait son stress : la voilà surbookée et « en quasi rupture de stock » (sic)...

Plus alarmant encore : l’afflux des clients de la région a perturbé les quelques poules qu’elle avait réservées pour son propre usage, au point qu’elles ne pondent plus… Ajoutons que le changement de paysage pour une poule n’est pas simple ! Madame la gallinacée ne se remettra à son job de pondeuse qu’une fois surmontée une phase d’acclimatation plus ou moins longue. Du coup, des acheteurs impatients ont tenté de recaser les poules grévistes à ladite fermière qui, bien évidemment, n’en a eu cure.

Morale de la fable : il arrive que l’impatience tue la poule aux œufs d’or… Osons une embardée jusqu’au Groupe La Poste - toujours aussi peu soucieux de l’acheminement ainsi que de la distribution du courrier. Depuis l’apparition du Coronavirus, ses dirigeants ont mis tous leurs œufs dans le même panier - cf la Banque Postale. Rien n’est trop beau, ni trop cher pour faire monter les œufs en neige de la filiale bancaire : on ne compte plus les spots publicitaires sur les radios et à la TV qui mettent l’accent sur des prêts aux artisans ou aux PME en difficulté, tous accordés au nom de la solidarité nationale, et en raison d’un sens de l’humain et de la générosité. A en croire la pub, les banquiers de la Poste seraient les nouveaux philosophes, les philanthropes de l’actuelle décennie ! Je m’attends donc que, opérant un retrait sur l’un des automates de la Poste Grangier, il m’échoit des billets de 50 € à l’effigie de l’Abbé Pierre ou de Mère Theresa...

Marie-France Poirier