Joël Abbey : « Attention à la dépression des personnes âgées isolées ! »

Que ce soit de façon dématérialisée pour le Centre d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de la Côte-d’Or dont il est le président ou sur le terrain à la mairie de Pontailler-sur-Saône, Joël Abbey se multiplie durant cette période de confinement. Interview d’un premier magistrat dont le passé de médecin s’avère également efficace durant cette guerre sanitaire…

Dijon l’Hebdo : : Maire de Pontailler-sur-Saône depuis 2001, vous aviez décidé de passer la main lors des dernières élections municipales. L’actualité sanitaire en a décidé autrement…

Joël Abbey : « Etant encore maire eu égard à la situation que nous connaissons tous et faisant partie de la future équipe, comme conseiller municipal s’entend, je suis en relation constante avec Marie-Claire Bonnet-Vallet, présidente de la communauté de communes, appelée à me succéder à la tête de Pontailler-sur-Saône. Si bien que, depuis le début du confinement, je poursuis mon action afin d’accompagner au mieux mes concitoyens… »

DLH : Comment avez-vous maintenu l’activité municipale depuis le début du confinement ?

J.A. : « Dès le départ, j’ai envoyé une lettre à l’ensemble des habitants leur précisant les modalités de fonctionnement de la mairie dans le cadre des nouvelles mesures liées au confinement. Mais aussi l’ensemble des nouveaux services que nous avons souhaités mettre en place… Ainsi avons-nous fermé le secrétariat de la mairie, cependant les secrétaires sont présentes les jours ouvrables de façon alternative afin de ne pas se croiser. Elles assurent une permanence téléphonique et si des demandes spécifiques de rendez-vous physiques sont nécessaires, en ce qui concerne par exemple l’Etat civil, nous pouvons accueillir les personnes avec toutes les mesures de précaution indispensables. Je suis également en lien permanent avec la secrétaire générale qui télétravaille. Nos agents continuent d’œuvrer sur le terrain afin d’assurer, par exemple, la propreté de la commune… Nous avons développé un système faisant qu’ils ne se croisent jamais et qu’ils travaillent seuls. Et je vais pour ma part à l’hôtel de ville chaque jour, la vie administrative se poursuivant. Il est, par exemple, hors de question que nous ne continuions pas à payer les factures des entreprises sous-traitantes. Les habitants déposent dans la boîte aux lettres leurs documents ou les envoient par recommandé afin que nous puissions les traiter. Tout ce qui concerne les permis de construire et l’urbanisme doit également se poursuivre… »

DLH : Avez-vous réussi à maintenir le lien avec les personnes âgées isolées ?

J.A. : « J’ai précisé dans la lettre que, pour les personnes âgées qui avaient des difficultés à se déplacer, nous pouvions faire leurs courses et les livrer. Il suffit qu’elles appellent la mairie et listent ce dont elles ont besoin. Ensuite nous téléphonons aux commerces concernés qui préparent la commande que nous emportons au domicile de la personne. Sachez que nous plaçons aussi des imprimés d’attestation à l’extérieur de la mairie pour nos concitoyens qui ne disposent pas d’imprimante. Nous réalimentons ce dispositif toute la journée. Une astreinte téléphonique d’urgence, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, a également été mise en place ».

DLH : Pontailler-sur-Saône dispose ainsi, en quelque sorte, de son « drive »…

J.A. : « C’est un peu cela… Mais il faut savoir que tous les commerçants encore ouverts de Pontailler-sur-Saône se sont mobilisés en mettant en place un service de livraison. L’épicerie, le marchand de légumes, le pharmacien se rendent également chez les gens. Le boucher est ouvert le matin et effectue aussi des livraisons l’après-midi. Les clients peuvent également joindre le supermarché ATAC qui peut leur préparer leur commande. Et celle-ci est prête lorsqu’ils arrivent… Une véritable solidarité des commerçants a vu le jour dans la commune et c’est une excellente chose ! »

DLH : Les mesures de confinement sont-elles strictement respectées dans votre commune ?

J.A. : « Bien sûr ! Tous les jours, je peux le vérifier. J’ai pu constater qu’il n’y avait pas de problèmes par rapport à ces mesures de confinement. C’est interdit de se promener à vélo mais je vous livre tout de même une anecdote : nous avons découvert deux jeunes circulant à vélo qui avaient planté une tente au bord de la Saône à proximité du collège de Pontailler. Les gendarmes ont vérifié qu’ils étaient en règle : ils s’agissait de deux jeunes rapatriés du Pérou qui avaient atterri à Paris. N’ayant plus d’argent à leur retour en France, ils rejoignaient le Jura à vélo. Ils bénéficiaient d’une attestation en règle et ils ont pu continuer leur périple jusque chez eux ! »

DLH : Avez-vous, en revanche, vu des répercussions quant à l’allongement des mesures de confinement ?

J.A. : « Les adjoints – ceux de l’ancienne équipe et de la nouvelle – appellent une à deux fois par semaine les personnes âgées isolées afin, là aussi, de voir si elles ont besoin d’aide. Nous nous sommes aperçus qu’elles commençaient de subir de plein fouet les affres de la solitude. Celles qui avaient l’habitude de sortir régulièrement souffrent de l’isolement et elles peuvent déprimer ».

DLH : J’imagine que vous êtes aussi contacté comme ancien médecin dans cette crise sanitaire…

J.A. : « Je n’exerce plus mais je reçois évidemment des appels de mes anciens patients ou de leurs proches. Il ne faut pas oublier aussi, dans cette période, celles et ceux qui souffrent d’autres pathologies que le Covid-19 et qui doivent parfois se rendre à l’hôpital ou chez un spécialiste. Cela peut poser des problèmes pratiques, et notamment au niveau des équipements de protection individuelle. Je pense notamment aux masques. J’ai dû d’ailleurs en fournir à un malade qui devait se rendre en ambulance à Dijon. Nous disposions des masques que nous avions eus lors de l’épidémie de grippe H1N1. Certes ils sont périmés mais ils fonctionnent tout de même. Leur efficience a d’ailleurs été prouvée. J’ai pu en donner aux infirmières, aux personnels soignants, aux enseignants volontaires qui accueillent les enfants des professionnels de santé dans le groupe scolaire des Berges de Saône mais aussi aux personnels de la commune qui travaillent… »

DLH : Vous pilotez également la commission qui attribue les logements (CAL) du bailleur social Orvitis. Celle-ci a-t-elle pu fonctionner encore ?

J.A. : « Orvitis organise des CAL dématérialisées afin que l’attribution des logements puisse se poursuivre. En situation normale, nous tenons 2 à 3 réunions de ce type par mois où nous passons 60 à 70 dossiers. Là, avec le confinement, nous en faisons tous les deux jours avec un nombre certes réduit de dossiers mais cela nous permet de répondre plus vite… Notre règlement impose que l’unanimité soit au rendez-vous. Cela ne s’arrête pas car des gens ont besoin de se loger ! Des problèmes se posent tout de même parce qu’il est plus difficile de réaliser les états des lieux et les remises de clef. Dans cette période, Orvitis s’est adapté afin de continuer d’assurer l’ensemble de ses missions ».

DLH : Le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de la Côte-d’Or, que vous présidez, poursuit également ses activités. Etait-ce important ?

J.A. : « Seul le directeur passe physiquement de temps en temps afin, notamment, de relever le courrier, l’ensemble du personnel étant en télétravail. Juste avant le confinement, nous avons mandaté une entreprise afin que chacun dispose, à son domicile, d’un poste de travail. Les architectes, paysagistes… peuvent ainsi continuer leur activité depuis chez eux. Je n’ai pas souhaité pour ma part que ceux qui ont notamment des enfants se mettent en chômage partiel. Et ce, parce que nous disposons de la dotation départementale afin de régler les salaires de l’ensemble du personnel du CAUE. Je ne me voyais pas demander à l’Etat de participer, alors qu’il doit le faire déjà pour les gens qui en ont réellement besoin. Il faut avoir le souci de l’argent public et le CAUE continue de travailler de façon dématérialisée notamment pour les collectivités de la Côte-d’Or ! »

Propos recueillis par Camille Gablo