« Le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour aux jours d’avant ! » Cette assertion du président de la République, Emmanuel Macron, lors de sa première intervention solennelle face au coronavirus, augure d’un avenir différent. Une chose est sûre : le monde de la santé, en première ligne actuellement sur le front de la guerre contre le Covid-19, le mériterait !
Le dimanche 15 juillet 2018, ils étaient 26,1 millions à suivre la finale de la coupe du Monde de football et à s’enthousiasmer pour la victoire des hommes de Didier Deschamps face à la Croatie. Médiamétrie avait, à l’époque, estimé à 5,2 millions le nombre de personnes réparties dans les lieux publics, bars, restaurants… si bien que le nombre de téléspectateurs tous écrans s’élevait en réalité à 20,9 millions. Aussi, avec près de 25 millions de téléspectateurs regardant son allocution télévisée le jeudi 12 mars dernier, le président de la République donnant le coup d’envoi de « la guerre sanitaire face au Coronavirus » a déjà battu… les Bleus. A cette occasion, après avoir tenté de rassurer les Français et présenté les premières mesures fortes afin de lutter contre le Covid-19, Emmanuel Macron a, dans sa conclusion, glissé une phrase dont l’écho résonne encore aujourd’hui : « Retenons cela, le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour aux jours d’avant ! » Naturellement, pourrions-nous écrire, en cette période de confinement, les fans zones de l’été 2018 nous paraissent déjà appartenir à un lointain passé, tout comme les exploits de M’Bappé et consorts. Pour preuve, les chaînes sportives retransmettent dorénavant des matches appartenant à l’histoire et l’Equipe 21 a même ouvert son antenne à des sports insolites, qui touchent parfois au surréalisme : toucher est le bon terme puisque parmi ceux-ci figurait tout de même le Dodgeball, un sport apparemment très populaire au Mexique où deux équipes s’affrontent dans une sorte de balle aux prisonniers, qui n’a rien à envier à celle qui était pratiquée dans les cours de récréation !
C’était juste quelques exemples afin de ne pas accentuer l’atmosphère anxiogène difficilement respirable actuellement. Mais le verbatim du président, « le jour d’après », n’avait évidemment rien à voir avec cela. Il faut dire qu’il a également mis en exergue dans son allocution : « Nous gagnerons, mais cette période nous aura beaucoup appris. Beaucoup de certitudes, de convictions seront balayées, seront remises en cause ! » De quelles certitudes parlait-il ? Confiera-t-il, comme l’un de nos lecteurs l’a préconisé, après la victoire contre cette pandémie le ministère de la Santé au médecin qui l’avait interpelé le jeudi 27 février à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, où est, rappelons-le, décédé la première victime française du coronavirus ? Vous vous souvenez, sans conteste, du neurologue, François Salachas, qui lui avait demandé de « refinancer l’hôpital public en urgence ». Celui-là même qui avait utilisé une comparaison qui avait fait mouche : « Quand il a fallu sauver Notre-Dame, il y avait beaucoup de monde pour être ému. Là, il faut sauver l’hôpital public, qui est en train de flamber à la même vitesse que Notre-Dame a failli flamber. Ça s’est joué à rien et là, en ce moment, ça se joue à rien ! » Doit-on encore longtemps rester sourd aux alertes que profère le monde hospitalier depuis des années ? Doit-on continuer encore longtemps les politiques conduisant à la réduction du nombre de lits à l’hôpital au prorata du nombre d’habitants ?
Premiers de cordée
Avec environ 6 lits pour 1000 habitants, la France est deux fois moins bien dotée en la matière que la Corée du Sud (12 pour 1000 !), où, pour l’instant (il faut toujours être prudent !), les autorités sanitaires, avec leurs énormes capacités de tests épidémiologiques, semblent beaucoup mieux armées contre le coronovirus. Il faut dire que ce pays a déjà appris de ses erreurs du passé. Il s’était en effet fourvoyé lors du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) en 2015.
Au rayon désormais des certitudes qui doivent être balayées, l’autosatisfaction permanente de la France sur la scène internationale (ne pensons-nous pas être depuis toujours et à jamais les meilleurs !) ne devrait-elle pas laisser place à une remise en cause indispensable pour envisager l’avenir sereinement ? Ne serait-ce pas le meilleur moyen de redevenir le pays des Lumières ?Quelles qu’en soient les causes, la pénurie de masques qui handicapent (pour ne pas dire plus !) les professionnels de santé, exemplaires en première ligne, ne doit-elle pas conduire l’Hexagone à une véritable remise en question ? Cela éviterait le cri d’alarme poussé par le président de la Fedosad, Gérard Laborier, qui compare, dans ce domaine, la France à un pays sous-développé (voir page 12).
Enfin, et pour ne pas être trop long, ne devons-nous pas plutôt que de tresser des lauriers aux Premiers de cordée, chers à Roger Frison-Roche et à d’autres, plébisciter celles et ceux qui ont fait de la solidarité et de la fraternité leur ligne de vie… Et pas seulement en montagne !
Après avoir franchi le pic du Coronavirus et remporté cette guerre d’un nouveau genre, rien ne doit évidemment plus être comme avant… L’écrivain Jean-Paul Sartre écrivait : « Le passé est plus important d’une certaine façon que l’avenir, il nous apporte quelque chose ». Alors que nous sommes tous actuellement accrochés au présent, espérons que nous saurons en tirer les enseignements !
Camille Gablo