Confinement oblige, Pierre Pertus n’a pas eu d’autres choix que d’annuler ses conférences organisées dans le cadre du cycle « les secrets et mystères de l’art » que ce soit à Sciences Po ou au Darcy Comédie. Mais plutôt que d’attendre une hypothétique éclaircie dans cette crise sanitaire sans précédent, il a décidé de conserver le lien avec les quelque 400 personnes qui ont pris la bonne habitude de le suivre en leur envoyant par mail texte et photos des conférences que le Covid-19 avait menacées. Suivez le guide ! C'est une boîte à idées à lui tout seul.
Toujours apprendre, toujours comprendre, toujours transmettre… Ce pourrait être la devise de Pierre Pertus. Le directeur de l’OPAD est aussi connu pour la qualité de ses interventions sur l’art en général et la peinture en particulier. Et plus il sait, plus il partage. Pour nous en faire voir de toutes les couleurs, des mille aspects de la peinture. Et pour situer dans le temps cette volonté de transmettre, il faut remonter à une vingtaine d’années à la suite de la lecture d'un ouvrage d’un grand commis de l'Etat qui a dédié sa vie personnelle et professionnelle à la culture et signé en 1998 un ouvrage, « Richesses invisibles. Que nous apporte la culture ? ».
Avec Pierre Pertus, l’esprit qui cherche à savoir et à comprendre ne s’emmurera jamais dans de stériles convictions. « J'aime cette idée d 'ouvrir quelques portes vers des oeuvres d'art majeures du passé ou du présent afin de permettre ,voire de faciliter, leur appropriation par un public intéressé ou curieux de peinture de la Renaissance à nos jours. Car une oeuvre ne vit et ne prend du sens que lorsqu'une personne va à sa rencontre et procède à un travail actif d'interprétation notamment ».
Et donc plutôt que de faire la queue devant l’expo du moment, Pierre Pertus vous fait entrer par la porte de côté. Et même en cette période de confinement, il va déposer, via nos boîtes mail, dans nos musées imaginaires de quoi régaler l’esprit, le coeur et les sens. Son ambition ? Il se plait à la « dépeindre » ainsi : conserver intacte et transmettre l’émotion qu’éprouve le visiteur d’une exposition ou d’un musée, et permettre à son auditoire d’aller au-delà en saisissant les voies par lesquelles l’artiste a suscité une œuvre capable de produire, chez celui qui la regarde, émotion et plaisir. A l’écouter, et désormais à le lire, on ne s’ennuie jamais. Ses textes vont permettre de se rapprocher du peintre, d’entrer dans son atelier et de suivre le cheminement méthodique de sa création. Mais aussi mieux pénétrer dans l’intimité des tableaux.
Un exemple ? Et là, Pierre Pertus est intarissable. « Un spécialiste de la peinture de Fragonard dit un jour que dans toute la partie gauche du tableau « Le Verrou », il n’y avait « rien ». Ce tableau est l'exemple même de « l’innommable » en peinture » explique-t-il. « Pour comprendre le projet de Fragonard dans cette petite huile de 1777 exposée actuellement au Louvre, il faut avoir à l'esprit que l'oeil ne voit que ce que le cerveau lui commande de voir. Le tableau suggère plus qu'il ne décrit et fait du spectateur le voyeur d'une scène torride. Deux amants vont-ils s'adonner à des jeux érotiques ou ont-ils déjà fait l'amour dans le lit défait ? La jeune femme résiste -t-elle vraiment, est-ce une scène de viol ? Fragonard ne donne pas la clef de l'énigme, mais fournit maints détails symboliques ou suggestifs qui rendent l'oeuvre fascinante ».
Et d'où vient cet intérêt pour la peinture ? « Pour l'art en général ! » s’empresse de répondre Pierre Pertus. « Avec la poésie, je crois pouvoir dater ma passion pour la peinture de la découverte vers mes quinze ans d'André Breton et de son oeuvre essentielle dans l'évolution du regard au XXe siècle. J'avais été fasciné par la controverse entre Breton et Roger Caillois dite « Querelle des pois sauteurs mexicains ». Tenant de l'exploration scientifique préalable, Caillois préconise l'autopsie des haricots. Breton qui préfère jouir du mystère que de le dissiper s'oppose absolument à la dissection. En réalité, je suis convaincu que les deux voies sont complémentaires. Certains accèdent d'abord à l'art par l'émotion qu'ils ressentent devant une oeuvre ; d'autres, d'emblée peu sensibles à la facture, par la compréhension de l'oeuvre et du projet de l'artiste. Une magnifique formule de Bruno Ory-Lavollée résume cela mieux que je ne pourrais le dire : « Si l'art pénètre par nos sens, c'est pour atteindre les zones de l'émotion et de l'esprit, où le plaisir des sens s'enrichit du plaisir du sens ».
Plaisir des sens, plaisir du sens. Cherchez, découvrez, apprenez et transmettez… Il en restera toujours quelque chose d’utile. C’est la conviction de Pierre Pertus. Alors laissez vous aller. Il vous entraînera là où il a choisi de vous emmener. Et vous ne le regretterez pas !
Jean-Louis Pierre