Dijon l’Hebdo : Vos deux sites continuent de fonctionner si bien que vous avez la chance d’échapper pour l’instant à la récession économique…
Jean-Dominique Caseau : « Nous avons en effet un cahier des charges que je qualifierais de normal jusqu’à fin avril et les perspectives sont aussi encourageantes. Notre seule activité qui, forcément, est à 0 pointé est celle destinée aux cafés, hôtels-restaurants. Mais celle-ci est à la marge. L’activité principale de Lejay-Lagoute est tournée vers le Japon. Nous avons un étalement mais nous devrions retrouver les chiffres de l’année dernière pour le mois de mai. Et le Japon représente tout de même deux tiers de l’activité, 3,5 millions de bouteilles et 12 M€ de chiffre d’affaires. C’est la première liqueur française, voire européenne, au Japon. J’ai fait le point les jours derniers en visioconférence avec notre importateur au Japon : il y a un report non négligeable sur la grande distribution mais, malgré le confinement qui est un peu confus et le report des Jeux olympiques, les perspectives sont en baisse sur l’année mais de pas de façon scandaleusement dramatique. Pour les spiritueux, nous sommes en moyenne à -10% dans la grande distribution, ce qui n’est pas rien. Sur les marchés mûrs, comme les crèmes de fruit, cette crise accélère le mouvement sur le moyen terme. Mais nous ne sommes pas dans une situation dramatique comme les spiritueux de type classique, à l’instar, par exemple, du Cognac, de l’Armagnac, etc. Les produits tournés essentiellement à l’export vers la Chine, les Etats-Unis… subissent un ralentissement sévère des commandes ».
DLH : N’avez-vous pas rencontré des difficultés majeures en terme d’export eu égard à la fermeture des frontières ?
J.-D. C : « La Grande-Bretagne représente le seul marché où j’ai des difficultés. Et nous avions avant le coronavirus l’effet Brexit. Eu égard à la fermeture des pubs, cela représente -50%. Nous avons lancé de nouveaux produits et une nouvelle présentation du Cassis en Allemagne et lorsque l’on fait un lancement ce n’est pas évident de tomber sur une crise de cette ampleur. Paradoxalement, le plan de charge outre-Rhin est plutôt satisfaisant. Il est vrai que la consommation domestique en Allemagne comme en France est maintenue. Pour les produits standards destinés à la grande distribution, nous avons une déperdition parce que ce sont les rayons qui veulent cela mais le niveau d’activité reste acceptable. Le souci que l’on pourrait rencontrer, c’est le problème d’approvisionnement en matières premières et en matières sèches. Si je n’ai pas de bouteille, je ne peux pas mettre le Cassis dans les bouteilles. Mais nous n’avons pas pour l’instant ce genre de problème. Nous avons quelques reports mais ce n’est pas fondamental. Idem pour les expéditions… Nous avons eu quelques soucis il y a trois semaines en Allemagne, quelques problèmes de placement de conteneurs, des annulations de commandes pour l’Amérique du Nord mais nous n’avons pas, dans ma profession, rencontré de difficultés majeures dans ce domaine ».
DLH : Quels sont donc les problèmes majeurs auxquels vous êtes confrontés depuis le début du confinement ?
J.-D. C : « Notre souci principal réside dans la maintenance. Les entreprises ne peuvent plus s’approvisionner… et celles de maintenance sont fermées. Nous avons investi une nouvelle imprimante à jet d’encre sur une chaîne d’embouteillage. La société étant fermée, cela reporte d’un ou de deux mois la réception de la machine… Si nous subissons une panne machine, ce n’est pas évident ! Cela ne nous empêche pas de tourner puisque nous avons notre propre service de maintenance mais cela rend la tâche plus compliquée ».
DLH : Qu’espérez-vous du déconfinement ?
J.-D. C. : « Nous ne savons pas ce qui va se passer après le 11 mai. Cela ne va changer grand-chose pour nos entreprises mais au bout d’un certain temps nous pouvons tout de même avoir certaines craintes. Aujourd’hui, il n’y a pas de problème d’approvisionnement mais que se passera-t-il plus tard ? Il pourrait y avoir des conséquences de flux d’activité que l’on ne peut pas mesurer aujourd’hui. Qu’en sera-t-il également des répercussions sur la consommation domestique ? Nous avons, pour Lejay-Lagoute et L’Héritier-Guyot, une échéance : il s’agit de la récolte de fruits fin juin, début juillet. Il faut espérer que les conditions de la récolte, indépendamment de l’aspect climatique, soient correctes pour nos approvisionnements. Qui peut nous dire aujourd’hui quelle sera la situation au 1er juillet ? Personne… »
Propos recueillis par C. G