Un paysage lunaire. Une Range Rover abandonnée sur une route déserte et pour toutes victuailles de la nourriture périmée. Un père, Willem Storm, et son fils, tous deux survivants du « viruscorona » qui vient de décimer 95 % de la population mondiale, sont attaqués par des chiens sauvages.
Ainsi débute dans l’effroi, L’Année du lion, le roman que l’auteur sud-africain Deon Meyer fit paraître en 2016 et que la France, l’année suivante, a pris pour un récit post-apocalyptique.
En réalité, cet ouvrage prophétique sur la pandémie de 2020 anticipe avec une précision hallucinante ce que nous vivons et ressentons aujourd’hui. Mêmes scènes rapportées par tous les médias, le confinement, l’angoisse, la mort, la course folle pour les produits alimentaires, la hantise de perdre les siens. Même égoïsme des Etats, détournements de masques, annulation des vols internationaux…
Tout y est à une exception près. Ce n’est pas en Chine mais en Afrique que Deon Meyer fait apparaitre le virus. La similitude est si frappante entre le récit imaginé par l’écrivain sud-africain et la réalité actuelle que François Le Lionnais , fondateur avec Raymond Queneau de l’Oulipo, aurait pu faire état de plagiat par anticipation tant la coïncidence et la proximité sont troublantes.
Même si personne n’imaginait à l’époque, pas même son auteur, que cette fiction raconterait l’actuelle phase pandémique et ses conséquences économiques et sociétales, Deon Meyer ne s’était avancé sur le terrain de la fiction sans faire valider au préalable par des scientifiques, l’extrême nocivité d’un agent pathogène dangereux pour l’homme et la planète dénommé – coronavirus.
Il avait travaillé sur sa transmission de l’animal à l’homme puis de l’homme à l’homme, sur l’impact du virus sur nos sociétés mondialisées, sur la contamination intercontinentale et la fermeture des frontières, sur les détournements de masques de protection…
Trois ans après la traduction du roman en français, la trame qui le sous-tend est devenue la triste réalité ! A croire que les dirigeants politiques mondiaux ne lisent pas les romanciers ni n’écoutent les scientifiques.
Si l’humanité décimée par un coronavirus est le point de départ de l’Année du lion, si l’auteur imagine ce que cela serait de vivre une situation pandémique si chaotique, il conclut son ouvrage sur une note d’espoir : les survivants Amanzi créent avec une nouvelle société démocratique la perspective d’un monde meilleur.
Déon Meyer aura-t-il réussi, dans ce beau récit d’aventures qui est aussi une fable philosophique sur la fragilité de l’homme et sa capacité de résilience, à montrer aussi le chemin de l’avenir ? Réponse dans quelques mois.
Pierre P. Suter