Une poignée de mains ou une embrassade entre deux personnes dans la ville chinoise de Wuhan, en novembre 2019, peut changer le destin de la planète. Il en a probablement toujours été ainsi des pandémies qui rythment périodiquement la vie des hommes depuis les origines.
En 1933, Charles Nicolle écrivait que « les maladies infectieuses sont les compagnes constantes de notre vie ». L’homme depuis son apparition sur terre est soumis à des maladies causées par des parasites, des microbes et des virus et les maladies infectieuses ont longtemps été les principales causes de morbidité et de mortalité.
Dans un ouvrage intitulé « Pandémie, la grande menace » publié il y a 15 ans , deux éminents spécialistes des maladies respiratoires et infectieuses les professeurs Jean-Philippe Derenne et François Bricaire, faisaient le point à la suite de l’épidémie de SRS en 2003 sur les aspects les plus récent de l’épidémie qui causa 800 morts dans le monde et toucha des dizaines de pays et énuméraient les moyens à disposition d’une démocratie pour affronter une épreuve de cette nature.
Les auteurs rappellent que la maladie était apparue le 16 novembre 2002 dans la ville de Foshan, située dans la province chinoise du Guangdong au sud de Canton. Le 14 février 2003, les autorités chinoises, qui jusque-là avaient fait le black-out sur l’événement, informèrent l’OMS de la survenue d’une pneumonie atypique et mirent en place un système de quarantaine et d’hospitalisation des sujets suspects d’être atteints par la maladie. La recherche de l’agent responsable de l’épidémie permit rapidement d’identifier un coronavirus présent chez une espèce de civette particulièrement appréciée par les gastronomes chinois .
L’histoire se répète-t-elle en pire ?
Passant en revue les pandémies de la seconde moitié du XXe siècle, les auteurs rappellent que la « Grippe asiatique » qui frappa la planète en 1957/58 provint de la province chinoise du Kweichow, de même que celle de 1968/69 dite « Grippe de Hong Kong » qui frappa sévèrement dans une deuxième vague la France l’année suivante avec une forte létalité.
Décrivant les symptômes du SRAS, les auteurs évoquent fièvre, toux, gène respiratoire, malaise, frissons, douleurs thoraciques musculaires, articulaires, pharyngiennes et crâniennes, et des problèmes digestifs.
« Le SRAS est donc, écrivaient-ils en 2005, un exemple dont nous avons beaucoup à apprendre. L’histoire commence par la rupture soudaine de l’environnement de l’homme : des civettes , animaux appréciés par les gourmets chinois, ont transmis une affection capable de contaminer d’autres humains. De locorégionale, l’épidémie s’est étendue grâce aux transports aériens, à distance dans plus de trente pays ».
En avons-nous tiré toutes les conséquences ?
Mondialisation déréglée et sans contrôle et création de nouvelles conditions écologiques propices aux épidémies se sont poursuivies frénétiquement.
On ne peut qu’approuver les analyses du directeur de recherche du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, Serge Morand, par ailleurs auteur de l’ouvrage publié en 2016 chez Fayard « La prochaine peste. Une histoire globale des maladies infectieuses ».
Constatant la croissance constante du nombre d’épidémies de maladies infectieuses dans le monde depuis un siècle, il a émis l’hypothèse que la multiplication des épidémies était due à la modification des contacts entre la faune sauvage et les humains : « A cause de l’intensification de la production animale, et donc l’augmentation du nombre d’animaux d’élevage ainsi que de la superficie des terres agricoles pour les nourrir, la faune sauvage voit son territoire se réduire. Contrainte de se déplacer, elle côtoie d’avantage les animaux domestiques. Or cette proximité est une condition d’émergence des maladies infectieuses » et d’ajouter, en faisant la démonstration dans un remarquable article publié par l’hebdomadaire « Le 1 » du 18 mars, que « la transmission du coronavirus , très proche de celui qui provoqua l’épidémie de SRAS il y a quinze ans, repose sur le même mécanisme ».
Cette nouvelle crise sanitaire est une alerte majeure à analyser quand l’urgence sera passée pour ne pas risquer une prochaine « peste ».
C’est à l’occasion d’épreuves de cette nature qu’une démocratie montre la réalité de son fonctionnement comme la vérité de ses valeurs et de ses principes.
Saurons-nous collectivement mettre en oeuvre, à l’issue de cette épreuve, les solutions adéquates ?
Au nombre de celles qui auraient indéniablement un impact positif sur notre sécurité sanitaire , notre économie et notre bien-être global, il faudra notamment (liste non exhaustive) promouvoir des mesures de déglobalisation en réhabilitant l’économie circulaire, en relocalisant des industries vitales, en limitant fortement le transport international des marchandises, en favorisant à nouveau l’agriculture locale, en remettant en question l’élevage intensif.
« Nul ne peut prédire quand cette épidémie sera vaincue et à quel prix » écrit Julien Bisson, mais, d’ores-et-déjà, on peut prédire que le monde pourrait s’en trouver profondément bouleversé. Il ne tiendra qu’à nous qu’il le soit dans un sens meilleur.
Pour l’heure montrons-nous disciplinés pour endiguer l’épidémie et faisons preuve de fraternité, cette fraternité qui s’exprime dans des petits riens si essentiels et se déploie à bas bruit.
Pierre P. Suter