Emmanuel Bichot : incarner la revanche d’une droite humiliée depuis 2001

Tomber de Charybde en Scylla… Voilà une expression employée depuis le XIVe siècle, mais qui remonte à l’Antiquité, qui conviendrait à merveille pour traduire le comportement de la droite dijonnaise aux élections municipales depuis 2001. Le récent sondage publié par le quotidien Le Bien Public place, en effet, la liste conduite par Emmanuel Bichot à 16 % des intentions de vote pour le prochain scrutin du 15 mars. Nouveau séisme en vue ? Avec, en prime, le risque d’une dégringolade vers les tréfonds… ?

16 % ! Certes, ce n’est qu’un sondage mais quand même ! C’est 23,45 % de moins que la liste conduite par Jean-François Bazin en 2001… En 2008, François-Xavier Dugourd était battu dès le premier tour avec 36,36 %. En 2014, Alain Houpert dépassait à peine les 28 %. Et ce sondage qui vient aujourd’hui casser les genoux du candidat LR avec 16 %…

Pourtant, cela fait six ans qu’Emmanuel Bichot se prépare à cette échéance. Six ans qu’il est rentré dans la peau d’un candidat aux municipales -il n’est sans doute pas le meilleur, mais il se prend à croire qu’il est le seul-. Des mois qu’il ne l’insinuait plus. Des mois qu’il l’affichait, le proclamait. Il n’y pensait pas seulement en se rasant, mais du matin au soir et du soir au matin, sans relâche, sans dévier une seconde de sa cible : la victoire aux prochaines municipales de Dijon et incarner ainsi la revanche d’une famille politique humiliée depuis 2001.

Malgré tout, nonobstant une situation qu’il n’imaginait pas aussi inconfortable à quelques semaines du premier tour du scrutin, l’ancien maire de Saint-Romain -dans feu le canton de Nolay – dans le sud du département de la Côte-d’Or pour les faibles en géographie – souligne avec la même insistance ses intentions, la clarté de son message, l’évidence que « la dynamique est de son côté »… Cela ne fait peut-être pas un programme mais c’est un viatique utile quand on a pas d’autre poire pour la soif.

Ce qui fait sa singularité, c’est de croire qu’il est incontournable, inévitable. C’est aussi de vouloir représenter à lui seul la droite plurielle qui, s’il s’écoutait et surtout s’il était entendu, irait du centre à l’extrême droite modérée. N’a-t-il pas accepté à ses côtés au conseil municipal un frontiste défroqué dans la deuxième partie du mandat ? On l’a compris, Emmanuel Bichot, avec cette ambition sans bornes qui lui sert de boussole, cherche à dépasser les frontières de la seule droite sans oublier de commencer par rassembler son camp. En ne laissant personne au bord de la route. Il a réussi à convaincre Laurent Bourguignat -qui avait reçu de son côté le soutien de Valérie Pécresse- de le rejoindre en lui « offrant » une 7e place sur sa liste que beaucoup ont vu comme un camouflet ; mais le pater familias n’a pas pu empêcher le divorce avec l’UDI Franck Ayache parti pour constituer un ménage à trois avec un ancien socialiste, candidat malheureux à des élections locales à Châtillon-sur-Seine, et La république en Marche.

Le pari de la revanche

Mais peu importe, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Emmanuel Bichot connaît l’adage et l’applique sans état d’âme. Pour attirer l’attention, il faut faire gros. Toutes les entreprises connaissent le syndrome de l’intérimaire qui en fait des tonnes pour que le patron le remarque et lui accorde un CDI.

Loin d’être un apôtre de l’esprit de modération cher à Montesquieu, Emmanuel Bichot n’a eu de cesse de radicaliser son hostilité à l’encontre de François Rebsamen. Tel un insomniaque cherchant désespérément la bonne position pour s’endormir, il s’est évertué à trouver les meilleurs angles de tir pour pilonner sans relâche la politique du maire de Dijon. Quel que soit le registre : cité de la gastronomie -qui a fait l’objet de recours qui ont été rejetés-, plan local d’urbanisme, sécurité, attractivité, rayonnement économique…

L’opiniâtreté, la ténacité de cet énarque de 52 ans ne se sont en tout cas jamais démenties quitte à ce que cela l’entrave dans une critique systématique et sans complaisance. Et il faudrait avoir un coeur de pierre pour ne pas être « ému » par une telle abnégation. Reste que « cogner » Rebsamen n’est pas une fin en soi… C’est un point qui ne relève pas du détail et qui pourrait, en partie, expliquer ces 16 % du sondage et montrer par là même que si la politique n’est pas le monde des Bisounours, l’excès d’agressivité peut indisposer l’électeur.

Au premier regard, Emmanuel Bichot, c’est un classique, typique de la France traditionnelle, avec le discours musclé, le verbe haut, le menton conquérant mais une empathie qui semble lui faire défaut. Il est vrai qu’il n’a sûrement pas oublié les couleuvres qu’il a avalées en 2014 pour laisser place nette au sénateur Alain Houpert pour occuper la tête de liste aux municipales. Emmanuel Bichot qui n’a jamais abandonné sa rigueur de premier de la classe, a fait le pari de la revanche, de toutes les revanches. On comprend mieux les liens amicaux qui l’unissent à Jean-François Copé, ce haut fonctionnaire comme lui qui a occupé plusieurs fonctions ministérielles dans les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin. Jean-François Copé dont le héros préféré est Zorro, celui qui « finit toujours par remonter à cheval »…

Jean-Louis Pierre